Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1901477 du 24 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2019, M. A... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles suivantes :
- Le droit de l'Union, et plus particulièrement les articles 5 et 6 de la directive 2008/115/CE lus en combinaison avec les articles 1, 4, 19.2 et 41 de la Charte des droits fondamentaux, doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle un étranger ressortissant d'un pays tiers en situation irrégulière ne bénéficie pas du droit d'être entendu au motif que la décision de retour a été prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié '
- En cas de réponse négative, quel est, pour un étranger ressortissant d'un pays tiers en situation irrégulière devant faire l'objet d'une décision de retour prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié, le contenu du droit d'être entendu défini par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux '
2°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau du 24 septembre 2019 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 du préfet des Pyrénées-Atlantiques ;
4°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées Atlantiques de procéder au réexamen de sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- en méconnaissance du droit d'être entendu, il n'a pas été mis à même de présenter des observations préalablement l'édiction de la décision attaquée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l 'entrée et du séjour des étrangers et du droit d 'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 janvier 2020, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevé n'est fondé.
Par une ordonnance du 17 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 3 février 2020 à 12 h 00.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant nigérian né le 14 février 1978, est entré en France le 11 novembre 2016 selon ses déclarations. La demande d'asile qu'il a présentée le 1er septembre 2017, a été rejetée par une décision de 1'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 mars 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 avril 2019. Par arrêté du 13 juin 2019, le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision contestée, après avoir visé les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile rappelées au point 1, se fonde sur ce que M. A..., après un examen attentif de sa situation, ne peut prétendre à l'obtention de plein droit d'un titre de séjour en l'absence de tout élément établissant qu'il relève de l'une des catégories du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissant la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, et sur ce qu'il n'est pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France où il est entré à l'âge de 38 ans, du défaut d'indications selon lesquelles la France constituerait le centre exclusif de ses attaches familiales et de la présence d'attaches familiales dans son pays d'origine. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques, qui n'était pas tenu de préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments tenant à la situation de M. A..., a ainsi exposé les considérations sur lesquelles il s'est fondé pour prendre sa décision. Dès lors, cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En deuxième lieu, dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. L'étranger qui présente une demande d'asile ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.
5. La situation de M. A... entre dans le champ des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a donc été mis à même de présenter ses observations lors de la procédure d'asile le concernant. Dès lors, le droit d'être entendu avant toute mesure d'éloignement n'a pas été méconnu.
6. En troisième lieu, comme l'a indiqué à bon droit le premier juge, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, laquelle n'a ni pour objet ni pour effet de contraindre l'intéressé à retourner dans son pays d'origine.
7. En quatrième lieu, si M. A... soutient que la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'assortit pas davantage en appel qu'en première instance ce moyen de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Ce dernier texte stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "
9. M. A... soutient qu'il encourt un risque en cas de retour au Nigéria en raison de son orientation sexuelle à cause de laquelle il a été molesté par des individus dans une chambre d'hôtel, que son partenaire est décédé des suites de ses blessures, et qu'après deux jours de coma dans un hôpital, il a pu s'enfuir avec l'aide de sa mère en dépit de la présence d'agents de police qui attendaient son rétablissement pour procéder à son arrestation. Toutefois, les pièces qu'il produit à l'appui de ses allégations, à savoir un compte rendu d'hospitalisation du 20 mars 2017 dans lequel le médecin référent du centre hospitalier de Cadillac se borne à retracer les propos qu'il a tenus, une attestation du 19 juin 2019 du président de l'association LGTB Les Bascos qui reprend les déclarations faites par l'intéressé lui-même et une lettre du 3 octobre 2019 de l'ancien coordinateur social de cette association, ne permettent pas de retenir comme établie l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour au Nigéria. Si M. A... a également produit une lettre du 13 novembre 2016 par laquelle les services de police de Benin City ont demandé à sa mère de s'y présenter chaque semaine au motif qu'il est recherché en raison de sa violation d'une loi proscrivant l'homosexualité au Nigéria, ce document ne démontre pas davantage que les recherches engagées à son encontre sont toujours actuelles. Dès lors, M. A... ne justifie pas qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit au point 1, sa demande d'asile a été rejetée par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2019. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 10 février 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mars 2020.
Le rapporteur,
Karine C...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX03943 2