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25/02/2020 | FRANCE | N°18BX03755-18BX03825

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 25 février 2020, 18BX03755-18BX03825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Ma Résidence a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté conjoint du directeur général de l'agence régionale de santé d'Aquitaine et du président du conseil général de la Gironde du 10 juillet 2013 constatant la caducité partielle de l'autorisation du 23 juillet 2007 relative à l'extension de l'EHPAD, avec toutes conséquences de droit.

Par un jugement n° 1303254 en date du 20 octobre 20

15, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 15BX04061...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Ma Résidence a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté conjoint du directeur général de l'agence régionale de santé d'Aquitaine et du président du conseil général de la Gironde du 10 juillet 2013 constatant la caducité partielle de l'autorisation du 23 juillet 2007 relative à l'extension de l'EHPAD, avec toutes conséquences de droit.

Par un jugement n° 1303254 en date du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 15BX04061, 15BX04063 du 2 mai 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement sur saisine du département de la Gironde, a rejeté la demande présentée devant le tribunal administratif par la société EHPAD Ma Résidence et a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions du département de la Gironde tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.

Par une décision n° 412057 du 22 octobre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur saisine de la société EHPAD Ma Résidence, a annulé l'arrêt n° 15BX04061, 15BX04063 du 2 mai 2017 et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour :

I°) Sous le n° 18BX03755, par une requête et des mémoires enregistrés les 17 décembre 2015, 22 mars 2016, 7 décembre 2016, 30 janvier 2017, 18 janvier 2019, 3 septembre 2019

et 28 novembre 2019, le département de la Gironde, représenté par Me B..., demande

à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société EHPAD Ma Résidence devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société EHPAD Ma Résidence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal s'est appuyé sur les dispositions, inapplicables, du code de l'action sociale et des familles relatives à l'autorisation de création, alors que l'autorisation en litige porte sur un transfert d'autorisation ;

- le moyen retenu par le tribunal, tenant à ce que la cession d'autorisation n'est pas subordonnée à la vente du fonds de commerce, n'était pas soulevé par la société requérante ;

- le transfert des 23 lits de l'arrêté de cession d'autorisation du 23 juillet 2007 est un élément non détachable du fonds de commerce ; la société EHPAD Ma Résidence n'a eu pour seul objectif que d'agrandir son site d'Yvrac de 23 lits sans jamais se soucier du sort

des 23 personnes âgées hébergées ni de celui du personnel de l'établissement de Pompignac alors qu'elle détenait l'autorisation de gérer ce dernier ; la caducité du projet de vente du fonds de commerce entraîne la caducité de la cession d'autorisation ; le jugement n'a pas tiré les conséquences des changements de circonstances de droit et de fait découlant de la caducité de la vente du fonds de commerce ;

- l'exécution de l'arrêté de cession d'autorisation imposait la gestion des 23 lits

de Pompignac par la SAS Ma Résidence, ce qui n'a jamais été fait ; le jugement est insuffisamment motivé pour n'avoir pas recherché qui était légalement autorisé à exploiter

les 23 lits entre 2007 et 2013 ; la société Ma Résidence n'a jamais contesté l'arrêté de juillet 2013 autorisant le transfert de l'autorisation d'exploiter les 23 lits à une troisième société,

la SAS Le Béquet ;

- l'arrêté n'est pas fondé sur la caducité prévue à l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles, de sorte que le moyen tiré du non-respect de ces dispositions ne peut qu'être écarté ; il existe bien une caducité sans texte, de sorte que la société Ma Résidence ne peut utilement invoquer un commencement d'exécution de l'arrêté de transfert ;

- en tout état de cause, il serait possible de procéder à une substitution de motifs, y compris le cas échéant en application des dispositions régissant la caducité légale des arrêtés d'autorisation ; les 23 lits en cause n'ont en effet jamais été exploités, et la vente du fonds de commerce n'a pas abouti, ce qui prouve l'absence de commencement d'exécution ; quand bien même les travaux d'extension seraient achevés, cette extension demeure inexploitable en l'absence d'autorisation administrative ; le commencement d'exécution des travaux d'extension ne constitue pas le commencement d'exécution de l'arrêté de cession d'autorisation ;

