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10/03/2020 | FRANCE | N°19BX01040

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 10 mars 2020, 19BX01040


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy, à titre principal, de prononcer la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2007 pour un montant total de 1 081 324 euros et des pénalités correspondantes, subsidiairement, de réduire à 40 % le taux des pénalités. Il a également demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy, à titre principal, de prononcer la décharge des contributions sociales qui lui ont été réclam

ées au titre de 2007 pour un montant total de 743 758 euros et des pénalités correspo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy, à titre principal, de prononcer la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2007 pour un montant total de 1 081 324 euros et des pénalités correspondantes, subsidiairement, de réduire à 40 % le taux des pénalités. Il a également demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy, à titre principal, de prononcer la décharge des contributions sociales qui lui ont été réclamées au titre de 2007 pour un montant total de 743 758 euros et des pénalités correspondantes et, à titre subsidiaire, de réduire à 40 % le taux des pénalités qui lui ont été appliquées.

Par ordonnance du 3 décembre 2013, ces demandes ont été transmises au tribunal administratif de la Guadeloupe.

Par un jugement n° 1301776, 1301777 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 septembre 2015, 23 décembre 2015, 30 mai 2016 et 2 novembre 2016, M. G..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 16 juillet 2015 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) subsidiairement, de prononcer la décharge de la majoration de 80 % pour abus de droit ;

4°) subsidiairement, de prononcer la réduction des prélèvements sociaux à concurrence de 351 837 euros ;

5°) plus subsidiairement, de réduire à 40 % le taux des pénalités qui lui ont été appliquées ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le prix d'acquisition des titres de la société Nextedia n'a pas fait l'objet de minoration ;

- ce prix et la quotité des actions cédées résultent d'un accord juridique du 13 juillet 2005 entre les parties qui les engageait contractuellement en application des articles 1583 et 1179 du code civil, s'agissant d'une vente parfaite, sous condition suspensive ; la procédure pénale pour fraude fiscale diligentée à son encontre, qui a été classée sans suite, le confirme ; le délai qui s'est écoulé entre le 13 juillet 2005 et le 15 décembre 2005 ne résulte que du temps nécessaire à la réalisation de l'opération ;

- le terme de comparaison retenu par l'administration, soit la valeur des titres à la date de l'augmentation de capital de la société Nextedia, n'est pas pertinent car cette valeur traduit, non la valeur réelle des titres à cette date, mais les profits escomptés par la société ESA ;

- l'expertise réalisée à sa demande par le cabinet RSM confirme que le prix de cession des titres de la société Nextedia correspond objectivement à la valeur réelle de ces titres ;

- l'allégation de l'administration selon laquelle la minoration de la valeur des titres aurait eu pour objet le placement dans un PEA est erronée ;

- au moment de l'inscription des titres sur son PEA, la plus-value de revente était hypothétique ;

- postérieurement à la cession des titres en litige, il a effectué des retraits sur son PEA qui ont donné lieu à des prélèvements sociaux faisant double emploi avec les rappels en litige de sorte que dans l'hypothèse où le bien fondé des impositions en litige serait confirmé en appel, il serait en droit d'obtenir la restitution des prélèvements sociaux qu'il a acquittés pour un montant de 351 837 euros ; à cet égard, le débat sur l'origine des sommes prélevées n'a pas lieu d'être ; le PEA étant considéré comme rétroactivement clos au 15 décembre 2005, les banques n'avaient pas à prélever les prélèvements sociaux lors des retraits, quelles que soient les dates de ces retraits et les titres concernés ;

- l'application de la majoration au taux de 80 % n'est pas correctement motivée du fait de l'erreur commise par l'administration dans la citation de l'article 1729 du code général des impôts dans une version qui n'était pas applicable à la date de la proposition de rectification du 6 août 2009 ; cette erreur l'a privé de la possibilité de solliciter l'application du taux de 40 % ;

- en outre, l'application de la majoration de 80 % en lieu et place du taux de 40 % n'est pas justifiée dès lors qu'il n'était pas le seul bénéficiaire de l'abus de droit supposé ;

- la majoration de 80 % méconnaît le droit au respect de la présomption d'innocence garanti par l'article 6 §2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 15BX03093 du 22 décembre 2017, la cour a prononcé la décharge des pénalités en litige résultant de la mise en oeuvre de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, réformé dans cette mesure le jugement n° 1301776, 1301777 du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de la Guadeloupe et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. G....

Par une décision n° 419191 du 28 février 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'article 3 de cet arrêt n° 15BX03093 du 22 décembre 2017 et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour.

