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14/05/2020 | FRANCE | N°19BX03859

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 14 mai 2020, 19BX03859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à tout le moins de procéder à un réexamen de sa situation.

Par

un jugement n° 1900735 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à tout le moins de procéder à un réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 1900735 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 octobre 2019, le 10 décembre 2019, le 19 décembre 2019, le 14 janvier 2020 et le 25 janvier 2020, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 juin 2019 ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, le mémoire qu'elle a produit le 6 mai 2019 postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue le 11 avril 2019 n'ayant pas été visé ;

- en se fondant sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 le préfet a méconnu le champ d'application de la loi ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dès lors qu'un défaut de prise en charge médicale l'expose à un horizon temporel proche à un risque de mise en jeu de son pronostic vital et qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors que sa demande devait être examinée par l'agence régionale de santé et non par l'OFII ;

- en s'estimant lié par l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- la décision portant refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... C...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... A..., ressortissante camerounaise née en 1960, a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 30 juin 2016. Par un arrêté du 28 décembre 2018, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Mme A... relève appel du jugement du 13 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a adressé un mémoire en réplique au tribunal administratif de Toulouse après la clôture de l'instruction fixée au 11 avril 2019, lequel a été enregistré au greffe du tribunal le 6 mai 2019, avant l'audience publique du 13 juin 2019. Les visas du jugement attaqué ne font pas mention de ce mémoire. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir qu'il est entaché d'une irrégularité et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence. (...) ".

5. En vertu du VI de l'article 67 de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans leur rédaction issue du 3° de son article 13 ne s'appliquent qu'aux demandes de titre de séjour présentées à compter du 1er janvier 2017.

6. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme A..., présentée ainsi qu'il a été dit le 30 juin 2016, le préfet a fait application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans leur rédaction issue du 3° de l'article 13 de la loi du 7 mars 2016. S'il soutient que la demande de Mme A... relevait des nouvelles dispositions de l'article L. 313-11 11° en se prévalant de pièces nouvelles que Mme A... auraient produites pour compléter son dossier le 15 mai 2017, soit postérieurement à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, il ressort cependant des pièces du dossier qu'il disposait d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé, obtenu dans le cadre de l'instruction initiale du dossier dès le 5 juillet 2016 et que cet avis indiquait que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité sans qu'elle puisse bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine. Ainsi, et alors que dans les circonstances de l'espèce, l'avis du collège des médecins de l'OFII émis le 24 novembre 2017, lequel a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine, ne peut apparaître comme une garantie donnée à l'intéressée, Mme A... est fondée à soutenir que le préfet a entaché sa décision portant refus de titre de séjour d'erreur de droit et à en demander l'annulation.

7. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler également les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

8. Le présent arrêt implique seulement, eu égard à ses motifs, que le préfet procède à une nouvelle instruction de la demande de Mme A.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E... de la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900735 du 13 juin 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 28 décembre 2018 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder à une nouvelle instruction de la demande de Mme A... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me E... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A..., au ministre de l'intérieur et à Me D... E....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 27 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. B... C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2020.

Le président,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX03859


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03859
Date de la décision : 14/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-14;19bx03859 ?
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