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09/06/2020 | FRANCE | N°19BX04249

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 09 juin 2020, 19BX04249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation, et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 eu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation, et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1806016 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 octobre 2019, Mme B..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2019 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2018 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre

de séjour " membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne ", ou, à titre subsidiaire,

un titre de séjour " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, et de la munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des

articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- Le tribunal a omis de répondre au moyen, également soulevé à l'appui

de la contestation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant

le pays de renvoi, tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- les décisions attaquées n'ont pas été prises à l'issue d'un examen particulier

de sa situation ; ce défaut d'examen est révélé par l'absence de mention de la situation

de handicap de son époux ; la durée de séjour en France de ce dernier n'a pas été prise en compte, ni encore sa nécessaire présence à ses côtés ; la décision fixant le Maroc comme pays de renvoi a été prise sans examen sérieux, alors pourtant que cette décision a pour effet de la séparer de son époux ;

- le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 121-3 et L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

et de l'article 10 du règlement (UE) n° 429/2011 ; la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne a reconnu le droit au séjour d'un citoyen de l'Union qui a perdu la qualité de travailleur lorsqu'il assure la garde d'un enfant poursuivant sa scolarité dans l'Etat membre d'accueil ; son époux disposant d'un droit de séjour permanent en France, elle bénéficie d'un droit de séjour dérivé de ce dernier ; son époux ayant travaillé de manière régulière de 2011

à 2012 comme intérimaire, la qualité de travailleur doit lui être reconnue ; la fille de ce dernier, dont il a la garde, a poursuivi sa scolarité en France au collège, puis au lycée ; son époux a ainsi conservé son droit au séjour après avoir perdu la qualité de travailleur ; son époux ayant séjourné légalement en France plus de 5 ans, il a acquis en France un droit de séjour permanent ; dans ces conditions, le préfet ne peut lui opposer l'absence d'assurance maladie ou de ressources suffisantes pour lui refuser le droit au séjour ;

- Son époux est titulaire d'une assurance maladie, ayant été affilié au système de sécurité sociale français dès 2011, en qualité de salarié ; la seule circonstance qu'il bénéficie d'une prestation d'assistance sociale ne suffit pas à démontrer qu'il représenterait une charge pour le système d'assistance sociale ; le préfet devait se livrer à une appréciation concrète de sa situation, et s'est cru à tort lié par les dispositions du code relatives au montant des ressources ; la conditions de ressources ne peut lui être opposée dès lors qu'il est en situation de handicap, ce qui l'empêche de travailler ; les trois enfants de son époux résident en France et les deux plus âgés lui versent régulièrement des sommes d'argent ; son époux disposant ainsi d'un droit au séjour, elle dispose d'un droit au séjour dérivé ;

- Le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entrée régulièrement en France et y séjourne depuis deux ans ; son époux y réside depuis sept ans, ainsi que ses trois enfants, dont deux travaillent et l'une poursuit ses études ; son époux a ainsi vocation à demeurer sur le territoire national ;

- La décision d'éloignement est privée de base légale ;

- La décision d'éloignement a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- La décision fixant le Maroc comme pays de renvoi aurait pour effet de la séparer

de son époux, et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 3 octobre 2019.

Par une ordonnance du 20 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée

au 9 mars 2020 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 429/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C... D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité marocaine, est entrée en France en mai 2016 selon ses déclarations sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen délivré par les autorités italiennes. Le 2 janvier 2018, elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de membre de famille d'un ressortissant communautaire. Par un arrêté du 11 octobre 2018, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Toulouse comportait, à l'appui de sa contestation de la légalité des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, des moyens tirés de l'absence d'examen particulier de sa situation. Le jugement attaqué, qui n'a pas répondu à ces moyens, qui n'étaient pas inopérants, doit être annulé comme irrégulier dans cette mesure.

3. Il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme B... dirigées contre les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, et de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions dirigées contre le refus de délivrance d'un titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°." L'article R. 121-4 du même code dispose : " (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant visé à l'article L. 121-1 qui a résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions combinées que le ressortissant d'un Etat tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne que dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2°

de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont alternatives et non cumulatives.

6. Les dispositions du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui assurent la transposition en droit interne de la directive n° 2004/38/CE, doivent être interprétées à la lumière du droit communautaire, et plus particulièrement de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative à la notion de " travailleur " au sens de l'article 39 CE, devenu article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice

de l'Union européenne que la notion de travailleur, au sens des dispositions précitées du droit

de l'Union européenne, doit être interprétée comme s'étendant à toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La relation de travail est caractérisée par la circonstance qu'une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle perçoit une rémunération. Ni la nature juridique particulière de la relation d'emploi au regard du droit national, ni la productivité plus ou moins élevée de l'intéressé, ni l'origine des ressources pour la rémunération, ni encore le niveau limité de cette dernière ne peuvent avoir de conséquences quelconques sur la qualité de travailleur.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil

du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la communauté, auquel s'est substitué l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011 entré en vigueur

le 16 juin 2011 : " Les enfants d'un ressortissant d'un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. / Les Etats membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleurs conditions ".

8. Il résulte des dispositions citées au point 7, telles qu'interprétées par la Cour

de justice de l'Union européenne à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale prévu

à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans ses deux décisions du 23 février 2010 (C-310/08 et C-480/08), qu'un ressortissant de l'Union européenne ayant exercé une activité professionnelle sur le territoire d'un Etat membre ainsi que le membre de sa famille qui a la garde de l'enfant de ce travailleur migrant peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le seul fondement de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011, à la condition que cet enfant poursuive une scolarité dans cet Etat, sans que ce droit soit conditionné par l'existence de ressources suffisantes. Pour bénéficier de ce droit,

il suffit que l'enfant qui poursuit des études dans l'État membre d'accueil se soit installé dans ce dernier alors que l'un de ses parents y exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant, le droit d'accès de l'enfant à l'enseignement ne dépendant pas, en outre, du maintien

de la qualité de travailleur migrant du parent concerné. En conséquence, et conformément

à ce qu'a jugé la Cour de justice dans sa décision du 17 septembre 2002 (C-413/99, § 73), refuser l'octroi d'une autorisation de séjour au parent qui garde effectivement l'enfant exerçant son droit de poursuivre sa scolarité dans l'Etat membre d'accueil est de nature à porter atteinte à son droit au respect de sa vie familiale.

