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14/05/2020 | FRANCE | N°19BX04230

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 14 mai 2020, 19BX04230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans ou une carte de séjour temporaire d'un an ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisat

ion provisoire de séjour le temps de l'instruction de son dossier dans un délai de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans ou une carte de séjour temporaire d'un an ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de l'instruction de son dossier dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1902122 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 juin 2019 ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- en se fondant pour rejeter sa demande sur les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non exclusivement sur les stipulations de l'article 11 de la convention relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Dakar le 1er août 1995, le préfet a entaché sa décision de refus de séjour d'erreur de droit ;

- dès lors qu'il disposait d'un contrat de travail à durée indéterminée lors de sa demande, le préfet a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article 321 de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires ;

- en ne transmettant pas son contrat de travail à la directions régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, le préfet a entaché sa décision de refus de séjour d'un vice de procédure ;

- la décision portant refus de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont entachées d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2020, la préfète de la Gironde, préfète de Nouvelle Aquitaine, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... D...

- et les observations de Me B... pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... A..., ressortissant sénégalais né le 21 mars 1992, est entré régulièrement en France le 11 août 2014 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour mention " étudiant " valable du 10 août 2014 au 10 août 2015. Il s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire d'un an mention " étudiant " valable jusqu'en octobre 2016 puis une carte de séjour pluriannuelle mention " étudiant " valable du 18 novembre 2016 au 17 novembre 2018. Il a sollicité le 22 septembre 2018 la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 19 février 2019, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 27 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

2. La décision attaquée vise notamment les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes, celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait référence son article L. 314-8. Elle expose les conditions d'entrées et de séjour en France de l'intéressé, sa situation familiale et professionnelle et indique qu'eu égard notamment à ses ressources et à la durée de son séjour en France, il ne peut se voir délivrer de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-8. Elle contient ainsi, alors même qu'elle ne vise pas spécifiquement les stipulations de l'article 11 de la convention du 1er août 1995 et ne fait pas expressément état du contrat de travail à durée indéterminée dont se prévaut le requérant, l'exposé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

3. D'une part, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les ressortissants de chacune des parties contractantes établis sur le territoire de 1'autre partie peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. / Ce titre de séjour est renouvelable de plein droit dans les conditions prévues par l'État d'accueil (...) ". L'article 13 de la même convention stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : / 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code, à l'exception de celles délivrées sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2 ou L. 313-13, du 3° de l'article L. 313-20, des articles L. 313-23, L. 316-1 ou L. 317-1 ou du 8° de l'article L. 314-11. (...) 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. (...) / 3° D'une assurance maladie. (...) ".

5. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que si, en application des stipulations de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 précitées, les ressortissants sénégalais peuvent prétendre à la délivrance d'une carte de résident dès qu'ils justifient de trois années de résidence régulière et ininterrompue sur le territoire français, et non à l'issue des cinq années de présence prévues à l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils ne peuvent obtenir ce titre que s'ils remplissent les autres conditions cumulatives prévues par les autres dispositions de l'article L. 314-8. Par suite, en se fondant sur les stipulations de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 ainsi que sur les dispositions de l'article L. 314-8 précitées, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit.

6. Aux termes des stipulations de l'article 3, paragraphe 32, sous-paragraphe 321 de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal : " La carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention "travailleur temporaire" sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : / (...) 8° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé. / (...) Lorsqu'elle a été délivrée dans les conditions prévues à l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle permet l'exercice de toute activité professionnelle salariée après un séjour de douze mois continus à compter de sa délivrance (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du code du travail : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour formulée par M. A... tendait à la délivrance d'une carte de résident de dix ans sur le fondement des stipulations de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 et non à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord du 23 septembre 2006 précité et il ne ressort pas des mentions de la décision attaquée que le préfet se serait prononcé sur son droit au séjour à un autre titre. Au demeurant, il n'est pas contesté que M. A... n'a pas présenté, à l'appui de sa demande de titre de séjour, de demande d'autorisation de travail dans les conditions fixées par l'article R. 5221-11 du code du travail, ce dont ne pouvait le dispenser la circonstance qu'en dépit de son titre de séjour portant la mention " étudiant ", il était déjà titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein. Dans ces conditions, le préfet n'était pas tenu de saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées doit être écarté.

8. Aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de du 23 septembre 2006 l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le France et le Sénégal, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : / - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 7, la demande de titre de séjour formulée par M. A... tendait à la délivrance d'une carte de résident de dix ans sur le fondement des stipulations de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 et il ne ressort pas des mentions de la décision attaquée que le préfet se serait prononcé sur son droit au séjour à un autre titre. Au surplus, si M. A... fait valoir que sa soeur, résidant régulièrement en France et directrice d'une société de nettoyage, lui a octroyé une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée pour un emploi d'agent de service, qu'il est parfaitement intégré et que son frère de nationalité française réside en France, ces seuls éléments ne constituent pas des motifs exceptionnels ou des circonstances humanitaires de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

10. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination seraient privées de base légale doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que demande le requérant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 27 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. C... D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2020.

Le président,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX04230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04230
Date de la décision : 14/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : AUTEF

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-14;19bx04230 ?
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