Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2018, la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires, représentée par le cabinet Simon et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 5 mars 2018 par lequel le maire d'Andilly a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un magasin à l'enseigne " Intermarché " d'une surface de vente de 2 500 mètres carrés, une boutique de 39,99 mètres carrés de surface de vente et un point de retrait d'une emprise au sol de 122,26 mètres carrés comprenant 3 pistes de ravitaillement ;
2°) d'enjoindre au maire d'Andilly de statuer de nouveau sur sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient que :
- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 1er février 2018 est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'est pas établi que les membres de la commission ont reçu communication du dossier dans les conditions prévues par l'article R. 752-35 du code de commerce ;
- les membres de la commission n'ont pas disposé des avis des ministres chargés du commerce et de l'urbanisme qui ont été notifiés postérieurement à l'envoi des convocations et du dossier ;
- la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché son avis d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de fait en estimant que le projet était incompatible avec le schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération du Pays d'Aunis ;
- en estimant que la date de réalisation des aménagements routiers prévus par le projet n'était pas suffisamment certaine, la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché son avis d'une erreur de fait.
La Commission nationale d'aménagement commercial a transmis à la cour le dossier d'instruction de la demande de la société requérante le 13 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... B...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires.
Une note en délibéré présentée par Me C... a été enregistrée le 31 janvier 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Le 1er février 2018, sur saisine de la société La Marandaise, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis un avis défavorable au projet de la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires portant sur la création d'un magasin à l'enseigne " Intermarché " d'une surface de vente de 2 500 mètres carrés, d'une boutique de 39,99 mètres carrés de surface de vente et d'un point de retrait d'une emprise au sol de 122,26 mètres carrés comprenant 3 pistes de ravitaillement à Andilly (Charente-Maritime). Par un arrêté du 5 mars 2018, le maire d'Andilly a refusé de délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale correspondant. La société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires demande l'annulation de cet arrêté du 5 mars 2018.
2. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 752-36 du même code : " Le secrétariat de la commission nationale instruit et rapporte les dossiers. Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. Après audition des parties, il donne son avis sur les demandes ".
3. La Commission nationale d'aménagement commercial a produit une copie du courrier de convocation du 18 janvier 2018, accompagnée d'une attestation de la société Dematis certifiant que cette convocation a été transmise le jour même aux membres de la commission, qui indique que les documents relatifs aux dossiers examinés seront disponibles sur la plateforme de téléchargement 5 jours au moins avant la tenue de la séance, le 1er février 2018. La société requérante n'apportant aucun commencement de preuve contredisant ces éléments, le moyen tiré de ce que les documents prévus par les dispositions précitées n'auraient pas été régulièrement transmis aux membres de la commission doit être écarté.
4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce n'ont pas à être transmis aux membres de la commission en même temps que la convocation et le dossier mentionnés à l'article R. 752-35 précité. Le moyen tiré de ce que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial serait entaché de ce fait d'un vice de procédure doit donc être écarté.
5. Pour émettre un avis défavorable au projet de la société requérante, la Commission nationale d'aménagement commercial s'est fondée sur deux motifs tirés de son incompatibilité avec les dispositions du schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération du Pays d'Aunis, notamment en raison de ce qu'il n'était pas situé dans une zone d'aménagement commercial, et de l'incertitude affectant les conditions de réalisation du " tourne à gauche " devant en permettre la desserte à partir de la RD 20.
6. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code. L'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs. Lorsque l'instruction fait apparaître que, pour satisfaire aux objectifs fixés par le législateur en matière d'aménagement du territoire ou de développement durable, des aménagements sont nécessaires, l'autorisation ne peut être accordée que si la réalisation de ces aménagements à l'ouverture de l'ensemble commercial apparaît suffisamment certaine à la date à laquelle l'autorité administrative se prononce.
