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22/06/2020 | FRANCE | N°18BX01886

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 22 juin 2020, 18BX01886


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... et la Fédération de la métallurgie CFE-CGC ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 9 février 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. D..., ensemble la décision implicite du ministre du travail rejetant le recours hiérarchique formé à l'encontre de cette décision.

Par un jugement n° 1502525 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête et un mémoire enregistrés le 2 mai 2018 et le 9 juillet 2019, M. E... D... et la Féd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... et la Fédération de la métallurgie CFE-CGC ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 9 février 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. D..., ensemble la décision implicite du ministre du travail rejetant le recours hiérarchique formé à l'encontre de cette décision.

Par un jugement n° 1502525 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 mai 2018 et le 9 juillet 2019, M. E... D... et la Fédération de la métallurgie CFE-CGC, représentés par Me G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 mars 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 9 février 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. D..., ensemble la décision implicite du ministre du travail rejetant le recours hiérarchique formé à l'encontre de cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation dès lors qu'il reprend les termes utilisés par l'inspecteur du travail ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de ce que l'employeur n'a pas vérifié la communication au comité d'entreprise des éléments lui permettant de rendre un avis éclairé, l'inspecteur du travail a commis une erreur d'appréciation en ce qu'il a omis une partie des préconisations du médecins du travail, l'inspecteur du travail n'a pas vérifié que l'employeur disposait de l'ensemble des réponses des sociétés du groupe avant d'engager la procédure de licenciement, l'administration a pris en compte des considérations inexactes et inopérantes pour autoriser le licenciement ;

- les premiers juges n'ont pas pris en compte le mémoire enregistré le 2 février 2016 et les moyens qui y étaient développés.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- M. D... n'a pas été mis à même de consulter les pièces produites par l'employeur dans le cadre de l'enquête contradictoire prévue par les articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail dans des conditions et délais lui permettant de présenter utilement sa défense, ce qui l'a privé d'une garantie ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que M. D... n'avait pas été privé d'une garantie et en n'examinant pas, dans cette hypothèse, si l'irrégularité commise avait exercé une influence sur le sens de la décision de l'inspecteur du travail ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant que n'auraient pas été transmis à M. D... la note d'information remise aux membres du comité d'établissement dans le cadre de la consultation sur le licenciement, sa convocation à la réunion du comité d'entreprise, le procès-verbal de ce comité et la copie de ses mandats alors qu'il avait soutenu qu'il n'avait pas été mis à même de prendre connaissance des éléments apportés par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement (courrier de demande d'autorisation, réponses apportées par les entreprises du groupe) ainsi que les éléments réunis par l'inspecteur du travail au cours de l'enquête ;

- le tribunal a dénaturé l'argumentation de M. D... en ne répondant pas à la critique selon laquelle l'inspecteur du travail n'avait pas vérifié la régularité de la procédure de consultation préalable imposant l'entière connaissance des éléments de la procédure par le comité d'entreprise ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en ne s'assurant pas de l'appréciation par l'inspecteur du travail des possibilités de reclassement étudiées par l'employeur ;

- l'employeur n'a pas satisfait à l'obligation de reclassement qui pesait sur lui ;

- le licenciement de M. D... n'est pas dépourvu de lien avec son mandat.

Par un mémoire, enregistré le 5 juin 2018, la Fédération de la métallurgie CFE-CGC déclare renoncer à son " intervention volontaire " et ne plus formuler de demandes dans le cadre de l'instance d'appel.

Par des mémoires en défense enregistrés le 10 octobre 2018 et le 3 septembre 2019, la société Advanced Comfort Systems (ACS), représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2019, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 juillet 2019, la clôture d'instruction a été en dernier lieu fixée au 20 septembre 2019 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B... ;

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;

- et les observations de Me G..., représentant M. D... et de Me F..., représentant la société ACS.

