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12/03/2020 | FRANCE | N°19BX03173,19BX03179

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 12 mars 2020, 19BX03173,19BX03179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1806174 du 22 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 24 octobre 2018 et enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A... un titre de séj

our portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

I°) Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1806174 du 22 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 24 octobre 2018 et enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 14 août 2019 sous le n° 19BX03173, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du 22 juillet 2019 et de rejeter la demande portée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que les soins nécessaires à l'état de santé de M. A... sont disponibles en Géorgie, et M. A... ne démontre pas qu'il ne pourra recréer une relation de confiance avec les professionnels de santé de son pays.

Par un mémoire en défense et un mémoire en production de pièce, enregistrés les 19 novembre et 10 décembre 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

- de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;

- de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour,

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- l'avis du collège de médecins a été rendu sans délibération collégiale ;

- la décision méconnaît l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, en ce que le même avis, portant deux dates différentes, est signé par l'apposition d'images de signatures sans que les dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 aient été respectées ;

- l'avis du médecin de l'ARS du 1er janvier 2017 concluait que le traitement n'était pas disponible en Géorgie ;

- outre la disponibilité effective de son traitement, il doit pouvoir bénéficier d'un suivi spécialisé multidisciplinaire continu ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français,

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par ordonnance du 20 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 décembre 2019 à 12 heures.

II°) Par une requête, enregistrée le 14 août 2019 sous le n° 19BX03179, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2019, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de cette demande de sursis à exécution.

Par ordonnance du 20 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 décembre 2019 à 12 heures.

Par décision du 21 novembre 2019, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier .

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnées aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... A..., de nationalité géorgienne, est entré irrégulièrement en France, selon ses dires, en 2015, et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, qui lui a été refusée par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 29 juin 2016, confirmé par le tribunal administratif de Toulouse dans un jugement n° 1604049 du 12 septembre 2016.

2. Le 14 septembre 2016, il a sollicité son admission au titre de l'asile mais cette demande a été déclarée irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 septembre 2016.

3. Le 21 septembre 2016, le préfet de la Haute-Garonne a de nouveau refusé la délivrance d'un titre de séjour étranger malade à l'intéressé mais, par un jugement n° 1604998 du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé l'annulation de ce refus et a enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Toutefois, par un arrêt n° 18BX03820-n°18BX03821 du 17 avril 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et, par la voie de l'effet dévolutif, a rejeté la demande portée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

4. Par arrêté du 24 octobre 2018, le préfet de la Haute-Garonne a, une nouvelle fois, rejeté la demande de M. A..., présentée le 28 novembre 2017, de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Le préfet relève appel du jugement du 22 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

