Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme AFM Recyclage a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2015 par lequel le préfet des Landes l'a mise en demeure de respecter les obligations découlant de la cessation d'activité de la société Les établissements Louit sur un site situé à Lucbardez-et-Bargues.
Par un jugement n° 1600024 du 27 février 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 avril 2018 et le 18 septembre 2019, la société AFM Recyclage, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1600024 du tribunal administratif de Pau ;
2°) d'enjoindre au préfet des Landes de communiquer l'ensemble des documents administratifs nécessaires au jugement du litige ;
3°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 9 décembre 2015 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- le tribunal a entaché sa décision d'irrégularité en ne procédant pas à la communication de la note en délibéré produite après l'audience alors que cette note comportait des éléments qui permettaient d'éclairer le litige ;
Elle soutient, au fond, que :
- l'autorisation d'exploiter délivrée le 10 janvier 1978 concerne la parcelle cadastrée section C n° 203, de sorte que la mise en demeure en litige du 9 décembre 2015 de remettre le site en état, qui concerne la parcelle distincte C n° 274, est illégale ;
- la société Louit n'a pas exploité la parcelle n° 274 ; ainsi, la société AFM qui a racheté ses actions en 2007 ne pouvait être tenue de remettre le site en état ; en tout état de cause, l'acquisition d'actions d'un exploitant par un tiers n'implique pas le transfert de l'autorisation d'exploitation au profit du nouvel actionnaire ; d'autant que la reprise des activités de la société Louit par la société AFM concernait deux sites à Bayonne et à Saint-Avit mais pas le site de Lucbardez-et-Bargues concerné par la mise en demeure en litige ; la société n'a par ailleurs nullement repris l'exploitation d'une activité qui aurait continué d'exister sur la parcelle n° 274 ;
- l'arrêté préfectoral du 22 octobre 1991 qui a substitué la société Louit à l'exploitant initial est entaché de plusieurs illégalités devant conduire à l'annulation de l'arrêté en litige ; l'exception d'illégalité de cet arrêté est recevable car il n'a pas été notifié à la société Louit ni fait l'objet d'une publication pour les tiers, de sorte que le délai de recours n'a pas couru à son encontre ; la théorie de la connaissance acquise ne saurait par ailleurs être opposée à la société AFM qui a contesté l'arrêté dont il s'agit devant le juge administratif ; l'arrêté du 22 octobre 1991 est intervenu sans que la saisine du conseil départemental d'hygiène ait respecté le principe du contradictoire ; cette décision ne constitue pas un arrêté complémentaire mais une nouvelle autorisation ; elle ne pouvait être prise dès lors que l'autorisation initiale du 10 janvier 1978 est devenue caduque ; elle n'est pas intervenue à la demande de l'ancien exploitant ni à la demande de la société Louit ; elle ne peut concerner la parcelle n° 274 dès lors que l'autorisation initiale, qu'elle transfère, porte sur la parcelle n° 203 ;
- il appartient au juge de plein contentieux de tenir compte d'un fait nouveau constitué par la vente, intervenue le 27 octobre 2015, de la parcelle n° 274 par les consorts D... à un tiers ; l'acte de vente stipule à cet égard que l'obligation de dépollution du site repose sur les consorts D... mais qu'elle est transférée au nouvel acquéreur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par ordonnance du 20 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... C...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la société AFM Recyclage.
Une note en délibéré présentée pour la société AFM Recyclage a été enregistrée le 29 mai 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 9 décembre 2015, le préfet des Landes a mis en demeure la société AFM Recyclage de déposer un dossier de cessation d'activités et de remise en état d'un ancien dépôt de ferrailles situé sur le territoire de Lucbardez-et-Bargues, au lieu-dit " l'Usine ". La société AFM Recyclage a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler cet arrêté du 9 décembre 2015. Elle relève appel du jugement rendu le 27 février 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
3. La note en délibéré que la société AFM Recyclage a présentée devant le tribunal administratif de Pau le 12 février 2018 n'exposait aucune circonstance de fait ou de droit qui, répondant aux conditions rappelées au point précédent, aurait dû conduire les premiers juges à rouvrir l'instruction pour la poursuite du débat contradictoire. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur la légalité de la décision du 9 décembre 2015 :
4. Aux termes dc l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 512-6-1 du même code : " Lorsque l'installation soumise à autorisation est mise à l 'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un étal tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article R. 512-39-1 de ce code : " Lorsqu'une installation classée soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt (...). II - La notification (...) indique les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site (...) III - En outre, l'exploitant doit placer le site de l'installation dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 (...) ". Enfin, l'article R. 512-39-5 du code de l'environnement dispose que " Pour les installations ayant cessé leur activité avant le 1" octobre 2005, le préfet peut imposer à tout moment à l'exploitant (...) les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 (...) ".
5. L'obligation de remise en état du site prévue par les dispositions précitées du code de l'environnement pèse sur l'ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant-droit. Lorsque l'exploitant ou son ayant-droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant. Il incombe ainsi à l'exploitant d'une installation classée, à son ayant-droit ou à celui qui s'est substitué à lui, de mettre en oeuvre les mesures permettant la remise en état du site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt, notamment, de la santé ou de la sécurité publique et de la protection de l'environnement. L'autorité administrative peut contraindre les personnes en cause à prendre ces mesures et, en cas de défaillance de celles-ci, y faire procéder d'office et à leurs frais.
