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16/06/2020 | FRANCE | N°18BX04254

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 16 juin 2020, 18BX04254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 28 septembre 2018 par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a refusé de l'admettre à se présenter aux épreuves orales d'admission de l'examen professionnel ouvert pour l'accès au grade de secrétaire administratif de classe normale relevant des ministres chargés des affaires sociales.

Par un jugement n° 1801634 du 21 novembre 2018, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 28 se

ptembre 2018 de la ministre des solidarités et de la santé et a enjoint au ministr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 28 septembre 2018 par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a refusé de l'admettre à se présenter aux épreuves orales d'admission de l'examen professionnel ouvert pour l'accès au grade de secrétaire administratif de classe normale relevant des ministres chargés des affaires sociales.

Par un jugement n° 1801634 du 21 novembre 2018, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 28 septembre 2018 de la ministre des solidarités et de la santé et a enjoint au ministre des solidarités et de la santé d'admettre Mme A... F... à se présenter à ces épreuves orales.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 11 décembre 2018 sous le n° 18BX04254, la ministre des solidarités et de la santé demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A... F....

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car, en méconnaissance de l'article R. 613-1 du code de justice administration, elle n'a pas disposé du délai minimal de 15 jours avant la date de clôture de l'instruction pour organiser sa défense ;

- Mme F... ne remplit pas les conditions prévues par l'article 2 du décret n°2012-483 du 13 avril 2012 portant statut particulier du corps des secrétaires administratifs, dès lors qu'elle ne relève pas du ministère des affaires sociales et qu'elle n'est pas affectée dans un service relevant de ce ministère ;

- sa carrière et son traitement sont assurés par le ministre chargé de la transition écologique et solidaire et la DDCSP est une direction interministérielle relevant du premier ministre ;

- le fait que Mme F... intervienne dans une politique publique dont l'animation lui est confiée ne suffit pas à considérer qu'elle est affectée dans un service relevant de son ministère.

Par un mémoire enregistré le 24 mai 2019, Mme F..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre des solidarités et de la santé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé, car elle est affectée depuis le 1er janvier 2010 au sein d'un service relevant des ministères chargés des affaires sociales au sens de l'article 2 du décret du 13 avril 2012.

II. Par une requête enregistrée le 12 décembre 2018 sous le n° 18BX04274, et un mémoire en réplique enregistré le 29 avril 2019, la ministre des solidarités et de la santé demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1801634 du 21 novembre 2018 du tribunal administratif de Limoges.

Elle soutient que :

- sa demande est recevable ;

- elle est fondée à demander le sursis à exécution de ce jugement sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, dès lors qu'un moyen présenté dans sa requête d'appel présente un caractère sérieux.

Par un mémoire enregistré le 5 avril 2019, Mme F..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre des solidarités et de la santé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête en sursis en exécution est irrecevable, car aucune requête d'appel n'a été introduite et que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ;

- le décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 ;

- le décret n° 2010-302 du 19 mars 2010 ;

- le décret n° 2012-483 du 13 avril 2012 ;

- le décret n° 2013-727 du 12 août 2013 ;

- le décret n° 2017-1076 du 24 mai 2017 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de Me H... à la décharge de Me D..., avocat de Mme F....

