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18/06/2020 | FRANCE | N°18BX03928

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 18 juin 2020, 18BX03928


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1301344 du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 14BX03213 du 22 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel du ministr

e des finances et des comptes publics, a annulé ce jugement du 24 juillet 2014 et remis ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1301344 du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 14BX03213 du 22 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel du ministre des finances et des comptes publics, a annulé ce jugement du 24 juillet 2014 et remis les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et contributions sociales ainsi que les pénalités correspondantes à la charge de M. B....

Par une décision n° 407065 du 14 novembre 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 14BX03213 du 22 novembre 2016 et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 novembre 2014, 27 juillet 2015, 7 septembre 2015, 16 octobre 2015, 17 janvier 2019 et 14 février 2019, le ministre des finances et des comptes publics, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 juillet 2014 ;

2°) de rétablir M. B... aux suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2009.

Il soutient que :

- le résultat imposable des sociétés de personnes étant déterminé dans les conditions prévues à l'égard des exploitants individuels, ces sociétés ne peuvent déduire de leur résultat imposable les rémunérations allouées à leurs associés, de sorte que les rémunérations prélevées par ces derniers doivent être comprises dans les bénéfices ;

- s'agissant du montant des recettes à retenir pour la détermination du résultat social à répartir entre les associés, la rémunération versée à un associé indéfiniment responsable est une modalité particulière de répartition des bénéfices sociaux, convenue entre les associés, et complétant sur ce point les dispositions statutaires ; en effet, la rémunération de leur travail personnel ou de leur collaboration à la gestion de la société s'opère normalement par la répartition, à leur profit, des bénéfices sociaux ; dès lors, si les associés décident d'allouer une rémunération déterminée à l'un d'entre eux, il s'agit d'une modalité particulière de répartition des bénéfices sociaux entre les associés, qui vient compléter les stipulations des statuts ;

- l'instruction 5 E-3-08 du 11 avril 2008 n'édicte pas de règles différentes de celles précisées dans l'instruction 5K-1-09 en ce qui concerne la quote-part des recettes de chaque associé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 juillet 2015, 21 septembre 2015 et 4 février 2019, M. B..., représenté par Me E..., conclut au rejet du recours et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est certes pas contesté que les rémunérations versées aux associés des sociétés de personnes doivent être fiscalisées, non pas au prorata des droits de chacun dans le résultat comptable, mais au nom de celui qui en a bénéficié ;

- la volonté des rédacteurs de l'article 151 septies du code général des impôts était de prendre en compte la notion de bénéfice comptable, et non de bénéfice fiscal ; cette analyse a été confirmée par le rescrit n° 2009/19 du 24 mars 2009 ;

- l'article 23 des statuts de la société prévoit la déduction comptable des rémunérations des associés, et les statuts ont entendu limiter le montant des rémunérations versées aux associés afin que la comptabilisation en charges ne puisse avoir pour effet de pénaliser l'ensemble des associés en générant un déficit comptable ;

- cet article n'a pas pour effet de modifier le pacte social et donc les droits de chaque associé dans le résultat comptable, mais constitue une modalité de détermination du résultat comptable.

Par ordonnance du 26 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 26 février 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2019 :

- le rapport de M. C... D....

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a cédé, le 18 septembre 2009, 2000 parts qu'il détenait sur un total de 6 000, dans la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château Fourcas Dumont où il exerçait son activité. Il a réalisé une plus-value qu'il a déclarée en lui appliquant, sur le fondement de l'article 151 septies du code général des impôts, une exonération partielle. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause les modalités de calcul ayant motivé cette exonération. Par un jugement du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de M. B... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti ainsi que des pénalités correspondantes. Par un arrêt n° 14BX03213 du 22 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur l'appel du ministre des finances et des comptes publics, annulé le jugement du 24 juillet 2014 et remis à la charge de M. B... les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2009. Par une décision n° 407065 du 14 novembre 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 14BX03213, et renvoyé l'affaire devant la cour.

2. Aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts applicable au litige : " I.- Sous réserve des dispositions du VII, les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel. L'exercice à titre professionnel implique la participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. II.- Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, à l'exception de celles afférentes aux biens entrant dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G, et réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées pour : 1° La totalité de leur montant lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à : a) 250 000 euros s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, à l'exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés, ou s'il s'agit d'entreprises exerçant une activité agricole ; (...) 2° Une partie de leur montant lorsque les recettes sont supérieures à 250 000 euros et inférieures à 350 000 euros pour les entreprises mentionnées au a du 1° (...) Pour l'application de ces dispositions, le montant exonéré de la plus-value est déterminé en lui appliquant : a) Pour les entreprises mentionnées au a du 1°, un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre 350 000 euros et le montant des recettes et, au dénominateur, le montant de 100 000 euros ; (...) IV.- Le montant des recettes annuelles s'entend de la moyenne des recettes, appréciées hors taxes, réalisées au titre des exercices clos, ramenés le cas échéant à douze mois, au cours des deux années civiles qui précèdent l'exercice de réalisation des plus-values. Pour les entreprises dont les recettes correspondent à des sommes encaissées, le montant des recettes annuelles s'entend de la moyenne des recettes, appréciées hors taxes, au cours des deux années civiles qui précèdent l'année de réalisation des plus-values. Lorsque le contribuable exerce plusieurs activités, il est tenu compte du montant total des recettes réalisées dans l'ensemble de ces activités. Il est également tenu compte des recettes réalisées par les sociétés mentionnées aux articles 8 et 8 ter et les groupements non soumis à l'impôt sur les sociétés dont il est associé ou membre, à proportion de ses droits dans les bénéfices de ces sociétés et groupements... ".

