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08/06/2020 | FRANCE | N°18BX01649

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 juin 2020, 18BX01649


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL Agriculture Moderne 972 a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 janvier 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté le recours qu'elle a formé contre la décision du 7 septembre 2016 par laquelle il a mis à sa charge une contribution spéciale et une contribution forfaitaire de frais de réacheminement d'un montant total de 18 180 euros pour l'emploi d'un ressortissant étrang

er démuni d'autorisation de travail.

Par un jugement n°1700100 du 15 févrie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL Agriculture Moderne 972 a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 janvier 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté le recours qu'elle a formé contre la décision du 7 septembre 2016 par laquelle il a mis à sa charge une contribution spéciale et une contribution forfaitaire de frais de réacheminement d'un montant total de 18 180 euros pour l'emploi d'un ressortissant étranger démuni d'autorisation de travail.

Par un jugement n°1700100 du 15 février 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté la demande de l'EARL Agriculture Moderne 972.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2018, l'EARL Agriculture Moderne 972, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 15 février 2018 ;

2°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 18 180 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que aux termes des articles L. 8251-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la mise en oeuvre des contributions contestées est liée à l'existence d'un lien de subordination entre l'employeur allégué et l'employé en situation irrégulière ; en l'espèce, l'existence d'un tel, lien n'est pas démontrée, alors que l'EARL n'a même pas fait l'objet d'un contrôle sur site ; ni l'entreprise ni son gérant n'ont de lien avec M. C... et ne l'ont jamais employé, ce qui ne ressort d'ailleurs pas des PV d'audition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'EARL Agriculture Moderne 972 la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'EARL ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 10 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 janvier 2016, les services de police ont procédé au contrôle du véhicule de marque Isuzu immatriculé AS-078-GR comprenant à son bord trois personnes, le conducteur, Mme H... et M. B... C..., ressortissant dominicain qui était dépourvu de titre de séjour et d'autorisation de travail. Ce dernier ayant indiqué être employé dans une exploitation agricole gérée par Mme F... et son conjoint, M. E..., gérant de l'EARL Agriculture Moderne 972, cette société a été invitée à présenter ses observations par lettre en date du 29 juin 2016 adressée par pli recommandé avec avis de réception. La société a présenté ses observations par lettre du 21 juillet 2016. Par une décision du 7 septembre 2016, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et de 580 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par courrier en date du 7 novembre 2016, la société a formé un recours gracieux contre cette décision, lequel a fait l'objet d'une décision de rejet par lettre du 4 janvier 2017. L'EARL Agriculture Moderne 972 a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 4 janvier 2017 rejetant son recours gracieux contre la décision du 7 septembre 2016 et de la décharger de son obligation de payer la somme totale de 18 180 euros. Elle fait appel du jugement dudit tribunal en date du 15 février 2018, qui a rejeté sa demande, en demandant en appel la décharge de la somme de 18 180 euros.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. (...) ". Selon l'article L. 5221-8 du même code : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.

4. Il ressort des énonciations du procès-verbal tendant à la vérification du droit de circulation ou de séjour établi le 7 janvier 2016, lequel, en vertu de l'article 431 du code de procédure pénale et de l'article L. 8271-8 du code du travail, fait foi jusqu'à preuve contraire, que, dans le cadre d'un contrôle d'identité diligenté à la suite de la constatation de l'absence de port de ceinture de sécurité par l'un des passagers du véhicule de marque Isuzu immatriculé AS-078-GR, il a été constaté que M. B... C..., ressortissant dominicain, était dépourvu de titre l'habilitant à séjourner sur le territoire français. Lors de son audition par les services de police dans le cadre de l'enquête de vérification du droit au séjour, M. B... C... a déclaré que M. E... et Mme F... subvenaient à ses besoins, lui avaient payé un billet d'avion pour se rendre de la Dominique en Martinique et qu'il travaillait pour eux en contrepartie, sans être déclaré, dans un champ de bananes qui leur appartient au quartier Plaisance. Il a également indiqué que lesdites personnes ne le payaient pas tous les jours mais à la fin du séjour lorsqu'il repartait pour la Dominique, lui donnaient de l'argent " ainsi que des denrées alimentaires comme des yaourts, de l'huile et autres choses ", qu'il venait régulièrement en Martinique dans semblables conditions, que le 2 décembre 2015, M. E... et Mme F... lui avaient donné la somme de 400 euros, et, le 19 décembre, de 300 euros, pour avoir travaillé pour eux durant 5 jours dans l'exploitation de 7 heures à 10 heures le matin et de 15 à 16 heures l'après-midi.

5. Les premiers juges ont considéré que : " si l'EARL Agriculture Moderne 972 conteste l'exactitude matérielle des faits qui lui sont reprochés en soutenant qu'il n'y a pas eu de contrôle de l'existence d'un lien de subordination entre elle et M. C..., lequel était seulement passager du même véhicule que Mme F..., et qu'elle n'a fait l'objet d'aucun contrôle sur site, elle ne produit aucune pièce permettant de remettre en cause les conclusions du contrôle, alors qu'il ressort des procès-verbaux d'audition susmentionnés que M. C... a reconnu séjourner irrégulièrement sur le territoire national et a expressément indiqué qu'il travaillait régulièrement pour les gérants de la société qui lui procurent les billets d'avion lui permettant de se rendre en Martinique, lui offrent de la nourriture et lui accordent une rémunération en contrepartie de son activité ; que les conditions dans lesquelles l'EARL Agriculture Moderne a eu recours aux services de M. C... sont ainsi de nature à établir que ce dernier a été employé à un travail impliquant un lien de subordination avec la société, alors même qu'aucun contrat de travail n'a été établi, sans qu'un titre l'autorise à exercer une activité salariée en France, éléments qui caractérisent l'existence d'une infraction à l'article 8251-1 du code du travail ; qu'il suit de là que la matérialité des faits reprochés à l'EARL Agriculture Moderne 972 est réputée établie ". L'EARL Agriculture Moderne 972 n'apportant en appel aucun élément de fait ou de doit nouveau de nature à contredire l'existence du lien de subordination ainsi relevé, il y a lieu d'adopter le motif pertinemment retenu par les premiers juges.

Sur les conclusions à fin de décharge :

6. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation présentées par l'EARL Agriculture Moderne, ses conclusions, présentées par voie de conséquence, à fin de décharge du montant des contributions qui lui ont été appliquées, ne peuvent qu'être rejetées également.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'EARL Agriculture Moderne 972 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal, administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de L'EARL Agriculture Moderne 972 est rejetée.

Article 2: Les conclusions de l'OFII présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'EARL Agriculture Moderne 972 et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Copie en sera transmise à la direction régionale des finances publiques de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme Karine Butéri, président-assesseur,

Mme G..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juin 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°18BX01649


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01649
Date de la décision : 08/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : ROMER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-08;18bx01649 ?
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