Une note en délibéré présentée pour Mme F... par Me D... a été enregistrée le 27 mai 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., adjoint administratif principal affectée à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) de la Corrèze, a été déclarée admissible à l'examen professionnel ouvert pour l'accès au grade de secrétaire administratif de classe normale relevant des ministres chargés des affaires sociales. Le 20 septembre 2018, elle a reçu une convocation pour passer les épreuves orales d'admission prévues le 22 novembre 2018. Toutefois, après avoir procédé au réexamen de sa candidature, le bureau de recrutement des ministères chargés des affaires sociales, placé sous l'autorité de la ministre des solidarités et de la santé, a, par une décision du 28 septembre 2018, indiqué à Mme F... qu'elle ne remplissait pas les conditions pour se présenter à l'examen professionnel en question dès lors qu'elle n'était ni gérée, ni payée par le ministère chargé des affaires sociales et lui a indiqué qu'elle ne pourrait pas se présenter aux épreuves orales. Mme F... a demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif de Limoges. Par un jugement n° 1801634 du 21 novembre 2018, dont la ministre des solidarités et de la santé relève appel, le tribunal administratif de Limoges a annulé cette décision.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 18BX04254 et 18BX04274 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. D'une part, aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat: " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...) non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : 1° Examen professionnel ; 2° Liste d'aptitude ". L'article 7 du décret du 19 mars 2010 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux corps des secrétaires administratifs des administrations de l'Etat et à certains corps analogues relevant du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat prévoit que : " Les recrutements effectués en vertu de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée interviennent, dans les grades de secrétaire administratif de classe normale et de secrétaire administratif de classe supérieure, selon les modalités prévues au 3° du I de l'article 4, au 3° du I de l'article 6, aux articles 8 et 9 du décret du 11 novembre 2009 susvisé ainsi que selon les modalités suivantes. Peuvent être inscrits sur la liste d'aptitude prévue au 3° du I de l'article 4 du décret du 11 novembre 2009 susmentionné et peuvent se présenter à l'examen professionnel prévu au 3° du I de l'article 6 du même décret les fonctionnaires de catégorie C ou de même niveau relevant d'un corps de l'administration concernée ou affectés au sein de cette administration ". L'article 4 du décret du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat dispose que : " I. _ Les recrutements dans le premier grade interviennent selon les modalités suivantes : (...) Ces recrutements peuvent cependant, pour certains corps, avoir lieu par voie d'examen professionnel, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 2 du décret du 13 avril 2012 portant statut particulier du corps des secrétaires administratifs relevant des ministres chargés des affaires sociales : " I. _ Le recrutement au choix dans le grade de secrétaire administratif de classe normale relevant des ministres chargés des affaires sociales intervient : (...) 2° Après sélection par voie d'un examen professionnel ouvert aux adjoints administratifs et aux adjoints techniques régis par les décrets n° 2006-1760 et n° 2006-1761 du 23 décembre 2006 susvisés et relevant des ministres chargés des affaires sociales ou affectés dans les services relevant de ces ministres et justifiant, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle est organisé l'examen, d'au moins sept années de services publics ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre des solidarités et de la santé: " Le ministre des solidarités et de la santé prépare et met en oeuvre la politique du Gouvernement dans les domaines de la solidarité, de la cohésion sociale, de la santé publique et de l'organisation du système de santé. (...) A ce titre : (...) 5° Il élabore et met en oeuvre des programmes de lutte contre la pauvreté. Il participe, en lien avec les ministres intéressés, à l'action du Gouvernement en matière de minima sociaux, d'insertion économique et sociale, et d'innovation sociale. Il prépare les travaux du comité interministériel de lutte contre les exclusions et du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale ". L'article 2 de ce décret prévoit que : " Il a autorité sur la direction générale de la cohésion sociale, conjointement avec le Premier ministre et le ministre de la transition écologique et solidaire ". Aux termes du II de l'article 2 du décret du 25 janvier 2010 relatif à l'administration centrale des ministères chargés des affaires sociales et portant création d'une direction générale de la cohésion sociale: " [La direction générale de la cohésion sociale] élabore les règles relatives à certaines prestations de solidarité, notamment le revenu de solidarité active et l'allocation aux adultes handicapés, et veille à leur application. Elle est chargée de suivre la mise en oeuvre de ces prestations et leurs effets sur la situation des bénéficiaires. (...) Elle définit et veille à l'application de la politique d'intégration dans la vie sociale et citoyenne, d'aide à l'autonomie, d'accompagnement et de prise en charge à domicile et en établissement des personnes handicapées et des personnes âgées ". Aux termes de l'article 1er du décret du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles : " Les directions départementales interministérielles sont des services déconcentrés de l'Etat relevant du Premier ministre, placés sous l'autorité du préfet de département ". Selon l'article 4 de ce décret : " I. _ La direction départementale de la cohésion sociale est compétente en matière de politiques de cohésion sociale et de politiques relatives à la jeunesse, aux sports, à la vie associative et à l'éducation populaire. A ce titre, elle met en oeuvre dans le département les politiques relatives : 1° A la prévention et à la lutte contre les exclusions, à la protection des personnes vulnérables, à l'insertion sociale des personnes handicapées, aux actions sociales de la politique de la ville, aux fonctions sociales du logement, à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité des chances ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " Les directions départementales interministérielles exercent leurs missions sous réserve des compétences dévolues à d'autres services ou établissements publics de l'Etat. Sous l'autorité du préfet de département, elles mettent en oeuvre des politiques définies par le Gouvernement dont le pilotage et la coordination sont assurés par le préfet de la région, assisté des directions régionales ". Aux termes de l'article 10 du même décret : " I. - Les fonctionnaires affectés dans les directions départementales interministérielles sont régis par les dispositions statutaires applicables au corps auquel ils appartiennent. / II. - Les actes relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires et des agents non titulaires exerçant leurs fonctions dans les directions départementales interministérielles peuvent être délégués aux préfets de département par arrêté conjoint du Premier ministre et des ministres intéressés, à l'exception de ceux qui sont soumis à l'avis préalable de la commission administrative paritaire compétente ".