7. Il ressort des pièces du dossier que la réalisation du projet litigieux nécessite la construction d'un " tourne à gauche " devant permettre sa desserte par la RD 20, au droit de laquelle il se situe. Par un courrier du 11 juillet 2017, le responsable de l'agence territoriale d'Echillais a émis un avis favorable à " l'esquisse de principe " transmise la société requérante et l'a invitée à renouveler sa demande de permis d'aménager sur cette base. Par un courrier du 24 juillet 2017, le même responsable mentionnait qu'une participation spécifique serait mise à la charge de la société pétitionnaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme et que " un calendrier de travaux concordant doit pouvoir être trouvé entre les parties pour que l'aménagement routier soit achevé avant l'ouverture de la surface commerciale ". A supposer même que ces courriers puissent être regardés comme traduisant un accord de principe de l'autorité gestionnaire de la voirie sur la réalisation de l'aménagement en cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le plan de financement de l'ouvrage ou son calendrier de réalisation aient été arrêtés. Par suite, en estimant que la réalisation de cet aménagement, nécessaire à la desserte du site, n'était pas suffisamment certain, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas entaché son avis d'erreur d'appréciation.
8. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence (...) ".
9. Le document d'aménagement commercial fixe notamment comme premier objectif de procéder à un " rééquilibrage raisonné de l'offre commerciale ", en cohérence avec l'armature urbaine du territoire. A cet effet, il prévoit de renforcer le développement de l'offre existante en surfaces commerciales à " fréquentation hebdomadaire ", dont relève celui en cause, dans les polarités de Surgères, Aigrefeuille, Villedoux, Marans, Ferrières Saint-Sauveur et Courçon, mais ne prévoit pas de développement de cette offre dans la zone d'aménagement commercial d'Andilly, où il admet seulement les nouveaux développements commerciaux répondant à des achats occasionnels lourds ou à des achats exceptionnels dans le cadre d'un projet d'extension de l'offre existante. Par ailleurs, il fixe également comme objectif de maintenir et renforcer les centralités urbaines des pôles structurants et des centre-bourgs et prévoit à ce titre de " réserver les espaces de périphérie à l'accueil d'activités peu compatibles avec une implantation en tissu urbain et de privilégier à cet effet l'accueil de grandes et moyennes surfaces et de commerces de biens lourds (achats occasionnels lourds, exceptionnels) dans les espaces périphériques déjà constitués, notamment sur la polarité de Marans-Andilly " et relève que " l'implantation de moyennes et grandes surfaces alimentaires en périphérie ne contribue pas à la préservation du commerce de proximité de centre-bourg et à la proximité ". Par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'implantation du projet litigieux dans la zone d'aménagement commercial de Bel Air - Andilly méconnaîtrait les orientations fixées pour l'implantation préférentielle des commerces dans la zone d'aménagement commercial et compromettrait à la fois la réalisation de l'objectif de rééquilibrage de l'offre commerciale et l'objectif de préservation des centralités urbaines et des centre-bourgs. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le motif tiré de ce que le projet litigieux serait incompatible avec le schéma de cohérence territoriale, opposé par la Commission nationale d'aménagement commercial, serait entaché d'erreur d'appréciation.
10. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indique l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial, le site d'implantation du projet se situe au sein de la zone d'aménagement commercial dénommée " Bel Air-Andilly " identifiée par le document d'aménagement commercial adopté le 13 mars 2014 et intégré au schéma de cohérence territoriale du Pays d'Aunis. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 1er février 2018 est entaché sur ce point d'une erreur de fait.
11. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait pris la même décision si elle n'avait retenu que les motifs tirés de l'incompatibilité avec le schéma de cohérence territoriale et du caractère incertain des travaux d'aménagements routiers. Par suite, son avis n'est pas entaché d'illégalité.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2018 du maire d'Andilly doivent être rejetées. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires, à la commune d'Andilly et au ministre de l'économie et des finances (Commission nationale d'aménagement commercial).
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. A... B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 février 2020.
Le rapporteur,
David B...Le président,
Marianne Hardy
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18BX01887