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14/05/2020 | FRANCE | N°19BX04569

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 14 mai 2020, 19BX04569


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2019, le préfet de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1902871 du 5 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que les conditions dans lesquelles le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu son avis préalablement à l'arrêté litigieux n'a pas entaché cet arrêté d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2020, Mme A..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... A..., ressortissante guinéenne née le 3 septembre 1989, est entrée irrégulièrement en France le 23 septembre 2011. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 octobre 2012, confirmée le 23 juillet 2013 par la Cour nationale du droit d'asile. Après s'être maintenue sur le territoire français en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 29 novembre 2013, elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade du 14 janvier 2014 au 13 janvier 2018. Le préfet de La Haute-Garonne relève appel du jugement du 5 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 2 avril 2019 portant refus de renouvellement du titre de séjour de Mme A..., obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays à destination duquel l'intéressée serait reconduite à l'issue de ce délai.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) ".

3. En vertu des dispositions précitées, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit accomplir sa mission dans le respect des orientations générales définies par l'arrêté du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 et émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 des ministres chargés de l'immigration et de la santé. S'il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur la demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 27 décembre 2016, il ne saurait en revanche porter d'appréciation sur le respect, par le collège des médecins, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

4. Il résulte de ce qui précède que le respect, par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017 ne constitue pas une condition de régularité de l'avis dudit collège susceptible d'être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre un refus de titre de séjour. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a considéré que l'arrêté litigieux du 2 avril 2019 est entaché d'un vice de procédure, faute pour le collège de médecins d'avoir, conformément à l'arrêté du 5 janvier 2017, évalué les conséquences d'une absence de prise en charge médicale à moyen terme de l'hépatite B dont est atteinte Mme A....

5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

6. En premier lieu et contrairement à ce que soutient Mme A..., il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision litigieuse, que le préfet se serait estimé lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

7. En deuxième lieu, selon l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 20 juin 2018, l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si les différents certificats médicaux produits par l'appelante attestent du suivi médical, consistant en un bilan bisannuel, que requiert l'hépatite B chronique dont elle est atteinte et qui a été diagnostiquée en 2012, ils ne peuvent suffire à infirmer l'avis rendu collégialement par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration alors, au surplus, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce suivi ne serait pas accessible en Guinée. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est célibataire, sans enfant à charge. La durée de son séjour en France est consécutive à l'instruction de sa demande d'asile en définitive rejetée ainsi qu'à l'obtention d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade qui ne lui donne pas vocation à rester durablement en France. Elle n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions et alors même que Mme A... a pu exercer une activité professionnelle notamment au cours de l'année 2016, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus litigieux et n'a, dès lors, en tout état de cause, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre doit être écarté.

10. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle de l'intéressée doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés au point 8 ci-dessus.

11. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés au point 7 ci-dessus.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. La décision fixant le pays de renvoi, après avoir visé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que l'intéressée, qui ne démontre pas être exposée personnellement à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, peut être éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays où elle établit être légalement admissible. Il suit de là que le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.

13. Mme A... n'établit pas les risques personnels et actuels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 2 avril 2019.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande Mme A... au profit de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902871 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 5 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme F... A... et à Me D... E....

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 27 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, président,

M. C... B..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2020.

Le président,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04569


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04569
Date de la décision : 14/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-14;19bx04569 ?
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