Par deux mémoires enregistrés les 25 avril 2019 et 30 juillet 2019, M. G..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) de prononcer la décharge de l'intégralité de l'imposition en litige ;

3°) subsidiairement, de le décharger des prélèvements sociaux litigieux à hauteur de 351 837 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre des frais d'instance.

Il soutient que :

- l'abus de droit suppose un choix délibéré du contribuable d'inscrire des titres sur son plan d'épargne en actions à un prix qu'il sait sous-évalué pour contourner la règle du plafonnement ;

- en l'espèce, il ne pouvait avoir conscience que les titres de la société Nextedia dont il avait négocié le prix en juillet 2005 lui étaient cédés pour une valeur de convenance ; les parties ont considéré qu'une action de la société valait 2 euros, soit déjà le double du nominal des titres de cette société qui venait d'être constituée et qui n'était même pas immatriculée ; à la suite de l'entrée d'un investisseur financier, alors qu'il devait acquérir 10 % du capital pour 80 000 euros, il a négocié de n'être dilué qu'à 9,5 % tout en achetant ses actions pour 82 259 euros ; si le prix payé par l'investisseur financier était beaucoup plus élevé, pour les parties, c'est l'investisseur financier qui surpayait alors ses titres ; il a déposé en ce sens lors de l'enquête judiciaire pour fraude fiscale qui a abouti à un classement sans suite ;

- la cession des actions de la société Nextedia avait pour contrepartie l'acquisition par cette société de 100 % des titres de la société Ad'oc ; ces deux opérations étaient liées et procédaient de diverses négociations incluant plusieurs tiers détenant une part importante de la société Ad'oc ; il est donc matériellement impossible qu'il ait pu convenir d'un prix minoré à seule fin de permettre l'inscription des titres sur son PEA ;

- comptablement, le montant porté au débit du compte espèces du PEA était identique au montant des acquisitions figurant au crédit du compte de titres associé ; il n'y a donc eu aucune entrave au fonctionnement du PEA alors qu'en tout état de cause, aucune règle n'interdit d'inscrire les titres d'une société pour leur prix d'acquisition ;

- la prétendue minoration du prix des titres cédés par les sociétés HLM Net et Flemen ne peut être qualifiée de revenu distribué en l'absence de preuve apportée par l'administration d'un écart significatif entre la valeur vénale et le prix et d'une intention des parties de consentir et de recevoir un avantage ; et lorsque les parties sont des personnes physiques, comme c'est le cas pour les actions cédées par M. B..., aucun texte ne permet d'imposer une minoration de prix en tant que revenu.

Par un mémoire enregistré le 24 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet des conclusions de M. G....

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- à supposer que le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne puisse pas être retenu, il sollicite une substitution de base légale ; l'ensemble des garanties de la procédure contradictoire a été respecté ; conformément à l'article R. 221-111 du code monétaire et financier repris à l'article 91 quater E de l'annexe II au code général des impôts, le débit du compte espèces d'un PEA doit retranscrire le montant des souscriptions ou acquisitions des titres inscrits au compte de titres associé ; or, du fait de la minoration, la valeur des acquisitions litigieuses est supérieure au prix effectivement acquitté qui figure au débit du compte espèces du PEA et ce montant n'est pas concordant avec le montant des acquisitions qui doit figurer au crédit du compte de titres associé ; cette discordance constitue une entrave au fonctionnement du PEA et fait perdre cette qualité au compte de titres concerné ; en tout état de cause, la minoration constitue un revenu qui a transité un instant de raison par le compte en espèces du PEA et ce revenu doit être pris en compte pour l'appréciation du dépassement de la limite légale de versements autorisée.

Par ordonnance du 31 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2019 à 12 heures.