3. L'article 70 du code général des impôts issu de l'article 8 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 et applicable au litige dispose : " Pour l'application des articles 69, 69A, 69 C, 69 D et 72, il est tenu compte des recettes réalisées par les sociétés et groupements non soumis à l'impôt sur les sociétés dont le contribuable est membre, à proportion de ses droits dans les bénéfices comptables de ces sociétés et groupements. Toutefois le régime fiscal de ceux-ci demeure déterminé uniquement par le montant global de leurs recettes. / Pour l'application de l'article 151 septies, les plus-values réalisées par une société civile agricole non soumise à l'impôt sur les sociétés sont imposables au nom de chaque associé visé au I de l'article 151 nonies selon les règles prévues pour les exploitants individuels en tenant compte de sa quote-part dans les recettes de la société. ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article 151 septies, éclairées par les travaux préparatoires des dispositions de la loi du 28 décembre 2001 portant loi de finances rectificative pour 2001 et de la loi du 27 décembre 2008 portant loi de finances pour 2009 relatives à l'article 70 du code général des impôts, que la fraction des recettes réalisées par une société ou un groupement dont il est tenu compte pour ses associés, en application du quatrième alinéa du IV de l'article 151 septies, est calculée en fonction de la proportion de leurs droits dans les bénéfices comptables de la société ou du groupement, tels qu'ils résultent du pacte social.

5. L'article 8 des statuts de la SCEA Fourcas Dumont prévoit que M. B... détient 2000 des 6000 parts sociales de la société, soit un tiers du capital social. Le paragraphe 3 de l'article 23 des statuts intitulé " Affectation et réparation des résultats " stipule : " Les associés qui participent au travail en commun et aux responsabilités de l'exploitation pourront percevoir en contrepartie de leur travail une rémunération par prélèvement anticipé sur les résultats qui sera fixée par décision collective ordinaire des associés et déduite des résultats comptables de l'exercice concerné ". En application de ces stipulations, la SCEA Fourcas Dumont a versé des rémunérations à M. B..., en sa qualité de gérant de la société, s'élevant à 22 800 euros au titre de l'exercice 2007 et 24 000 euros au titre de l'exercice 2008.

6. M. B... a cédé, le 18 septembre 2009, 2000 parts de la SCEA Château Fourcas Dumont, dont il était associé et gérant. Il a estimé que la plus-value à court terme dégagée lors de cette cession, d'un montant de 706 700 euros, pouvait bénéficier à hauteur de 532 414 euros de 1'exonération partielle prévue à 1'article 151 septies du code général des impôts au motif que la moyenne de ses recettes des deux années précédentes serait de 274 662 euros et donc inférieure à la limite d'exonération de 350 000 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause le bénéfice de cette exonération. M. B... a en conséquence été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2009.

7. L'administration, pour déterminer la proportion des droits de M. B..., a estimé pouvoir remettre en cause le bénéfice de l'exonération partielle d'imposition, au motif que les stipulations précitées de l'article 23 des statuts modifiaient le pacte social en conférant à l'associé une part du bénéfice agricole plus importante que celle résultant de l'article 8 des mêmes statuts. La quote-part de M. B... a ainsi été portée à une moyenne de 49,60 % sur les années 2007 et 2008, et la part de ce dernier dans les résultats, réévaluée à 408 697 euros, en dépassement du seuil de 350 000 euros fixé par l'article 151 septies.

8. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 4 que l'administration n'a pas déterminé la quote-part de M. B... dans les résultats de la société en s'en tenant à celle, du tiers du bénéfice comptable de la société, qui résultait de l'article 8 des statuts de la société, mais a entendu prendre en compte une rémunération octroyée à M. B... et prélevée du bénéfice comptable, ainsi que cela résulte de l'article 23 précité des statuts de la société. En ayant ainsi procédé, l'administration, qui s'est fondée sur la répartition du bénéfice imposable et non sur la répartition du bénéfice comptable tel qu'il résultait du pacte social fixé à l'article 8 des statuts de la société, a méconnu la loi fiscale applicable mais aussi, au demeurant, comme l'a d'ailleurs relevé le tribunal, sa propre doctrine énoncée au paragraphe 108 de l'instruction BOI 5K-1-09 du 13 mai 2009.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de M. B....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de l'Etat au profit de M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. C... D..., président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

Le président-rapporteur,

Philippe D...La République mande et ordonne ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX03928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03928
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices agricoles.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Plus-values des particuliers - Plus-values mobilières.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Philippe POUZOULET
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE DE LANGLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-18;18bx03928 ?
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