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier produit par Mme B... que son époux, de nationalité italienne, a travaillé ponctuellement en France d'avril à juin 2011 puis de mai à juillet 2012, et il n'est pas justifié de ce qu'il aurait effectivement recherché un emploi, notamment au cours de la période allant de juin 2011 à juin 2012, puis à partir d'août 2012. Il ne peut dès lors être regardé comme ayant eu la qualité de travailleur migrant en France au sens des dispositions citées ci-dessus. Au demeurant, les pièces versées au dossier relatives à la scolarisation de la fille de ce dernier en France, qui ne portent notamment pas sur les années scolaires 2011-2012, 2012-2013 et 2014-2015, ne permettent de démontrer ni qu'elle aurait entamé une scolarité en France au cours de la période durant laquelle son père y a exercé une activité professionnelle, ni encore qu'elle aurait poursuivi de manière continue sa scolarité

en France après que son père ait interrompu ses activités professionnelles. Dans ces conditions, Mme B... n'établit nullement que son époux aurait résidé régulièrement en France, d'abord en qualité de travailleur migrant, puis comme parent d'un enfant y poursuivant sa scolarité. Par suite, et contrairement à ce qui est soutenu, son époux ne peut être regardé comme ayant acquis un droit au séjour permanent sur le territoire français en application des dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En deuxième lieu, sauf s'il y exerce une activité professionnelle, un citoyen de l'Union européenne n'a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois que s'il justifie disposer de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale. Or, en l'espèce, à la date de l'arrêté attaqué, l'époux de la requérante ne disposait, pour lui et les membres de son foyer, d'aucune ressource autre que l'allocation de solidarité aux personnes âgées, de l'ordre de 800 euros par mois. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, les seules attestations établies par deux des enfants de l'époux de la requérante déclarant lui verser, chacun, 100 euros par mois, qui sont rédigées en termes convenus et ne sont accompagnées d'aucun commencent de preuve, ne présentent pas un caractère probant. C'est ainsi par une exacte application des dispositions précitées du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet, qui a expressément refusé de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation et ne peut ainsi être regardé comme s'étant cru lié par ces dispositions, a estimé que l'époux de la requérante ne justifiait pas d'un droit au séjour en France en application desdites dispositions.

11. Enfin, si Mme B... fait valoir que son époux présente un handicap et que sa présence à ses côtés est indispensable, ce dernier, de nationalité italienne, ne justifie pas d'un droit au séjour en France, et il n'est ni établi ni même allégué qu'il ne pourrait pas recevoir en Italie des soins adaptés à son état, dont la gravité alléguée n'est au demeurant pas démontrée. De plus, la requérante ne produit aucune pièce de nature à démontrer l'ancienneté de sa vie commune avec son époux, qu'elle a épousé le 9 avril 2015 au Maroc, et n'est pas dépourvue d'attache dans son pays d'origine où réside notamment son enfant mineur. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, cette décision ne repose pas sur une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de Mme B....

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le refus de titre de séjour en litige n'est pas entaché d'illégalité. Le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ne peut dès lors qu'être écarté.

13. En deuxième lieu, la motivation de l'arrêté attaqué, qui mentionne les éléments de fait relatifs à la situation personnelle de Mme B..., révèle que le préfet de la Haute-Garonne s'est livré à un examen particulier de sa situation afin d'édicter la mesure d'éloignement attaquée. La seule circonstance que sa décision ne fait pas état de l'ancienneté de la résidence de son époux en France ne permet nullement d'établir que le préfet ne se serait pas livré à un tel examen.

14. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11, la décision faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît dès lors pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

15. Il résulte de la rédaction de l'arrêté attaqué, qui vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la décision fixant le pays de renvoi comporte les éléments de faits relatifs à la situation personnelle et familiale de Mme B... et précise en outre que cette dernière n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à ladite convention en cas de retour dans son pays d'origine. Cette motivation régulière révèle que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation de l'intéressée avant de fixer le pays de renvoi.

16. En dernier lieu, la requérante fait valoir que la décision litigieuse, qui la renvoie " vers tout pays où elle est légalement admissible ", sans limiter son éloignement vers l'Italie, pays dont son époux a la nationalité, permet de renvoyer les époux dans des pays différents, ce qui aurait nécessairement pour effet de les séparer. Cependant, et ainsi qu'il a été dit, si la requérante a épousé un ressortissant italien en 2015, elle ne justifie ni de sa date d'entrée en France ni de l'ancienneté de sa présence sur le territoire français et affirme que son époux réside en France de manière ininterrompue depuis 2011. La requérante n'apportant ainsi aucun élément de nature à démontrer l'ancienneté de la vie commune avec son époux, et étant par ailleurs mère d'un enfant mineur qui réside au Maroc, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté contesté, et qu'elle n'est pas fondée à demander l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

19. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1806016 du 18 juin 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 11 octobre 2018.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 11 octobre 2018 et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme A... E..., présidente,

M. Thierry Sorin, premier conseiller,

Mme Marie-Pierre Beuve D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juin 2020.

La présidente,

Anne E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX04249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04249
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-09;19bx04249 ?
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