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16/06/2020 | FRANCE | N°18BX01118

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 16 juin 2020, 18BX01118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Orange a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner les héritiers de M. B... A..., ancien fonctionnaire de France Télécom, à lui payer la somme de 8 649 euros correspondant à un trop-perçu d'indemnité de fin de carrière versé à celui-ci en 2004.

Par un jugement n° 1404701 du 27 février 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2018, la société Orange, repré

sentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordea...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Orange a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner les héritiers de M. B... A..., ancien fonctionnaire de France Télécom, à lui payer la somme de 8 649 euros correspondant à un trop-perçu d'indemnité de fin de carrière versé à celui-ci en 2004.

Par un jugement n° 1404701 du 27 février 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2018, la société Orange, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 février 2017 ;

2°) de condamner les héritiers de M. A..., ancien fonctionnaire de France Télécom, à lui payer la somme de 8 649 euros correspondant à un trop-perçu d'indemnité de fin de carrière versé à celui-ci en 2004 ;

3°) de mettre à la charge des héritiers de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la prescription quinquennale n'a pas couru à compter du 2 novembre 2009 dès lors qu'elle n'a pas reçu ce courrier du 2 novembre 2009 et que M. A... a continué les versements ce qui constituait une reconnaissance de dette à effet interruptif de prescription ;

- le dernier versement de M. A... étant le 9 avril 2012 la prescription n'a recommencé à courir qu'à compter du mois de mai 2012 ;

- sur le fond, la créance est certaine, il n'est pas contesté que les versements de trois indemnités de fin de carrière n'étaient pas dus, et M. A... a bénéficié de dégrèvements d'impôts sur ce trop-perçu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2020, Mme I... A..., Mme J... A..., M. F... A... et M. G... A..., ayants droit de M. B... A..., représentés par Me E..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Orange au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H... K...,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., fonctionnaire de France Télécom à la retraite depuis le 31 août 2009, a bénéficié au mois de septembre 2004 d'une indemnité de fin de carrière d'un montant de 20 927,63 euros. Cette indemnité lui ayant été, par erreur, de nouveau versée aux mois d'octobre, novembre et décembre 2004, la société France Télécom, lui a réclamé le remboursement du trop-perçu correspondant à ces trois versements, d'un montant de 62 782,89 euros. M. A... s'est acquitté de ce remboursement, à l'exception d'une somme de 8 649 euros correspondant au supplément d'impôt sur les revenus qu'il estimait avoir payé du fait de l'erreur commise par France Télécom. M. A... étant décédé en octobre 2012, la société Orange, venant aux droits de France Télécom, a demandé au tribunal de condamner ses héritiers à lui verser la somme de 8 649 euros qu'elle estime lui rester due. Elle relève appel du jugement du 27 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la prescription :

2. Aux termes de l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : / Des salaires (...) ". Selon l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la même loi du 17 juin 2008: " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". L'article 2240 du code civil dispose que : " La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ". Enfin l'article 2244 de ce code précise que : " Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée ".

3. D'une part, les dispositions précitées de l'article 2277 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, sont applicables à toutes les actions relatives aux rémunérations des salariés, y compris celles relevant d'un statut d'agent public, employé par la société anonyme France Télécom et par la société Orange qui lui a été substituée.

4. D'autre part, ainsi que l'ont jugé à bon droit les juges de première instance, il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le délai de prescription applicable à l'action en recouvrement d'un trop-perçu d'un agent public de France Télécom était de cinq ans avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile et est demeuré de cinq ans après cette entrée en vigueur, sans que celle-ci ne fasse courir un nouveau délai de cinq ans pour les créances qui n'étaient pas prescrites à cette date.

5. Enfin, il résulte également des dispositions de l'article 2240 du code civil citées au point 2 ci-dessus que la reconnaissance, par un débiteur, du droit du créancier interrompt le délai de prescription.

6. En l'espèce, il est constant qu'un trop-perçu d'indemnité de fin de carrière a été versé à M. A... aux mois d'octobre, novembre et décembre 2004. Si M. A... a effectué, jusqu'en avril 2012, des versements pour rembourser une partie de ce trop-perçu, il a informé France Télécom, notamment par un courrier du 12 octobre 2009, auquel France Telecom fait référence dans sa lettre du 14 octobre 2009, qu'il refuserait de rembourser la somme de 8 649 euros correspondant à son supplément d'impôt résultant dudit trop-perçu. Ainsi, les versements effectués par M. A... pour rembourser la partie du trop-perçu qu'il acceptait de payer, ne peuvent, dans ces conditions, être regardés comme valant reconnaissance de la totalité de la dette envers France Telecom et n'ont pas eu pour effet d'interrompre la prescription en ce qui concerne la fraction contestée, soit la somme de 8 649 euros. Aucune autre action ne pouvant être admise comme valablement interruptive de prescription, en vertu des dispositions précitées de l'article 2248 du code civil, dès lors, et ainsi que l'ont décidé à bon droit les premiers juges, à la date d'introduction de la requête, le 13 novembre 2014, ce délai était expiré, et la créance de la société Orange, venant aux droits de France Télécom, à l'égard des héritiers de M. A..., était prescrite.

7. Il résulte de ce qui précède, que la société Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande par le jugement contesté du 27 février 2017.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Orange une somme globale de 1 500 euros qu'elle versera aux héritiers de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des héritiers de M. A... au titre des frais non compris dans les dépens dès lors qu'ils ne sont pas dans la présente instance la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée.

Article 2 : La société Orange versera aux héritiers de M. A... la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... L... A... épouse C..., à Mme J... A..., à M. F... A..., à M. G... A... et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme H... K..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

Le président,

Dominique NAVES

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01118
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : FIDAL MERIGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-16;18bx01118 ?
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