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12/03/2020 | FRANCE | N°17BX01606

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 12 mars 2020, 17BX01606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1502898 du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2017, M. et Mme F... C..., représentés par Me B...

, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 mar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1502898 du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2017, M. et Mme F... C..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 mars 2007 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'article L. 16 du livre des procédures fiscales n'était pas applicable car la règle du double a été méconnue ; l'administration n'a pas neutralisé les crédits résultant de virements de compte à compte ; elle n'a pas pris en compte la totalité des revenus de M. C... ; elle aurait dû retrancher, des crédits à prendre en compte, la somme de 40 000 euros correspondant à une erreur matérielle et la somme de 20 000 euros correspondant à un virement de compte à compte; ainsi, le montant total des crédits à prendre en compte est inférieur au double des revenus déclarés qui se montent à 235 277 euros compte tenu de la rémunération des heures supplémentaires effectuées par M. C... exonérée d'impôt sur le revenu se montant à 3 208 euros ;

- l'article L. 69 du livre des procédures fiscales n'était pas applicable car elle a apporté des explications détaillées justifiant un grand nombre de crédits bancaires qui proviennent pour la plupart de prêt familiaux et d'avances consenties à sa société qui lui ont été par la suite remboursées et ne peuvent pas être regardés comme s'étant abstenus de répondre aux demandes de justifications ;

- l'administration n'a pas laissé à Mme C... le délai supplémentaire qu'elle a sollicité pour apporter plus de justifications et d'éclaircissements aux demandes de l'administration qui portaient sur 88 opérations bancaires relatives à 7 comptes bancaires différents, et alors qu'elle se trouvait dans une situation de détresse compte tenu de son incarcération entre juillet et décembre 2010 - ce qui ne lui a pas permis, faute notamment d'être en possession de ses documents d'identité, d'obtenir les documents demandés et de recevoir les courriers transmis par lettres recommandées-, de la dépression dont elle a souffert, de l'instance de divorce engagée par son mari, de la vérification de comptabilité dont ont fait l'objet ses deux sociétés liquidées et du conflit qui l'opposait à son expert-comptable qui a commis des erreurs dans la tenue de sa comptabilité ;

- la lettre de mise en demeure du 7 juin 2011 est irrégulière car elle ne permet pas au contribuable de connaître la nature et la teneur des informations à fournir ; la procédure est ainsi entachée d'irrégularité ;

- la majorité des montants retenus comme des revenus non déclarés correspond à des remboursements de dépenses et au paiement de travaux effectués au bénéfice de la société et non de rémunérations ;

- elle a justifié la réalité du prêt familial qu'elle a consenti à Mme E... ; dès lors qu'elle a apporté les éléments laissant présumer l'existence d'un prêt familial, l'administration n'a pas fourni les éléments permettant de renverser cette présomption ; la somme de 8 060 euros doit donc être exclue des revenus d'origine indéterminée ;

- les cadeaux qu'elle a reçus sont des libéralités qui ne présentent pas le caractère d'un revenu imposable.

Par un mémoire enregistré le 8 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une ordonnance du 21 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 février 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... G...,

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009. Le 18 mars 2011, l'administration fiscale lui a demandé des justifications portant sur l'année 2008 relatives à l'origine de différents crédits portés sur ses comptes bancaires. Mme C... a répondu les 23 mai et 1er juin 2011. Estimant ces réponses insuffisantes, l'administration fiscale lui a adressé une mise en demeure le 7 juin 2011 et l'a taxée d'office au titre de l'année 2008 pour revenus d'origine indéterminée en intégrant des sommes figurant au crédit de ses comptes bancaires personnels et de ses comptes courants d'associée. Les réclamations de Mme C... ont été partiellement admises le 14 mars 2014, le 13 mai 2014 et le 21 avril 2015. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 22 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de Mme C... tendant à la décharge des impositions et pénalités demeurées en litige.

Sur la régularité de la procédure d'imposition et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) ".

