Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 février 2019 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a décidé sa remise aux autorités suédoises responsables de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1900507 du 14 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 19 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt
à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer
sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme
de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- il a déclaré avoir été débouté de sa demande d'asile en Suède lors de l'entretien individuel à la préfecture de police de Paris ; en saisissant les autorités suédoises sur le fondement du b) du 1. de l'article 18-1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, et non
du d) du même article, l'administration n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation et a commis une erreur de droit ;
- dès lors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par l'Office national des migrations de Suède et qu'il fait l'objet d'une mesure d'éloignement, c'est à tort que le premier juge a estimé que l'arrêté de transfert n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement 604/2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision
du 13 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., de nationalité afghane, s'est présenté le 21 novembre 2018 à la préfecture de police de Paris pour solliciter l'asile. L'examen de ses empreintes digitales a révélé qu'il avait présenté une demande d'asile en Suède le 4 janvier 2016. Le 4 décembre 2018, les autorités suédoises ont donné leur accord pour le reprendre en charge. Par un arrêté du 19 février 2019,
le préfet des Deux-Sèvres a décidé sa remise aux autorités suédoises. M. D... relève appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. L'intéressé ayant été déclaré en fuite à défaut de s'être présenté à l'embarquement à destination de la Suède, le délai d'exécution de l'arrêté a été prolongé jusqu'au 4 juin 2020, et la requête n'est pas dépourvue d'objet.
2. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / (...) / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur
dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État
membre ; / (...) / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. / 2. Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, points a) et b), l'État membre responsable est tenu d'examiner la demande de protection internationale présentée par le demandeur ou de mener à son terme l'examen. / (...) Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, point d), lorsque la demande a été rejetée en première instance uniquement, l'État membre responsable veille à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d'un recours effectif en vertu de l'article 46 de la directive 2013/32/UE. ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que les autorités suédoises ont accepté la reprise en charge de M. D... sur le fondement du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, correspondant à la situation de l'intéressé dont la demande d'asile avait été rejetée. La circonstance que les services de la préfecture de police de Paris ont saisi ces autorités sur le fondement du b) du même paragraphe est sans incidence sur la régularité de la procédure préalable à l'édiction de l'arrêté du 19 février 2019, et au surplus, ne saurait caractériser un défaut d'examen particulier de la situation de M. D..., lequel était à l'origine du fondement erroné de la saisine des autorités suédoises dès lors que contrairement à ce qu'il soutient, il avait déclaré, lors de l'entretien individuel, n'avoir jamais demandé l'asile dans un pays de l'Union européenne.
4. Tant l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne stipulent : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou
traitements inhumains ou dégradants ". Par ailleurs, selon l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable
de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ". L'article 17 du même règlement précise : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...)". La faculté laissée à chaque Etat membre, par les dispositions précitées, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le même règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
5. M. D... soutient que le préfet des Deux-Sèvres a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire et en décidant son transfert, alors qu'il fait l'objet en Suède d'une mesure d'éloignement exécutoire en raison du rejet définitif de sa demande d'asile et risque d'être réacheminé vers l'Afghanistan, où il serait exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, l'arrêté attaqué a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Suède, Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. D... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Suède dans la procédure d'asile ou que les juridictions suédoises n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités de cet Etat n'évalueraient pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de M. D..., les risques auquel il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, c'est à bon droit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a écarté les moyens tirés par l'appelant de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement 604/2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 11 février 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme A... C..., présidente-assesseure,
M. Thierry Sorin, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 mai 2020.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02701