Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2019 par lequel la préfète de la Charente a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 2 ans.
Par une ordonnance n° 1902286 du 1er octobre 2019, le vice-président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 octobre 2019, M. F..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Poitiers du 1er octobre 2019 ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors qu'aucune forclusion ne pouvait lui être opposée dans la mesure où la décision attaquée comporte une indication erronée des voies et délais de recours ;
- la décision attaquée est entachée d'incompétence ;
- la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- le préfet n'établit pas l'avoir informé du caractère exécutoire de la mesure d'interdiction de retour et du fait que la durée de celle-ci court à compter de la date à laquelle il a été satisfait à cette obligation " en rejoignant le pays dont il possède la nationalité, ou tout autre pays non membre de l'Union européenne et avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen " conformément aux dispositions de l'article R. 622-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'établit pas qu'il a été informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen conformément aux dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision attaquée porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 février 2020, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à supposer que le requérant entende demander l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2018 portant refus de séjour, ces conclusions sont irrecevables ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... F..., ressortissant albanais né le 27 janvier 1986 à Tropoje (Albanie), est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 22 mars 2013. Il a sollicité l'asile le 13 mai 2013. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 mars 2014, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 24 novembre 2014. Par un arrêté du 23 avril 2015, le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un arrêté du 12 septembre 2017, le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de vingt-quatre mois. Saisie par M. F... le 23 août 2018 d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Charente a pris, le 23 octobre 2018, un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixation du pays de destination. Le recours de M. F... à l'encontre de cet arrêté a été rejeté par un jugement n° 1802745 du tribunal administratif de Poitiers, confirmé par un arrêt n° 19BX01402 du 24 octobre 2019 de la cour. Le 10 septembre 2019, M. F... a été interpelé pour conduite d'un véhicule automobile sans permis de conduire. Lors de son audition le 11 septembre 2019, il s'est vu notifier deux arrêtés du préfet de la Charente portant, d'une part, assignation à résidence, et, d'autre part, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. F... relève appel de l'ordonnance du 1er octobre 2019 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2019 portant interdiction de retour sur le territoire français.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention (...). / L'étranger faisant l'objet d'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 peut, dans le même délai, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision. Les décisions mentionnées au premier alinéa du présent III peuvent être contestées dans le même recours lorsqu'elles sont notifiées avec la décision d'assignation (...) ". Aux termes de l'article R. 776-4 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le délai de recours contentieux contre les décisions mentionnées à l'article R. 776-1 en cas de placement en rétention administrative ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est de quarante-huit heures. Ce délai court à compter de la notification de la décision par voie administrative (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
3. Il ressort des pièces du dossier que si l'arrêté du 11 septembre 2019 portant assignation à résidence comportait l'indication des voies et délais de recours et mentionnait à ce titre qu'il était susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux dans un délai de 48 heures, l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français mentionnait pour sa part qu'il était susceptible de faire l'objet d'un tel recours dans un délai de quinze jours à compter de sa notification. Dès lors, M. F... ne pouvait régulièrement se voir opposer de forclusion tirée du non-respect du délai de 48 heures prévu par les dispositions des articles L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 776-4 du code de justice administrative précitées. Par suite, M. F... est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.
4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Poitiers pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. F....
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E... de la somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1902286 du 1er octobre 2019 du vice-président du tribunal administratif de Poitiers est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Poitiers.
Article 3 : L'Etat versera à Me E... une somme de 800 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., au ministre de l'intérieur et à Me C... E....
Copie en sera adressée au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 27 février 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. A... B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2020.
Le président,
Brigitte Phémolant
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19BX04070