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14/05/2020 | FRANCE | N°19BX03956

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 14 mai 2020, 19BX03956


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision du préfet de la Dordogne du 6 décembre 2016 refusant de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement n° 1605426 du 28 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 18BX02222 du 25 juin 2018, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme A... C... contre ce jugement.

Par une

décision n° 427654 du 21 octobre 2019, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision du préfet de la Dordogne du 6 décembre 2016 refusant de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement n° 1605426 du 28 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 18BX02222 du 25 juin 2018, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme A... C... contre ce jugement.

Par une décision n° 427654 du 21 octobre 2019, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par sa requête, enregistrée le 1er juin 2018, Mme A... C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 mars 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2016 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de procéder au réexamen de sa situation personnelle et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen personnel de sa demande ;

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, l'intéressée n'ayant pas été mise à même de présenter des observations préalablement à son édiction en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle justifie de ressources suffisantes pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant européen ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par une ordonnance du 22 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 janvier 2020 à 12 heures.

Le préfet de la Dordogne a produit un mémoire, enregistré le 4 février 2020, qui n'a pas été communiqué.

Mme A... C... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les observations de Me D..., représentant Mme A... C... épouse B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... A... C... épouse B..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1984, déclare être entrée en France le 17 février 2014, munie d'une carte de séjour espagnole en cours de validité, avec son époux de nationalité espagnole et leurs quatre enfants. Après l'obtention d'une carte de séjour temporaire, valable jusqu'au 6 septembre 2016, en qualité de conjointe d'un citoyen européen sur le fondement du 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle a sollicité, le 11 juillet 2016, le renouvellement de son titre de séjour en France. Par un arrêté du 6 décembre 2016, le préfet de la Dordogne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour. Par un jugement n° 1605426 du 28 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une ordonnance n° 18BX02222 du 25 juin 2018, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement. Par une décision n° 427654 du 21 octobre 2019, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et a renvoyé l'affaire devant la cour.

2. L'arrêté du 6 décembre 2016 vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment ses articles L. 121-1 à L. 121-5, L. 313-11 et R. 121-1 à R. 122-5, l'accord franco-marocain et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne les éléments pertinents de la situation personnelle et familiale de Mme B..., notamment la date et les conditions de son entrée en France, les démarches effectuées en vue de régulariser sa situation et justifie le défaut de caractère stable et suffisant de ses ressources et l'absence d'atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Il énonce ainsi les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Selon l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Dordogne n'aurait pas respecté la procédure contradictoire prévue par les articles précités du code des relations entre le public et l'administration avant de refuser à Mme B... le renouvellement de son titre de séjour est inopérant. La circonstance que Mme B... n'ait pas demandé l'obtention d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que le préfet a examiné les conditions d'application de cet article n'a pas d'incidence sur la régularité de la procédure.

4. Il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Dordogne n'aurait pas procédé à un examen personnel de la situation de Mme B.... La circonstance que l'arrêté ne mentionne pas la naissance du 5ème enfant de Mme B..., que cette dernière n'a d'ailleurs pas déclaré dans sa demande de renouvellement de son titre de séjour du 11 juillet 2016, n'est pas de nature, à elle seule, à caractériser un tel défaut d'examen.

5. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° S'il est un (...) conjoint (...) accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) ". Aux termes de l'article R. 121-4 du même code : " (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles (...). / La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant espagnol, n'exerçait, à la date de la décision attaquée, aucune activité professionnelle. La production par Mme B... d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de peintre à compter du 6 février 2017 et de bulletins de paye de février 2017 à mars 2018 ne permet pas de remettre en cause l'appréciation du préfet de la Dordogne quant à l'absence d'activité professionnelle de M. B... à la date de l'arrêté attaqué. En outre, Mme B... ne conteste pas les mentions de l'arrêté selon lesquelles M. B... a quitté l'entreprise pour laquelle il travaillait le 10 juin 2016 et qu'il a perçu une aide au retour à l'emploi qui a pris fin le 30 septembre 2016. A supposer même que M. B... percevait, à la date de la décision attaquée, le revenu de solidarité active et l'allocation logement, ces prestations sociales non contributives constituaient ses seules ressources. Par suite, c'est à bon droit que le préfet de la Dordogne a estimé qu'à la date de la décision attaquée, M. B... constituait une charge pour le système d'assistance sociale. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour méconnaîtrait les dispositions précitées des articles L. 121-1 et R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

8. Mme B... est mariée avec un ressortissant espagnol et est mère de cinq enfants issus de cette union. Si elle soutient que la vie privée et familiale ne pourrait se poursuivre en Espagne, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a déclaré être entrée en France en février 2014, à l'âge de trente ans, sous couvert d'une carte de séjour espagnole en cours de validité et que son mari et ses cinq enfants ont la nationalité espagnole. La circonstance que ses enfants soient scolarisés en France ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au sens du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. La décision contestée n'a pas, par elle-même, pour effet de séparer les enfants mineurs de leur mère. Par suite, cette décision ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur des enfants de Mme B... et c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2016. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme F... A... C... épouse B....

Copie en sera transmise au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 19BX03956


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03956
Date de la décision : 14/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : AMBLARD FABRICE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-14;19bx03956 ?
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