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22/06/2020 | FRANCE | N°18BX02753

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 22 juin 2020, 18BX02753


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du ministre du travail du 21 juin 2016 autorisant son licenciement par la société Engie Home Services.

Par un jugement n° 1603195 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 21 juin 2016 du ministre du travail.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2018, la société Engie Home Services, représentée par la SELARL Lusis avocats, demande

la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mai 2018.

Elle sou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du ministre du travail du 21 juin 2016 autorisant son licenciement par la société Engie Home Services.

Par un jugement n° 1603195 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 21 juin 2016 du ministre du travail.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2018, la société Engie Home Services, représentée par la SELARL Lusis avocats, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mai 2018.

Elle soutient que :

- la procédure de licenciement suivie est régulière ;

- la règle non bis in idem a été respectée ;

- la matérialité des faits est établie et leur gravité justifie le licenciement sollicité : M. D..., qui avait connaissance du point de contrôle d'étanchéité gaz à respecter pour éviter toute fuite de gaz, justifie d'une longue expérience professionnelle et disposait d'un matériel fiable, a fait preuve d'une négligence grave dans le contrôle de l'étanchéité du raccord gaz lors de deux interventions des 28 septembre et 29 octobre 2015 ; il avait déjà fait l'objet d'un avertissement le 3 novembre 2015 en raison d'une négligence technique.

Par des mémoires en défense enregistrés le 5 novembre 2018 et le 11 juillet 2019, M. D..., représenté par la SCP d'avocats Goguyer, Lalande, Degioanni, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Engie Home Services de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2019, le ministre du travail conclut à l'annulation du jugement attaqué au rejet de la demande de M. D... présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par un courrier du président de la 6ème chambre de la cour, en date du 11 février 2020, la société Engie Home services a été invitée, en application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, à confirmer expressément, dans le délai d'un mois, le maintien de ses conclusions.

Par un courrier en date du 13 février 2020, la société Engie Home services a déclaré maintenir ses conclusions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B... ;

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;

- et les observations de Me E..., représentant la société Engie Home Services.

Considérant ce qui suit :

1. La société Domoservices Maintenance, qui a fusionné avec la société CGST-Save pour créer la société Savelys devenue la société Engie Home Services laquelle exerce une activité d'installation, de maintenance et de réparation de chaudières et d'appareils de chauffage, a engagé M. D... à compter du 3 juin 2002 en qualité d'agent de maintenance. Par un courrier du 16 novembre 2015, la société Savelys a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. D..., titulaire d'un mandat de délégué du personnel, pour motif disciplinaire. Par une décision du 15 décembre 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. D.... Saisi par la société Engie Home Services d'un recours hiérarchique réceptionné le 3 février 2016, le ministre du travail a, par décision du 21 juin 2016, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. D.... Ce dernier a été licencié le 12 juillet 2016. Par un jugement du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 21 juin 2016 du ministre du travail. La société Engie Home Services relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Après avoir notamment relevé que les fuites de gaz constatées chez deux clientes étaient la conséquence directe des travaux d'entretien de chaudières y ayant été effectués par M. D..., le ministre du travail a autorisé le licenciement de ce dernier au motif que ces faits, dont la matérialité était établie, étaient suffisamment graves pour justifier un licenciement. Pour annuler la décision du ministre du travail du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que la matérialité des faits reprochés à M. D... n'était pas établie.

3. Aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Bénéficie de la protection contre le licenciement (...) le salarié investi de l'un des mandats suivants : (...) 2° Délégué du personnel ; (...). ". En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives, bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, et ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi. Il résulte des dispositions de l'article L. 1235-1 du même code que, lorsqu'un doute subsiste au terme de l'instruction diligentée par le juge sur l'exactitude matérielle des faits à la base des griefs formulés par l'employeur contre le salarié ce doute profite au salarié.

4. La société Engie Home Services reproche à M. D... d'avoir commis de graves négligences, en particulier dans le contrôle d'étanchéité au gaz des installations vérifiées, sans lesquelles deux fuites de gaz ne se seraient pas produites les 28 septembre et 29 octobre 2015. Il ressort des pièces du dossier que, conformément aux préconisations internes à l'entreprise notamment synthétisées dans " le guide pratique du technicien " qui liste les 25 opérations de contrôle à réaliser dans le cadre d'une intervention sur une installation de gaz, le contrôle de l'étanchéité au gaz des chaudières vérifiées a été effectué par M. D... à l'aide du seul appareil mis par son employeur à sa disposition dit " bombe mille bulles ". Il ressort de la fiche technique de cet aérosol qu'il permet de détecter les fuites de gaz par l'apparition de bulles à l'emplacement ou l'origine exacts de la fuite. Alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment d'attestations y étant versées, que cet aérosol n'est pas totalement fiable dès lors que la formation de bulles n'est pas systématique en cas de micro-fuites, il ne peut être reproché à M. D... de n'avoir pas utilisé un appareil de détection électronique plus efficace dont l'entreprise ne l'avait pas doté. Il ne peut davantage lui être reproché ni de s'être abstenu d'observer un temps d'attente après la pulvérisation du produit, que la fiche technique ne prévoyait pas, ni de n'avoir pas effectué un contrôle par observation du compteur à gaz, qu'aucune procédure interne à l'entreprise ne préconisait et dont la société appelante soutient elle-même qu'elle demeure une faculté que le technicien peut mettre en oeuvre en cas de doute. Il ne ressort à cet égard d'aucune pièce du dossier qu'un quelconque indice de fuite normalement décelable par un technicien expérimenté était apparu à la suite des interventions réalisées par M. D... les 28 septembre et 29 octobre 2015.

5. Dans ces conditions, ainsi que l'ont considéré les premiers juges, un doute subsiste sur la matérialité des faits reprochés à M. D.... Dès lors que l'exactitude matérielle des faits ne peut être regardée comme établie, le doute doit profiter à M. D....

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Engie Home Services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du ministre du travail du 21 juin 2016 autorisant le licenciement de M. D....

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu de mettre à la charge de la société Engie Home Services, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Engie Home Services est rejetée.

Article 2 : La société Engie Home Services versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Engie Home Services, à M. A... D... et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... B..., présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX02753 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02753
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : LUSIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-22;18bx02753 ?
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