Un mémoire présenté par le ministre de l'action et des comptes publics a été enregistré le 30 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... C...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 mai 2005, la société HLM Net, la société Flemen et M. B... ont créé la société Nextedia, ayant pour objet la communication dans le domaine de l'internet et la communication interactive, constituée par voie d'apports en nature et en numéraire, avec un capital initial de 400 000 euros, détenu par les deux sociétés à hauteur de 46 % chacune et par M. B... à hauteur de 8 %. La valeur nominale des actions a alors été fixée à 1 euro. Le 11 juillet 2005, M. G..., fondateur et associé de la société Ad'oc, ayant pour activité le référencement sur internet, a proposé à M. E..., dirigeant de la société Nextedia, d'acquérir 10 % des parts de la société Nextedia au prix de 80 000 euros, soit 2 euros par action, et de céder à la société Nextedia ses parts et celles de sa mère, soit 36 %, de la société Ad'Oc. Le 9 décembre 2005, la société Nextedia a procédé à une augmentation de capital par l'émission de 70 589 nouvelles actions permettant à un investisseur, la société ESA, d'entrer au capital pour un prix global de 1 500 016 euros, soit un prix de 21,25 euros par action. Le 15 décembre 2005, la société Nextedia a acquis la totalité des titres de la société Ad'Oc et les trois associés fondateurs de la société Nextedia ont cédé à M. G... 44 706 de leurs titres de cette société, représentant 9,5 % du capital, au prix de 82 259 euros, soit 1,84 euro par action. M. G..., qui avait inscrit les titres de la société Nextedia sur son plan d'épargne en actions (PEA) ouvert au Crédit Agricole, les a cédés en juillet 2007 à la société Hachette Filipacchi Médias au prix de 3 725 281 euros, réalisant une plus-value de 3 643 022 euros qu'il n'a pas déclarée en se prévalant des dispositions du 5° bis de l'article 157 du code général des impôts qui exonèrent d'impôt les plus-values sur cession de titres d'un PEA. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration, conformément à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal, a estimé que l'acquisition des titres Nextedia avait été réalisée à un prix sciemment minoré pour permettre à M. G... de bénéficier du régime fiscal applicable aux titres inscrits sur un PEA, alors plafonné à 132 000 euros. Elle a réintégré en conséquence le montant de la plus-value de cession des titres Nextedia au revenu imposable de M. G... de l'année 2007. Il en est résulté des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dont M. G... a demandé la décharge.

2. Le tribunal administratif ayant, par jugement du 16 juillet 2015, rejeté sa demande, le requérant a saisi la cour qui, par un arrêt du 22 décembre 2017, a prononcé la décharge, pour insuffisance de motivation, de la pénalité prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du même code, et, par l'article 3 de l'arrêt, a rejeté le surplus de ses conclusions. Par décision du 28 février 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'article 3 de cet arrêt et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour.

3. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification (...) ". L'administration est fondée, en application de ces dispositions, à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

4. Aux termes de l'article 157 du code général des impôts : " N'entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global : / (....) 5° bis Les produits et plus-values que procurent les placements effectués dans le cadre du plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D (...) ". En application du I de l'article 163 quinquies D du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : Les contribuables dont le domicile fiscal est situé en France peuvent ouvrir un plan d'épargne en actions dans les conditions définies par la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 modifiée. / Chaque contribuable ou chacun des époux soumis à imposition commune ne peut être titulaire que d'un plan. Un plan ne peut avoir qu'un titulaire. /Le titulaire d'un plan effectue des versements en numéraire dans une limite de 132 000 euros (...) ".

5. Il résulte de l'instruction et notamment des nombreux échanges de courriels entre M. G... et M. H... E... produits au dossier que, dès le mois de janvier 2005, M. H... E..., dans le cadre de son projet de création de société, a contacté M. G... en sa qualité de spécialiste du référencement sur internet et que, quelques mois plus tard, le 11 juillet 2005, M. G..., après avoir étudié d'autres propositions financières, a proposé à M. H... E... d'acquérir 10 % des actions de la société Nextedia pour 80 000 euros et de lui céder les parts détenues par lui et sa mère dans la société Ad'oc, cette proposition ayant reçu un accord de M. H... E..., par courriel du 13 juillet suivant, dans lequel il conditionne cet accord par la possibilité d'acquérir 100 % du capital de la société Ad'oc avant la fin de l'année 2005, M. G..., détenteur, avec sa mère, de 36 % du capital de la société Ad'oc, étant chargé de l'accompagner dans les contacts avec les autres actionnaires en vue de l'acquisition des 64 % restants des actions de la société Ad'oc. Les échanges produits traduisent également une poursuite des négociations et discussions concernant notamment les résultats de la société Ad'oc et de ses filiales, son futur statut, le pourcentage de 10 % exigé par M. G... dans le capital de la société Nextedia, qu'il a réduit à 9,5 % après avoir appris la prochaine entrée d'un partenaire financier au capital, le maintien de son niveau de rémunération après le rachat de la société Ad'oc et l'audit de la société Nextedia. Aucun de ces échanges, non plus qu'aucun autre élément de l'instruction, et en particulier les éléments de l'enquête pénale conduite après la plainte pour fraude fiscale engagée par l'administration, laquelle a d'ailleurs abouti à un classement sans suite, ne permet d'estimer que M. G... aurait eu connaissance du prix des actions vendues à la société ESA quelques jours avant que lui soient cédées les parts qu'il a acquises dans la société Nextedia.

