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02/07/2020 | FRANCE | N°18BX00462

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 02 juillet 2020, 18BX00462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes I... et H...-K... E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 18 février 2016 par laquelle le préfet de la Dordogne a refusé de délivrer une autorisation de défrichement pour la parcelle de bois située sur la commune d'Audrix, cadastrée B n° 1062, dont elles sont propriétaires.

Par un jugement n° 1601671 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire en réplique enregistrés respectivement les 5 février 2018 et 30 janvier 2019, Mmes E..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes I... et H...-K... E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 18 février 2016 par laquelle le préfet de la Dordogne a refusé de délivrer une autorisation de défrichement pour la parcelle de bois située sur la commune d'Audrix, cadastrée B n° 1062, dont elles sont propriétaires.

Par un jugement n° 1601671 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 5 février 2018 et 30 janvier 2019, Mmes E..., représentées par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 décembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 18 février 2016 par laquelle le préfet de la Dordogne a refusé de délivrer une autorisation de défrichement pour la parcelle de bois cadastrée B n° 1062 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de réexaminer la demande d'autorisation de défrichement dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour à compter de cette date ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- aucune autorisation n'est nécessaire pour procéder au défrichement litigieux ; la décision en litige est donc superfétatoire ; elle est entachée d'un vice d'incompétence de son auteur ;

- la décision en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 8° et du 9° de l'article L. 341-5 du code forestier ;

Par une intervention enregistrée le 5 février 2018 et présentée à l'appui de la requête, suivie d'un mémoire enregistré le 30 janvier 2019, la commune d'Audrix demande à la cour, par les mêmes moyens que Mmes E..., d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 décembre 2017, d'annuler la décision du préfet de la Dordogne du 18 février 2016, d'enjoindre au préfet de la Dordogne de réexaminer la demande d'autorisation de défrichement dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour à compter de cette date, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérantes n'est fondé.

Par ordonnance du 20 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 janvier 2019 à 12:00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code forestier ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... G...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Mmes E... et la commune d'Audrix.

Considérant ce qui suit :

1. Mmes E... sont propriétaires d'une parcelle cadastrée B n° 1062, sur le territoire de la commune d'Audrix. En tant que futur acquéreur de cette parcelle, M. D..., agissant pour le compte des propriétaires, a, par une demande en date du 29 septembre 2015, reçue le 3 novembre 2015, sollicité l'autorisation de procéder à son défrichement sur une surface de 33 ares, dans le cadre de la construction d'une maison d'habitation. Le dossier ayant été considéré comme complet le 6 janvier 2016, le préfet de la Dordogne a rejeté la demande par une décision du 18 février 206, sur le fondement des dispositions des 8° et 9° de l'article L. 341-5 du code forestier. Mmes H... et I... E... relèvent appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur l'intervention de la commune d'Audrix :

2. Le terrain sur lequel porte la décision en litige est situé sur le territoire de la commune d'Audrix, laquelle a, par sa carte communale approuvée en 2007, classé le secteur en cause en zone constructible, malgré la présence d'un bois, en vue de soutenir le développement de l'activité économique sur son territoire. Dans la mesure où le projet de M. D... tend à la construction d'une maison et d'un hangar à usage professionnel, et ne peut être réalisé sans l'obtention préalable d'une autorisation de défrichement, la commune justifie d'un intérêt à agir contre la décision refusant une telle autorisation. Par suite, son intervention doit être admise.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 341-1 du code forestier : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière. (...) ". Aux termes de l'article L. 341-3 du même code : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation. (...) ". Aux termes de l'article L. 342-1 dudit code : " Sont exemptés des dispositions de l'article L. 341-3 les défrichements envisagés dans les cas suivants : / 1° Dans les bois et forêts de superficie inférieure à un seuil compris entre 0,5 et 4 hectares, fixé par département ou partie de département par le représentant de l'Etat, sauf s'ils font partie d'un autre bois dont la superficie, ajoutée à la leur, atteint ou dépasse ce seuil ; (...) ".

4. Par ailleurs, l'article L 341-5 du code forestier dispose que : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes (...) 8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population; 9° A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches ".

5. En premier lieu, en relevant que la réalisation du projet faisant l'objet de la demande d'autorisation de défrichement serait de nature, d'une part à favoriser le risque d'incendie dans ce secteur boisé isolé, non desservi en voirie et réseau, dans des peuplements sensibles au feu et dans un secteur du département classé en risque moyen au regard de l'atlas risque incendie de forêt en Dordogne et, d'autre part, à porter atteinte aux espaces naturels et forestiers, le massif ayant à la fois un rôle de protection (eau de ruissellement) et un intérêt économique et environnemental, le préfet de la Dordogne, qui a par ailleurs expressément mentionné le 8° et le 9° de l'article L. 341-5 du code forestier, a suffisamment motivé sa décision.

6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions citées au point 3 que la superficie à prendre en compte pour faire application de l'exception prévue par le 1° de l'article L. 342-1 du code forestier, n'est pas celle de l'espace défriché mais celle du bois dans lequel il est procédé à un défrichement. Or, il ressort des pièces du dossier que la parcelle litigieuse est située au coeur d'un massif forestier dont la surface est supérieure à 4 hectares d'un seul tenant. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la constructibilité de cette parcelle ne serait pas soumise à autorisation de défrichement.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de reconnaissance des bois à défricher du 19 janvier 2016, établi à la suite d'une visite sur site en présence du demandeur de l'autorisation de défricher, des propriétaires du terrain et du maire de la commune, que la parcelle litigieuse se situe au coeur d'un vaste massif forestier de plusieurs centaines d'hectares, caractérisé par un relief fortement accidenté. Ce massif a, dans sa globalité, un rôle de protection contre les eaux de ruissellement, compte tenu de sa topographie et de son relief, un intérêt économique et une qualité environnementale. Il est constitué d'arbres feuillus, avec quelques ilots résineux, sensibles au risque incendie, et se situe dans un secteur classé en risque moyen au regard de l'atlas risque incendie de forêt en Dordogne. Compte tenu de sa situation, en bordure sud-est du territoire communal, il constitue une coupure dans l'urbanisation. Le rédacteur du procès-verbal indique ainsi que " la construction d'une habitation (...) dans ce secteur de la commune serait de nature à générer un fort risque en terme d'incendie " et que la parcelle " se trouve isolée et séparée de la zone à urbaniser de la commune par une réserve boisée qui constitue une limite naturelle dans l'environnement ". Dans ces conditions, alors même que ladite parcelle est classée en zone urbanisable par la carte communale approuvée en 2007, et que le défrichement porterait sur une superficie limitée, de 3 300 m2, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'en refusant l'autorisation de défricher leur parcelle, le préfet de la Dordogne aurait commis une erreur d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que Mmes E... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Sur les conclusions en injonction :

9. La présente décision, qui rejette les conclusions de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions en injonction formées par Mmes E... ne peuvent être accueillies.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mmes E... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. N'ayant pas la qualité de partie, la commune d'Audrix n'est par ailleurs n'est pas fondée à demander le versement à son profit d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune d'Audrix est admise.

Article 2 : La requête de Mmes E... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune d'Audrix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mmes I... et H...-K... E..., au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à la commune d'Audrix.

Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme F... J..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

Mme B... G..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

La présidente,

Brigitte J...

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00462
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-06-02-02 Agriculture et forêts. Bois et forêts. Protection des bois et forêts. Autorisation de défrichement.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET ARCC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-02;18bx00462 ?
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