Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Orange a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Cognac à lui verser la somme de 134 536,28 euros TTC, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2015, en règlement de deux factures.
Par un jugement n° 1601292 du 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2018, la société Orange, représentée par la SCP Rumeau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 octobre 2018 ;
2°) de condamner la commune de Cognac à lui verser la somme de 134 536,28 euros TTC, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2015, en règlement de deux factures ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cognac la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle a droit au paiement de la somme litigieuse sur le fondement du contrat à titre principal, et sur le fondement de l'enrichissement sans cause à titre subsidiaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2019, la commune de Cognac, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Orange en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la requête n'est pas fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... E...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Cognac.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Cognac a passé, le 14 octobre 2011, avec la société Orange un marché de services de télécommunications ayant pour objet les raccordements téléphoniques hors T2 (abonnements, communications entrantes, communications sortantes vers les services), ainsi que les services d'accès à internet à débits non garantis. Ce contrat, conclu pour une durée de deux ans, a été renouvelé pour une même durée par un avenant du 5 novembre 2013. La société Orange a demandé au tribunal administratif de Poitiers la condamnation de la commune de Cognac à lui verser, en exécution de ce contrat, la somme de 134 536,28 euros en règlement des factures émises respectivement le 11 mai 2015 et le 5 juin 2015 qui n'ont été que partiellement acquittées. Elle relève appel du jugement du 3 octobre 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la responsabilité contractuelle :
2. Aux termes de l'article 4.1 du cahier des clauses administratives particulières " marchés de services de télécommunications " : " Les prestations sont réglées au Titulaire et à ses sous-traitants déclarés au moment de l'établissement des marchés ou ultérieurement par voie d'avenant ou d'acte spécial, par application des prix unitaires ou des répartitions de prix unitaires figurant aux bordereaux des prix unitaires ".
3. Dans le cadre de l'exécution du marché de télécommunications passé entre la société Orange et la commune de Cognac, l'opérateur a adressé à la collectivité une facture relative aux abonnements et consommations pour le mois d'avril 2015 d'un montant de 67 658,98 euros TTC, puis une facture d'un montant de 73 378,39 euros TTC pour les prestations du mois de mai 2015. La commune de Cognac, dont le montant des factures mensuelles était habituellement d'environ 3 000 euros, a refusé de s'acquitter de la part des factures correspondant à des consommations qu'elle estimait injustifiées émanant d'une ligne téléphonique analogique lui appartenant dédiée à la télémaintenance d'une chaudière vers un numéro spécial surtaxé, le 3617, correspondant à un service de consultation des horaires de la SNCF.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expertise réalisée à la demande de la commune de Cognac, et non contestée, qu'entre le 13 avril 2015 et le 20 mai 2015, près de 100 000 appels facturés 1,22 euros hors taxe chacun ont été enregistrés en tant que prestations par la société Orange et facturés à la commune de Cognac. L'expert indique que ces appels ont pu être attribués à une chaufferie qui a été automatisée et programmée en 2004 pour collecter les informations de sécurité et alerter d'un défaut de sécurité en appelant le numéro 3617, ligne Minitel alors utilisée par plusieurs services d'alarme et notamment par des systèmes de surveillance automatique de chauffage. Ce système de télésurveillance a été abandonné en 2006, sans que l'automate ne soit reconfiguré de sorte qu'il restait susceptible de composer le numéro 3617. Ce numéro 3617 a été désactivé en juin 2011 puis réattribué par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) en 2014 à un serveur local surtaxé. Toutefois, l'expert précise qu'il n'y a eu en réalité qu'un seul appel vers le 3617, opéré le lundi 13 avril 2015, et que les appels réitérés sont dus à la réponse non conforme de la ligne téléphonique. Ainsi, l'automate, lorsqu'il a appelé le 3617, n'a pas reçu le retour attendu lui disant que le " 3617 a décroché ", ce qui a donc provoqué un renouvellement incessant de l'appel, jusqu'à finalement que la ligne soit déconnectée du modem. En outre l'expert ajoute qu'il est possible que cet appel n'ait pas été émis en raison d'un défaut de la chaudière mais du fait d'une microcoupure de tension ou un autre phénomène sans que cela n'explique que ces appels soient réalisés toujours à partir de 0h. Il résulte donc de ces éléments d'une part que la société Orange ne peut se prévaloir d'un dysfonctionnement de l'automate qui aurait émis des appels sans discontinuer, l'origine des appels étant dus à la non-conformité de la réponse de la ligne téléphonique. D'autre part, les consommations dont il est demandé le paiement par la société Orange, dès lors qu'elles ne correspondent pas aux prestations commandées et prévues par le marché, dont au demeurant les pièces faisaient encore apparaître le numéro 3617 comme une ligne Minitel dont le coût à la connexion était de 0,017 euros HT, ne sauraient être mises à la charge de la commune de Cognac sur le fondement de ce contrat.
Sur la responsabilité extracontractuelle :
5. La société Orange demande, à titre subsidiaire, la condamnation de la commune de Cognac en raison de l'enrichissement sans cause résultant du non-paiement des factures en litige. Toutefois, la société requérante, qui est liée à la commune de Cognac par un contrat, ne peut exercer d'autre action que celle procédant de ce contrat. Elle ne peut donc utilement rechercher la responsabilité extra-contractuelle de la commune.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Cognac à lui verser une indemnité correspondant aux factures en cause.
Sur les frais liés l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cognac, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Orange, une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Cognac sur le fondement de ces mêmes dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1 : La requête de la société Orange est rejetée.
Article 2 : La société Orange versera à la commune de Cognac la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et à la commune de Cognac.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme A... D..., présidente,
Mme B... E..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 juin 2020.
La présidente,
Brigitte D...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04097