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la fiche de paye de Mme F... du mois d'août 2018 et de l'arrêté du 18 janvier 2018 signé par le directeur départemental des territoires portant avancement d'échelon, que Mme F... est adjointe administratif principale de 2ème classe du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. Par ailleurs, si elle a été affectée depuis le 1er janvier 2010 au sein de l'unité " solidarité et insertion sociale " du pôle cohésion sociale de la DDCSPP de la Corrèze, cette administration est une direction interministérielle relevant du premier ministre. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier qu'elle occupe un poste de gestionnaire, instructeur administratif, dans un service qui est amené à travailler avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), cette direction d'administration centrale est placée sous l'autorité conjointe de la ministre des solidarités et de la santé, du Premier ministre et du ministre de la transition écologique et solidaire. Dans ces conditions, alors même que certaines de ses fonctions relèvent de la compétence du ministre des solidarités et de la santé, cette circonstance ne permet pas de regarder Mme F... comme étant affectée dans un service relevant des ministres chargés des affaires sociales pour l'application de l'article 2 du décret du 13 avril 2012 portant statut particulier du corps des secrétaires administratifs relevant des ministres chargés des affaires sociales, ni comme relevant de ce ministère. Par suite, la ministre des solidarités et de la santé a pu légalement considérer que Mme F... ne remplissait pas les conditions pour se présenter aux épreuves orales d'admission de l'examen professionnel ouvert pour l'accès au grade de secrétaire administratif de classe normale relevant des ministres chargés des affaires sociales. Dans ces conditions, la ministre des solidarités et de la santé est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a, pour ce motif, annulé sa décision du 28 septembre 2018.

6. Il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par Mme F... devant le tribunal administratif de Limoges.

7. Mme F... n'étant pas un fonctionnaire relevant d'un ministère chargé des affaires sociales ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus, elle ne peut utilement se prévaloir d'une inégalité de traitement avec les adjoints administratifs relevant de ce ministère qui remplissent les conditions pour concourir au recrutement des secrétaires administratifs par voie d'un examen professionnel.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, que la ministre des solidarités et de la santé est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé sa décision du 28 septembre 2018. Le jugement doit être annulé et la demande de première instance présentée par Mme F... doit être rejetée.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qui soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande Mme F... au titre de ses frais d'instance.

Sur la requête n° 18BX04274 :

10. Compte-tenu de ce qui précède, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la ministre des solidarités et de la santé tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1801634 du 21 novembre 2018 du tribunal administratif de Limoges.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n°18BX04274.

Article 2 : Le jugement n°1801634 du tribunal administratif de Limoges du 21 novembre 2018 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Limoges et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... et à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme E... G..., présidente-assesseure,

Mme C... B..., premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

Le président,

Dominique NAVES La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°18BX04254, 18BX04274


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04254
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Concours et examens professionnels.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : MONPION

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-16;18bx04254 ?
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