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19/05/2020 | FRANCE | N°19BX02918

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 19 mai 2020, 19BX02918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2018 de la préfète de la Charente portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 1802743 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2019, M. D..., représenté par Me B..., deman

de à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 14 mars 2019...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2018 de la préfète de la Charente portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 1802743 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 14 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2018 de la préfète de la Charente portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixation du pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète de réexaminer, sous astreinte, sa situation dans le délai de d'un mois à compter de la notification du jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour n'émane pas d'une autorité bénéficiant d'une délégation de signature régulièrement consentie ;

- il est insuffisamment motivé et révèle un défaut d'examen de sa situation particulière ;

- il est entaché d'erreur de droit dès lors que la préfète s'est crue liée par l'obligation de quitter le territoire français édictée par le préfet de la Gironde ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de l'accord franco-marocain dès lors qu'il est titulaire d'un contrat de travail saisonnier;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2020, la préfète de la Charente conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre la République française et le Royaume du Maroc signée à Rabat le 9 octobre 1987 ;

-le code de l 'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C... F....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant marocain, est entré en France le 11 février 2016 muni d'un visa de type D valable jusqu'au 10 mai 2016. Il a obtenu un titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier valable jusqu'au 3 avril 2017, puis a fait l'objet, le 22 juin 2018, d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français émanant du préfet de la Gironde. Il a formé le 23 juillet 2018 auprès de la préfète de la Charente une demande en vue de son admission exceptionnelle au séjour ou de la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. La préfète a pris, le 15 octobre 2018, un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixation du pays de destination. M. D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de cet arrêté et il relève appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur le refus de séjour :

2. En premier lieu, Mme A..., signataire de la décision attaquée disposait d'une délégation de signature du préfet, consentie par un arrêté du 27 août 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 16-2018-035 du 29 août 2018, à l'effet, notamment, " de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Charente, et notamment les décisions suivantes : / (...) - refus de séjour / - obligation de quitter le territoire français (...) / - décision portant fixation du pays de destination (...) ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

3. En deuxième lieu, la décision attaquée, après avoir notamment visé les stipulations pertinentes de la convention franco-marocaine, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile appliquées, décrit de manière précise et circonstanciée la situation personnelle et familiale de M. D... qui en détermine le sens. Ainsi elle indique, notamment, les précédentes décisions en matière de séjour qui lui ont été adressées, et contient l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

4. En troisième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et notamment pas de la seule mention que l'intéressé a fait l'objet d'un arrêté de refus de séjour du préfet de la Gironde, que la préfète de la Charente aurait omis de procédé à un examen approfondi de la situation du requérant et se serait sentie liée par ce précédent arrêté du préfet de la Gironde du 22 juin 2018.

5. En quatrième lieu, l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".

6. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

7. D'une part, et ainsi que l'ont pertinemment décidé les premiers juges, M. D... soutient que la préfète ne pouvait regarder comme une simple promesse d'embauche le contrat de travail conclu avec la SAS Salazars Services. Toutefois, il ne justifie pas entrer dans le champ des stipulations précitées de l'accord franco-marocain dès lors que ce contrat n'avait pas été visé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit donc être écarté.

8. D'autre part, en se fondant sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. D..., la préfète de la Charente a entendu exercer le pouvoir dont elle disposait de régularisation de la situation d'un étranger. Et en se bornant à soutenir qu'il est titulaire d'un contrat de travail d'une durée de quatre mois, que son employeur a présenté une demande d'admission au séjour et qu'il a passé une visite médicale, M. D... n'établit pas que le refus d'admission exceptionnelle au séjour serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ce qui ne résulte pas davantage de la durée et des conditions de son séjour sur le territoire.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation du refus de titre de séjour.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, M. D... se borne à évoquer des " relations avec ses semblables " et de " bonnes relations avec son entourage, notamment dans le cadre du travail ". Ces allégations, qui ne sont ni précises ni étayées, n'établissent pas qu'en prenant la décision litigieuse, la préfète de la Charente a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive et aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2018.

Sur les autres conclusions :

12. Le présent arrêt qui rejette les conclusions en annulation de M. D..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, et par voie de conséquence ses conclusions au titre des frais d'instance doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera délivrée à la préfète de la Charente.

Délibéré après l'audience du 18 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme C... F..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 mai 2020.

Le président,

Dominique NAVES

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02918
Date de la décision : 19/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : KAOULA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-19;19bx02918 ?
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