6. En premier lieu, par un arrêté du 10 janvier 1978, le préfet des Landes a autorisé M. B... D..., gérant de la société " Autos Pièces Service ", à exploiter, au titre de la rubrique n° 286 de la nomenclature des installations classées alors applicable, un dépôt de ferrailles au lieu-dit " l'Usine " sur le territoire de la commune de Lucbardez-et-Bargues. Il résulte de l'instruction que cette exploitation se trouvait sur la parcelle n° 203 dont sont issues, après division foncière, les parcelles aujourd'hui cadastrées section C n° 274 et n° 303. La mise en demeure contestée du 9 décembre 2015 a été prise à la suite, notamment, d'un rapport établi le 16 juillet 2014 par le bureau d'études Aquitaine Environnement, organisme certifié en hydrogéologie, qui a confirmé l'existence d'une pollution de la parcelle n° 274 trouvant son origine dans les activités dont celle-ci a été auparavant le siège. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société AFM Recyclage, la mise en demeure en litige porte sur un terrain qui a servi à l'exploitation ayant causé la pollution des sols constatée.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'après la cessation d'activité de la société " Autos Pièces Service ", survenue en 1987, le site, qui est aujourd'hui inexploité, a servi de dépôt de matériels roulants à la société établissements Louit. L'existence de cette activité est confirmée au dossier par plusieurs courriers qu'un riverain a adressés au préfet en 1990, par un rapport de l'inspecteur des installations classées à l'attention du conseil départemental d'hygiène réuni le 14 mai 1991 et par la lettre que la société établissements Louit a elle-même adressée au préfet le 2 juillet 1991. Dans ce contexte, le préfet des Landes a pris, le 22 octobre 1991, un arrêté transférant à la société établissements Louit l'autorisation du 10 janvier 1978 et lui prescrivant de réaliser des travaux de sécurisation du site. Dans un courrier du 29 juillet 1992, la société établissements Louit a informé le préfet de la réalisation des travaux prescrits par l'arrêté du 22 octobre 1991. Cette société n'a, au demeurant, jamais contesté les obligations découlant pour elle du transfert de l'autorisation à l'occasion des différents échanges qu'elle a eus avec le préfet au début des années quatre-vingts dix. Dans ces circonstances, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le dernier exploitant du site de Lucbardez-et-Bargues était la société établissements Louit.
8. Les actionnaires de la société établissements Louit se sont engagés à vendre la totalité de leurs actions à la société AFM Recyclage aux termes d'un protocole de cession signé le 9 mai 2007. Cette cession est intervenue le 18 juillet 2007 dans les conditions définies dans le protocole. Ce faisant, la société AFM Recyclage a bénéficié d'une transmission universelle du patrimoine de la société établissements Louit dont elle est devenue l'actionnaire unique. Par suite, alors même que le protocole de cession et l'acte de vente ne mentionnent pas le site de Lucbardez-et-Bargues et que celui-ci n'a pas été exploité par la société AFM Recyclage, cette dernière doit être regardée comme l'ayant-droit de la société établissements Louit, débitrice en cette qualité de l'obligation de remise en état du site. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement doit ainsi être écarté.
9. En troisième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. L'arrêté du 9 décembre 2015 qui met en demeure, sur le fondement et en application de l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement, la société AFM Recyclage de déposer en préfecture un dossier de cessation d'activités et de remise en état du site ne peut être regardé comme un acte d'application de l'arrêté de transfert d'autorisation du 22 octobre 1991. Ce dernier arrêté ne constitue pas non plus la base légale de la mise en demeure contestée. Par suite, la requérante ne peut utilement exciper de l'illégalité de l'arrêté du 22 octobre 1991 à l'appui de sa contestation de la décision du 9 décembre 2015 en litige.
10. En quatrième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que les consorts D... ont, le 27 octobre 2015, vendu la parcelle n°274 à un tiers. Les mentions de l'acte de vente selon lesquelles " les parties conviennent que le coût de tous les travaux de dépollution seront supportés par l'acquéreur, sans recours possible contre le vendeur " et qui rappellent au demeurant que " le vendeur a été spécialement averti par le rédacteur des présentes que l'obligation de dépollution pèse sur le dernier exploitant du site ou son ayant-droit " ne régissent que les rapports de droit privé entre les parties au contrat et ne sont, dès lors, pas opposables à l'administration. Par suite, et dès lors que le cessionnaire ne s'est pas substitué à la société AFM Recyclage en qualité d'exploitant, les conditions de la vente du 27 octobre 2015 sont sans incidence sur l'obligation de remise en état qui pèse sur cette dernière société, en application des dispositions des articles L. 512-6-1 et R. 512-39-1 du code de l'environnement, compte tenu de sa qualité d'ayant-droit de l'ancien exploitant.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande de production de pièces sollicitée, que la société AFM Recyclage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 18BX01690 de la société AFM Recyclage est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme AFM Recyclage et au ministre de la transition écologique et solidaire. Copie pour information en sera délivrée au préfet des Landes.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2020 à laquelle siégeaient :
M. F... C..., président,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
M. Romain Roussel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juin 2020.
Le président-rapporteur,
Frédéric C... La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01690