5. Les requêtes n° 19BX03173 et n° 19BX03179 sont relatives à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ".

7. L'avis du 12 avril 2018 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionne que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et enfin que, au vu de éléments du dossier, l'état de santé de l'intéressé lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine. Pour contester cette affirmation, le requérant produit les certificats et attestations d'un médecin psychiatre, d'un interne à l'hôpital Lagrave de Toulouse et d'une psychologue, en date des 23 novembre 2018, 29 novembre 2019 et 18 décembre 2018, qui décrivent ses pathologies et les soins mis en place, et concluent, pour les premiers, rédigés en termes identiques, " À notre connaissance, il n'existe pas en Géorgie d'accessibilité à de tels soins addictologiques et psychiatriques intégrés. Un retour en Géorgie l'exposerait donc à une rupture des soins intégrés nécessaires, ainsi qu'à être de nouveau exposé à la réémergence d'éléments traumatiques ", et pour la troisième, " À ma connaissance, il n'existe pas d'accessibilité à de tels soins addictologiques et psychologiques dans son pays d'origine. Il semblerait aussi que la Géorgie présente une politique répressive pour les personnes ayant des traitements psychotropes indispensables à leur stabilité psychique ". Ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins s'agissant de l'existence d'un traitement dans le pays d'origine. Il en est de même du courrier du 29 octobre 2019, adressé à l'intéressé par la clinique Archimède, qui précise que certains médicaments dont il donne la liste ne sont pas accessibles en Géorgie, dès lors qu'il n'est ni établi ni même soutenu qu'il n'existerait pas un traitement équivalent pour traiter les pathologies de M. A... en Géorgie. L'intéressé produit également un document intitulé " Le droit au séjour pour soins : questions particulières pour les personnes en traitement de substitution ", qui mentionne qu'en Géorgie notamment, la méthadone et le BHD " ne sont pas disponibles ou le sont dans des conditions ne permettant pas un traitement approprié en termes de structures, équipements et personnels " mais ce document est contredit par la fiche établie sur la Géorgie par le " Medical Country of Origin Information " dont il ressort, notamment, que sont disponibles en Géorgie pour traiter l'addiction aux opiacés plusieurs spécialités médicamenteuses, dont la méthadone, ainsi qu'une prise en charge psychiatrique et psychologique. Enfin, l'intéressé a produit devant les premiers juges le rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés, qui affirme que le budget affecté en Géorgie aux soins psychiatriques est insuffisant et bénéficie en priorité aux malades hospitalisés et aux soins urgents. Toutefois, l'ensemble des éléments produits par l'intéressé ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la disponibilité des soins dans son pays d'origine, nonobstant la circonstance que, dans son avis du 1er janvier 2017, le médecin de l'agence régionale de santé a conclu à l'indisponibilité des soins en Géorgie. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, dans le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé l'arrêté litigieux au motif que les soins nécessaires au traitement de M. A... n'étaient pas disponible dans son pays d'origine.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse et la cour.

Sur les autres moyens par la voie de l'effet dévolutif :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

9. En premier lieu, la décision contestée mentionne les principaux éléments relatifs à la situation de M. A... depuis son entrée en France en 2015, la teneur de l'avis rendu le 12 avril 2018 par le collège des médecins de l'Office Français de l'immigration et de l'intégration, et les circonstances que l'intéressé ne justifie pas être dans l'impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine, ce dont il ne se prévaut pas par ailleurs, et que, célibataire et sans enfant, il conserve des attaches en Géorgie. Elle est par suite suffisamment motivée, et cette motivation révèle que le préfet s'est livré à un examen sérieux de la situation de M. A....

10. En deuxième lieu, la circonstance que l'arrêté contesté vise le rapport médical établi le 24 janvier 2018 par le Dr Ferjani est une erreur de plume et ne suffit pas à établir que le préfet, en violation du secret médical protégé tant par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que par l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, se serait vu communiquer ce rapport.

11. En troisième lieu, en vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, l'avis du collège des médecins est rendu à l'issue d'une délibération collégiale, qui constitue pour l'étranger une garantie. Lorsque, comme en l'espèce, l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire.

12. En se bornant à produire des captures d'écrans tirées du logiciel de traitement informatique du dossier médical faisant état de la signature par chacun des médecins à des dates différentes, M. A... n'établit pas que l'avis du 12 avril 2018 n'aurait pas donné lieu à une délibération collégiale.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ".

14. M. A... fait valoir que l'avis produit par le préfet de la Haute-Garonne devant le tribunal administratif de Toulouse et celui qui lui a été communiqué portent deux dates différentes, 12 avril pour le premier et 18 avril pour le second, mais que la comparaison des deux avis permet de constater que les signatures sont exactement identiques, ce qui montre que les signatures ont été apposées par voie électronique sans respect des dispositions du I de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005. Toutefois, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives. Le moyen doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

16. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 24 octobre 2018. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. A... tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

18. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 juillet 2019, les conclusions de la requête n° 19BX03179 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19BX03179.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 juillet 2019 est annulé.

Article 3 : La demande portée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de M. A... tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme D..., présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

La rapporteure,

E... Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX03173-19BX03179 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX03173,19BX03179
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-12;19bx03173.19bx03179 ?
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