- contrairement à la position soutenue par la société Ma Résidence, le Conseil d'Etat a retenu que l'autorité administrative pouvait constater la caducité d'une décision de transfert d'autorisation en cas de changement dans les circonstances de fait ou de droit empêchant cette dernière de produire ses effets ; or, tel est le cas en l'espèce ; des désaccords sont intervenus entre la société Home du Château Cadouin et la société Ma Résidence dès après la signature de la promesse de vente du fonds de commerce, entravant la réitération de la vente ; cette dégradation a conduit la société Home du Château Cadouin à trouver un nouvel acquéreur, et a conclure un accord de cession le 18 août 2011 portant sur les 23 lits en cause ; à cette date, la société Home du Château Cadouin n'avait ainsi plus l'intention de céder le fonds de commerce à la société Ma Résidence, et a demandé que son autorisation d'exploitation soit transférée à la société Du Becquet, nouvel acquéreur de son fonds de commerce, demande qui a été satisfaite ; les décisions rendues par la juridiction judiciaire constatant la caducité de l'accord initial n'ont fait que consacrer la situation de fait existante ; il est ainsi certain que la cession initialement prévue ne pouvait plus aboutir, de sorte que le transfert d'autorisation était caduc ; la société Ma Résidence reconnaît d'ailleurs l'échec de l'opération commerciale ;

- si une autorisation de transfert ne revêt certes pas un caractère patrimonial, il existe cependant un lien entre les opérations juridiques de cession de fonds de commerce et de transfert d'autorisation ; nier un tel lien reviendrait à permettre à la société EHPAD Ma Résidence la création pure et simple de 23 lits sans avoir eu à supporter la charge de la gestion des 23 lits transférés ;

- une fois prononcée la caducité de la promesse de vente, le fonds de commerce est bien redevenu cessible ; la société Ma Résidence n'a d'ailleurs jamais contesté la vente du fonds de commerce à la société Du Becquet ;

- si la société Ma Résidence reproche à l'administration de s'immiscer dans un litige d'ordre privé, il appartient bien à l'administration de rechercher si une issue favorable était envisageable entre les sociétés s'agissant de la vente du fonds de commerce ;

- le département a invoqué, dans ses écritures contentieuses, la perte d'effet de l'arrêté d'autorisation, ce qui s'apparente clairement à sa perte d'objet.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 septembre 2016, 23 janvier 2017,

4 juin 2019, 3 septembre 2019 et 7 novembre 2019, la société EHPAD Ma Résidence, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du département de la Gironde de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- une autorisation d'exploiter des lits ne revêt pas un caractère patrimonial ; aucune corrélation n'est ainsi possible entre le transfert de cette autorisation et la vente du fonds de commerce, qui porte sur une clientèle et non pas un nombre de lits ; si la nécessité d'obtenir une confirmation des autorisations s'impose suite à la cession du fonds de commerce attaché à un établissement médico-social autorisé, cette obligation résultant de la réglementation est totalement indépendante du sort de la cession du fonds de commerce ; le cessionnaire pourrait ainsi apporter sa propre clientèle sur les lits dont il a obtenu l'autorisation de transfert ; une demande de transfert d'autorisation revient à demander une nouvelle autorisation, et la satisfaction d'une telle demande n'est pas subordonnée à la vente d'un fonds de commerce ;

- la circonstance que les 23 lits litigieux aient continué d'être exploités par la société Home Château Cadouin depuis 2007 est sans incidence sur la réalité du transfert de l'autorisation ;

- la seule cause de caducité est prévue à l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles ; les conditions ne sont pas remplies en l'espèce, dès lors qu'elle a commencé les travaux de construction de nouveaux bâtiments devant accueillir les 23 lits dans le délai de trois ans à compter du 23 juillet 2007 ; elle a ainsi obtenu un permis de construire le 16 juillet 2007 aux fins de réalisation de travaux d'extension, et a déposé le 15 décembre 2008 une déclaration d'ouverture de chantier ; elle a en parallèle conclu des contrats avec les entrepreneurs chargés de la réalisation de ces travaux ; le 20 octobre 2009, la réception du bâtiment été constatée au stade " clos et couvert " ;

- l'autorisation a bien été délivrée conformément à l'article L. 313-4 du code de l'action sociale et des familles, selon la procédure prévue aux articles L. 313-1 à L. 313-9 du même code ;