6. Il résulte également de l'instruction qu'à l'époque des négociations, la société Nextedia venait d'être constituée et n'avait pas encore une année d'exercice, de sorte que la valeur d'1,84 euro, supérieure à la valeur nominale d'un euro validée par le commissaire aux comptes, n'apparaît pas, par elle-même, anormale. Le dirigeant de la société ESA a déclaré lors de l'enquête pénale que si sa société a acquis les parts émises par la société Nextdia avec une prime d'émission de 20,25 euros, elle avait agi en vue de réaliser un investissement dans un projet risqué mais crédible et de financer le développement de la société Nextedia en phase de création, notamment en lui permettant de racheter la société Ad'oc. Aucun élément de l'instruction ne permet de contredire cette affirmation ni, par suite, d'estimer que le prix payé par la société ESA correspondait à la valeur réelle des titres. Par ailleurs, dès lors que les discussions entre M. G... et M. H... E... étaient entamées dès avant la constitution de la société, qu'elles étaient suffisamment avancées pour qu'en juillet 2005 des éléments chiffrés de négociation aient été échangés par courriel et qu'elles portaient non seulement sur l'achat d'actions par M. G... mais aussi sur le rachat de la société Ad'oc par la société Nextedia, les parties ont pu s'engager sur la base des négociations conduites entre elles, quand bien même leurs échanges par courriels précédant le 15 décembre 2005 ne seraient pas constitutifs d'un accord contractuel, sans que cet engagement traduise une intention de la part de M. G... d'inscrire les titres sur son plan d'épargne en actions à un prix qu'il savait sous-évalué. Ainsi, M. G... ne peut être regardé comme ayant poursuivi un but exclusivement fiscal en entrant le 15 décembre 2005 au capital de la société Nextedia pour un prix excédant de peu celui acquitté par les associés fondateurs.

7. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. G... doit être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe de l'absence de bien-fondé des impositions litigieuses procédant de la constatation par l'administration d'un abus de droit fiscal.

8. L'administration demande, dans l'hypothèse où les impositions ne pourraient être regardées comme légalement établies sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, que soit substituée à cette base légale, celle tirée de l'article 91 quater E de l'annexe II au code général des impôts aux termes duquel, dans sa rédaction applicable : " Les dispositions relatives aux modalités d'ouverture d'un plan d'épargne en actions sont prévues par l'article R. 221-111 du code monétaire et financier ". L'article R. 221-111 de ce code dispose que : " I. - La date d'ouverture du plan d'épargne en actions est celle du premier versement. (...) l'organisme gestionnaire du plan porte au crédit du compte en espèces les versements effectués par le titulaire, le montant des produits en espèces que procurent les valeurs inscrites au compte de titres associé et des avoirs fiscaux ou crédits d'impôt restitués par l'administration, les remboursements ainsi que le montant des ventes de ces valeurs. Il porte au débit du compte le montant des souscriptions ou acquisitions des valeurs inscrites au compte de titres associé et le montant des retraits en espèces. Les frais de gestion peuvent également être portés au débit du compte en espèces. Ce compte ne peut pas présenter un solde débiteur (...) ".

9. M. G... soutient sans être contredit que la somme inscrite au débit du compte espèces du PEA était identique au montant des acquisitions figurant au crédit du compte titres associé. Par ailleurs, à supposer que le prix d'acquisition des titres aurait pu être sous-évalué, cette circonstance ne saurait constituer par elle-même une méconnaissance des dispositions précitées ni valoir, à hauteur de la minoration, versements en numéraire pour l'appréciation de la limite de 132 000 euros prévue par les dispositions précitées de l'article 163 quinquies D du code général des impôts. Par suite, la demande de substitution de base légale ne peut être accueillie.

10. Il résulte de tout ce qui a été dit ci-dessus que M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2007 et des intérêts et pénalités correspondants encore en litige.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. G... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : M. G... est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2007 et des intérêts et pénalités correspondants restant à sa charge.

Article 2 : Le jugement du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à la décharge des impositions et pénalités mentionnées à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : L'Etat versera à M. G... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... C..., président,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

Le président assesseur,

Frédéric Faïck

Le président-rapporteur,

Elisabeth C...

Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX01040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01040
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET BORNHAUSER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-10;19bx01040 ?
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