La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2020 | FRANCE | N°19BX04628

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 juin 2020, 19BX04628


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.

Par un jugement n° 1902480 du 14 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enreg

istrée le 7 décembre 2019, M. B... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.

Par un jugement n° 1902480 du 14 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2019, M. B... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 14 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de le transférer aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assigné à résidence ;

3°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités italiennes méconnaît l'article 5 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'en l'absence de précision sur la qualité ou l'identité de la personne ayant réalisé l'entretien il est impossible d'établir sa qualification ou sa compétence ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 17 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il fait état de circonstances particulières justifiant que le préfet de la Haute-Garonne mette en oeuvre la clause discrétionnaire prévues par ces stipulations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 6 février 2020 à midi.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant érythréen né le 10 mars 1992, est entré irrégulièrement en France le 28 août 2018 selon ses déclarations. Il a présenté, le 13 septembre 2018, une demande d'asile auprès du préfet de la Haute-Garonne. Le relevé de ses empreintes décadactylaires ayant révélé qu'il avait fait l'objet d'un contrôle de police en Italie le 27 mai 2018, les autorités italiennes ont été saisies, le 11 octobre 2018, d'une demande de prise en charge sur le fondement l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Cette demande a été implicitement acceptée le 17 décembre 2018. Par un arrêté du 2 mai 2019, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé la remise de l'intéressé aux autorités italiennes. Par un arrêté du même jour, il l'a assigné à résidence. M. E... relève appel du jugement du 14 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité de l'arrêté du 2 mai 2019 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".

3. M. E... soutient que l'absence d'indication quant à l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel du 13 septembre 2018 fait obstacle à toute vérification de la qualification de cet agent. Toutefois, ainsi que l'ont à juste titre rappelé les premiers juges, aucune disposition ni aucun principe n'impose la mention, sur le compte rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien ni même sa signature. En vertu des dispositions combinées des articles L. 741-1 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, le préfet de la Haute-Garonne était compétent pour enregistrer la demande d'asile de M. E... et procéder à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande. Dès lors, les services de la préfecture de la Haute-Garonne doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

4. En second lieu, l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement selon lequel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le même règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

5. Si M. E... soutient qu'il a été victime de mauvais traitements en Italie, qu'il n'a pas bénéficié d'un hébergement et de nourriture et n'a donné ses empreintes que de force, il ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations. Ainsi, il n'établit pas que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, les seules circonstances qu'il ait fuit l'Erythrée pour ne pas être contraint d'effectuer son service militaire et qu'il souhaite déposer une demande d'asile en France, ne sont pas de nature à justifier que la France retienne sa compétence au titre de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement précité, alors que rien ne s'oppose à ce qu'il sollicite le bénéfice de l'asile en Italie. Dans ces conditions, en ne mettant pas en oeuvre la clause discrétionnaire prévue par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. E....

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 mai 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... A..., président assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juin 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°19BX04628


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04628
Date de la décision : 08/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : TOUBOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-08;19bx04628 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award