Considérant ce qui suit :

1. La société Advanced Comfort Systems (ACS), entreprise spécialisée dans la fourniture d'équipements automobiles appartenant au groupe espagnol CIE Automotive, a engagé M. D... le 1er juillet 1993, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, pour y exercer les fonctions de " responsable marketing " et, à compter de 1998, de " responsable grand compte ". Après avoir été placé à plusieurs reprises en congé de maladie, notamment au cours des années 2008, 2009, 2012, 2013 et 2014, et bénéficié d'un aménagement de poste destiné à lui permettre de travailler essentiellement à domicile, M. D... a été déclaré inapte à son poste de travail, en une seule visite pour " danger immédiat ", le 1er octobre 2014. Par une décision en date du 15 décembre 2014 réceptionnée le 18 décembre suivant, la société ACS a sollicité l'autorisation de licencier M. D..., titulaire d'un mandat de délégué syndical et de représentant au comité d'entreprise, pour inaptitude. Par une décision du 9 février 2015, l'inspecteur du travail des Deux-Sèvres a autorisé le licenciement de M. D.... Le recours hiérarchique exercé par courrier en date du 7 avril 2015 réceptionné le 13 avril 2015 à l'encontre de cette décision a été implicitement rejeté par le ministre du travail. Par un jugement du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. D... et de la Fédération de la métallurgie CFE-CGC tendant à l'annulation de la décision du 9 février 2015 de l'inspecteur du travail et de celle du ministre du travail rejetant implicitement le recours hiérarchique formé à l'encontre de cette décision. M. D... et la Fédération de la métallurgie CFE-CGC relèvent appel de ce jugement.

Sur le désistement de la Fédération de la métallurgie CFE-CGC :

2. La Fédération de la métallurgie CFE-CGC, qui, par un mémoire enregistré le 5 juin 2018, déclare renoncer à son " intervention volontaire " et ne plus formuler aucune demande dans le cadre du recours formé par M. D..., doit être regardée comme s'étant désistée de ses conclusions d'appel. Rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné acte de ce désistement, qui est pur et simple.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise. A l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, les articles R. 2421-4 et R. 2121-11 du code du travail disposent que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ".

4. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement des observations, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. A ce titre, le salarié doit, à peine d'irrégularité de l'autorisation de licenciement, être informé non seulement de l'existence des pièces de la procédure, mais aussi de son droit à en demander la communication.

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'accès, dans le cadre de l'enquête contradictoire prévue par les articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, à l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, dans des conditions et des délais permettant de présenter utilement sa défense, constitue une garantie pour le salarié protégé.

6. M. D..., salarié protégé, soutient qu'il n'a pas été mis à même de prendre connaissance des pièces produites par la société ACS à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude en date du 15 décembre 2014. Il est constant que la note d'information remise aux membres du comité d'entreprise consulté dans le cadre de la procédure de licenciement de M. D..., la convocation de ce dernier à la réunion du comité d'entreprise du 3 décembre 2014, le procès-verbal de la réunion de ce comité et la copie des mandats de l'intéressé, qui étaient joints à la demande d'autorisation de licenciement, n'ont pas été communiqués au salarié. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. D... aurait été informé de son droit à demander la communication de ces pièces. La circonstance, à la supposer établie, qu'il en connaissait non seulement l'existence mais également le contenu n'était pas de nature à exonérer l'inspecteur du travail de son obligation de mettre à même le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur au soutien de sa demande de licenciement.

7. Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir que le caractère contradictoire de l'enquête prévue par l'article R. 2421-11 du code du travail a été méconnu. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, cette irrégularité a privé l'intéressé de la garantie résultant du caractère contradictoire de l'enquête prévue par les articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail. Il s'ensuit que la décision du 9 février 2015 de l'inspecteur du travail, prise au terme d'une procédure irrégulière, et que la décision implicite du ministre du travail saisi d'un recours hiérarchique doivent être annulées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement et les autres moyens invoqués, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 9 février 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement et de la décision implicite du ministre du travail rejetant le recours hiérarchique exercé à l'encontre de cette décision.

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens. Ces dispositions font obstacle aux conclusions de la société ACS, également partie perdante, présentées au même titre.

DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la Fédération de la métallurgie CFE-CGC.

Article 2 : Le jugement n° 1502525 du 6 mars 2018 du tribunal administratif de Poitiers, la décision de l'inspecteur du travail du 9 février 2015 et la décision implicite du ministre du travail rejetant le recours hiérarchique exercé à l'encontre de cette décision sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Advanced Comfort Systems (ACS) tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Advanced Comfort Systems, à M. E... D..., au ministre du travail et la Fédération de la métallurgie CFE-CGC.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... B..., présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX01886 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01886
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : LESIMPLE-COUTELIER et PIRES CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-22;18bx01886 ?
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