3. Une somme inscrite au crédit d'un compte bancaire ou d'un compte courant d'un contribuable en exécution d'un virement opéré depuis un autre compte bancaire ou compte courant retenu par l'administration pour sa comparaison ne peut constituer un indice de revenu dissimulé. Par suite, si les dispositions précitées, qui permettent à l'administration de comparer les crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable au montant brut de ses revenus déclarés pour établir l'existence d'indices de revenus dissimulés l'autorisant à demander à l'intéressé des justifications, ne l'obligent pas à procéder à un examen critique préalable de ces crédits, ni, quand elle l'a fait, à se référer comme terme de comparaison aux seuls crédits dont l'origine n'est pas justifiée après le premier examen, elles ne la dispensent pas de neutraliser, afin de déterminer le montant total des crédits à prendre en compte pour procéder à cette comparaison, les virements de compte à compte de l'intéressé.

4. En revanche, s'agissant des remises de chèques, l'administration n'est pas tenue de les extourner des crédits pris en compte, alors même que certaines remises de chèques correspondraient à des versements de compte à compte, dès lors qu'une telle exclusion nécessiterait une analyse critique des relevés bancaires.

5. Il résulte de l'instruction que, lors de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme C..., l'administration a constaté que les sommes portées au crédit des comptes bancaires de Mme C... s'élevaient à 488 454 euros et que les appelants avaient déclaré des revenus à hauteur de 232 069 euros au titre de l'année 2008. Le montant des crédits excédant celui des revenus de plus du double, elle a estimé pouvoir demander des justifications aux intéressés en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales.

6. Ainsi que le font valoir les requérants, la somme de 3 208 euros correspondant à la rémunération des heures supplémentaires effectuées par M. C... durant l'année en litige, et déclarée par ce dernier, même si elle est exonérée d'impôt sur le revenu, doit être prise en compte pour établir le montant des revenus déclarés des requérants. Celui-ci doit par suite être porté à 235 277 euros. Il y a donc lieu de déterminer si le montant total des crédits à prendre en compte pour établir l'existence d'indices de revenus dissimulés atteignait 470 554 euros après neutralisation des virements de compte à compte, de sorte que l'écart constaté par l'administration l'autorisait alors à demander aux requérants des justifications en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales.

7. L'administration a tout d'abord admis de neutraliser un crédit de 5 889 euros, correspondant à un virement d'un compte courant à un compte d'épargne, ramenant ainsi le montant total des crédits non identifiés à prendre en compte à 482 565 euros.

8. Il résulte de ce qui vient d'être rappelé au point 4 que l'administration n'était pas tenue d'exclure un chèque d'un montant de 40 000 euros encaissé le 11 août 2008 sur le compte BPSO n° 4819524448, dès lors qu'une telle exclusion nécessitait une analyse critique du relevé bancaire.

9. En revanche, les requérants justifient d'un virement de compte à compte par la production du relevé bancaire du même compte bancaire mentionnant un débit de 20 000 euros opéré le 30 septembre 2008 indiqué comme étant un " remboursement de prêt Sarl Volubilis " et correspondant à un crédit de même montant enregistré le même jour au compte courant d'associé ouvert au nom de Mme C... dans les écritures de la SARL Volubilis sous le libellé " rembt prêt ". Dès lors que le compte crédité doit être regardé comme un compte de Mme C..., il y a lieu de neutraliser ce virement.

10. Il résulte de ce qui précède que l'administration, abstraction faite des virements de compte à compte, ne pouvait tenir compte que d'un montant total de crédits de 462 565 euros, inférieur au double des revenus déclarés. Cet écart ne l'autorisait pas à adresser aux requérants une demande de justification. Ces derniers sont ainsi fondés à soutenir que la procédure d'imposition a été entachée d'irrégularité et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande en décharge.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. et Mme C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions susvisées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 mars 2017 est annulé.

Article 2 : M. et Mme C... sont déchargés des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils sont été assujettis au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités y afférentes.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... C..., et au ministre de l'action et des comptes publics.

Une copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. D... G..., président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

Le président-assesseur,

Dominique FerrariLe président-rapporteur,

Philippe G... Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 17BX01606 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX01606
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Taxation d'office - Pour défaut de réponse à une demande de justifications (art - L - 16 et L - 69 du livre des procédures fiscales).


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Philippe POUZOULET
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : LEX-PORT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-12;17bx01606 ?
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