Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 août 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1904669 du 4 décembre 2019 le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2020, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en date du 4 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 22 août 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle " salarié " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait dès lors qu'il se fonde sur la circonstance que l'intéressé aurait présenté un contrat de travail raturé établi pour une durée en réalité de 7 mois et 15 jours, alors qu'il n'a pas présenté de contrat de travail raturé et que la durée de ce contrat était de 12 mois ; le refus de séjour contenu dans cet arrêté se fonde à tort sur une intention frauduleuse ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- il rentrait dans le champ d'application des dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile même en l'absence de contrat à durée indéterminée ;
- il justifie désormais d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation ;
- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il demeure en France régulièrement depuis l'année 2013 où il a poursuivi ses études puis travailler, qu'il s'est impliqué dans des actions humanitaires et qu'il dispose d'attaches familiales en France ainsi que d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale.
Par une décision du 12 mars 2020, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- et les conclusions de Me E..., représentant M. D....
Le préfet de la Gironde a produit un mémoire en défense le 2 juin 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant ivoirien, né le 29 mars 1982 à Adjame (Côte-d'Ivoire), entré en France le 1er octobre 2013 sous couvert d'un visa de long séjour " étudiant ", relève appel du jugement en date du 4 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de renvoi.
2. Aux termes du I de l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Au terme d'une première année de séjour régulier en France (...), l'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que : (...) 2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. / La carte de séjour pluriannuelle porte la même mention que la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire (...) ". Aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". / La carte de séjour est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi (...). / 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée (...), dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail (...), dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail (...). Elle porte la mention " travailleur temporaire " (...) ".
3. Pour refuser au requérant la délivrance d'un titre de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle, le préfet s'est notamment fondé sur le fait que M. D... " a présenté contrat de travail raturé (...) pour une durée de 12 mois ", alors que ce contrat " n'aurait été établi pour une durée de 7 mois et 15 jours ", et que ce contrat n'avait pas été renouvelé à son échéance au 31 décembre 2018. Toutefois, ainsi que le mentionne les motifs du jugement en date du 28 juin 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ayant annulé le précédent arrêté du préfet de la Gironde en date du 27 février 2019 rédigé en des termes similaires, le requérant a remplacé sur le formulaire CERFA de demande d'autorisation de travail la mention " 7 mois et 15 jours " pour y porter la durée réelle de 12 mois de son contrat de travail, en lieu et place de la durée restant à exécuter à la date d'établissement du formulaire indiquée par erreur par son employeur. Par ailleurs, M. D... n'a été informé que postérieurement à sa demande de renouvellement de titre de séjour " salarié " de l'intention de son employeur de ne pas renouveler son contrat de travail. Dans ces conditions, l'intention frauduleuse de M. D... ne peut être établie et s'est à tort que le préfet s'est fondé sur ces éléments pour refuser le titre de séjour sollicité. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures en défense de l'administration devant le tribunal qui mentionnent que " sa tentative d'obtention frauduleuse du renouvellement de son titre de séjour caractérise un défaut d'intégration des valeurs de la république et de la société française ", que le préfet s'est fondé, à tort, sur ce motif pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas estimé, à tort, que la demande de renouvellement de titre de séjour dont il était saisi présentait un caractère frauduleux.
4. L'annulation du refus de séjour implique nécessairement l'annulation des mesures d'éloignement, de fixation du délai de départ volontaire, et de fixation du pays de renvoi, contenues dans l'arrêté contesté.
5. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande et à demander l'annulation de l'arrêté du 22 août 2019 du préfet de la Gironde.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Les motifs d'annulation retenus par le présent arrêt impliquent seulement que le préfet de la Gironde statue à nouveau sur la situation de M. D... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et lui délivre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de ces dispositions, la somme de 1 000 euros au profit de Me E..., conseil de M. D..., sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1904669 du 4 décembre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux, ainsi que l'arrêté du préfet de la Gironde du 22 août 2019, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. D... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me E..., conseil de M. D..., la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ledit conseil renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pierre F..., président,
Mme C... B..., présidente assesseure
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 juin 2020.
Le président,
Pierre F...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00223