- la caducité ne peut être prononcée que si l'administration établit que la cession ne peut plus produire d'effets ; en l'espèce, l'administration n'apporte pas la preuve que l'échec de l'opération commerciale est de nature à priver d'effets l'autorisation litigieuse ; compte tenu du commencement d'exécution de l'autorisation, cet acte n'a pas perdu son objet et n'est donc pas caduc ; une fois les travaux réceptionnés, rien ne l'empêchait de développer sa propre clientèle sur les lits supplémentaires objets de l'arrêté d'autorisation de transfert ; l'accord de cession du 18 août 2011, sur lequel se fonde l'administration pour établir que le transfert en cause avait perdu son objet, a été conclu avant que le juge judiciaire ne constate la caducité de la vente du fonds de commerce, lequel n'était dons pas dans le commerce ;

- l'arrêté du 10 juillet 2013 constitue un retrait illégal de l'autorisation accordée par arrêté du 23 juillet 2007 ; s'agissant d'une décision créatrice de droits, elle ne pouvait être légalement retirée au-delà d'un délai de quatre mois suivant son édiction, et sous réserve de son illégalité ;

- le motif de l'arrêté en litige, qui se fonde sur la caducité de la vente pour en tirer la conséquence de la caducité de l'autorisation, est illégal ; le second motif, tenant à l'absence de mise en oeuvre de l'autorisation, est, lui aussi, illégal ;

- la demande de substitution de motifs ne saurait prospérer ; en effet, ce motif n'a jamais été avancé par l'administration, que ce soit en première instance ou en appel, avant la décision du Conseil d'Etat ; le motif tenant à la perte d'objet de l'arrêté est ainsi invoqué tardivement, dans le seul but de sauver l'acte en litige ;

Par un mémoire enregistré le 5 juillet 2019, le ministre des solidarités et de la santé demande à la cour d'annuler le jugement du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux et de rejeter la demande présentée par la société EHPAD Ma Résidence devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Il soutient que :

- l'autorité administrative peut constater la caducité d'une décision de transfert d'autorisation en cas de changement dans les circonstances de droit ou de fait empêchant que la décision produise ses effets ;

- en l'espèce, l'opération de cession du fonds de commerce tenant à l'exploitation de 23 lits ne pouvait plus aboutir, un accord de cession ayant été conclu le 18 août 2011 avec une autre société, qui s'est vue transférer l'autorisation d'exploiter.

II°) Sous le n° 18BX03825, par une requête et des mémoires enregistrés

les 17 décembre 2015, 22 mars 2016, 7 décembre 2016, 30 janvier 2017, 18 janvier 2019,

3 septembre 2019 et 28 novembre 2019, le département de la Gironde, représenté

par Me B..., demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la société EHPAD Ma Résidence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les conditions de mise en oeuvre de l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont réunies.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 septembre 2016, 24 janvier 2017,

4 juin 2019 et 7 novembre 2019, la société EHPAD Ma Résidence, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du département de la Gironde de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les conditions de mise en oeuvre de l'article R. 811-17 du code

de justice administrative ne sont pas réunies.

Par une ordonnance du 29 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 13 décembre 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... A...,

- les conclusions d'Aurélie Chauvin, rapporteur public.

- et les observations de Me C... pour le département de la Gironde et de Me D... pour l'EHPAD Ma Résidence.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ma Résidence exploite à Yvrac un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de cinquante-quatre lits. Par un acte du 29 avril 2005, elle s'est engagée à acheter " le fonds de commerce de 23 lits médicalisés " de la société " Home Château Cadouin ", qui exploitait à Pompignac un établissement pour personnes âgées de 23 lits en vertu d'une autorisation du 6 juillet 1989. Par un acte de vente du 19 avril 2006, la société Home Château Cadouin a vendu le même fonds de commerce à la société Groupe Horus, qui a finalement renoncé aux effets de cet acte de vente le 1er février 2007. Un avenant à l'acte de vente conditionnelle du 29 avril 2005 a été conclu le 8 février 2007 entre les sociétés Ma Résidence et Home Château Cadouin aux fins de nover l'acte de vente conditionnelle du 29 avril 2005, cet avenant prévoyant d'une part une entrée en jouissance au plus tard le 31 décembre 2008 et la reprise tant des contrats d'hébergement que des contrats de travail, à l'exclusion de ceux des gérants de la société venderesse, d'autre part une réitération par acte sous seing privé au plus tard le 31 décembre 2008, et enfin une condition suspensive tenant à l'obtention de l'autorisation administrative de transfert de l'autorisation d'exploiter les 23 lits. Par arrêté conjoint du 23 juillet 2007, le président du conseil général de la Gironde et le directeur de l'agence régionale de santé d'Aquitaine ont accordé à la société Ma Résidence une autorisation d'extension de sa capacité d'accueil pour vingt-neuf nouveaux lits ou places supplémentaires, dont six par création et vingt-trois par transfert de l'autorisation d'exploitation dont la société Home Château Cadouin était titulaire. Par un jugement du 30 mars 2012, le tribunal de commerce de Bordeaux a, sur demande de la société Home Château Cadouin, prononcé la caducité de l'acte de vente conditionnelle du 29 avril 2005 et de son avenant du 8 février 2007, au motif de l'absence de réitération de l'acte authentique alors que la seule condition suspensive, relative à l'obtention par le cessionnaire de l'autorisation administrative de transfert, avait été levée. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel

du 19 février 2013. Par un arrêté du 10 juillet 2013, le président du conseil général de la Gironde et le directeur de l'agence régionale de santé Aquitaine ont constaté la caducité partielle de l'arrêté du 23 juillet 2007 en ce que cet arrêté avait accordé à la société Ma Résidence une autorisation d'extension de vingt-trois lits par transfert d'autorisation. Par un jugement

n° 1303254 du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de la société Ma Résidence tendant à l'annulation de cet arrêté du 10 juillet 2013. Par un arrêt

n° 15BX04061, 15BX04063 du 2 mai 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur l'appel du département de la Gironde, annulé ce jugement, rejeté la demande présentée par la société EHPAD Ma Résidence devant le tribunal administratif de Bordeaux et prononcé un non-lieu à statuer sur la requête du département de la Gironde tendant à ce qu'il soit sursis

à l'exécution de ce même jugement. Le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur saisine de la société Ma Résidence, a annulé cet arrêt par une décision n° 412057 du 22 octobre 2018

et renvoyé l'affaire à la cour.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige, reprise pour partie à l'article D. 313-7-2 du même

code : " La création, la transformation ou l'extension des établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1 sont soumises à autorisation, sous réserve des dispositions de

l'article L. 313-1-1. / (...) / Toute autorisation est caduque si elle n'a pas reçu un commencement d'exécution dans un délai de trois ans à compter de sa date de notification. / Lorsque l'autorisation est accordée à une personne physique ou morale de droit privé, elle ne peut être cédée qu'avec l'accord de l'autorité compétente concernée. / (...) ". L'article D. 313-7-2 du même code précise que le commencement d'exécution " correspond à tout élément

de réalisation tendant à rendre l'autorisation effective ". L'article L. 312-1 du même code dispose que : " I. - Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : / (...) 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'accord donné par l'autorité compétente au transfert, par " cession ", d'une autorisation de création, de transformation ou d'extension d'établissements et services sociaux et médico-sociaux cesse de produire ses effets, tout comme l'autorisation initiale elle-même, s'il n'a pas reçu un commencement d'exécution dans un délai de trois ans. En outre, une telle décision peut perdre son objet, lorsqu'en raison d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, tel qu'une cessation d'activité, elle ne peut plus produire d'effets, ce que l'administration est en droit de constater. En revanche, ni l'attribution ni le maintien de l'autorisation de " cession " ne sont, en eux-mêmes, subordonnés à la seule existence ou poursuite d'un contrat entre le précédent titulaire de l'autorisation et le nouveau, stipulant les conditions effectives de la cession, lequel peut être conclu à tout moment.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 10 juillet 2013 constatant la caducité partielle de l'arrêté du 23 juillet 2007 en ce que cet arrêté avait accordé à la

société Ma Résidence une autorisation d'extension de vingt-trois lits par transfert d'autorisation est fondé, d'une part, sur le changement dans les circonstances de fait et de droit résultant de la " caducité judiciaire " de l'acte de vente du 29 avril 2005, d'autre part, sur l'absence d'exécution de l 'arrêté de transfert d'autorisation à l'issue d'un délai " raisonnable " de

six ans.

5. Or, d'une part, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la caducité prévue par l'article L. 313-1 précité du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au présent litige, réside dans l'absence de commencement d'exécution dans un délai de trois ans suivant la notification de l'autorisation, et non dans l'absence d'exécution dans un " délai raisonnable ". D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt que la caducité du contrat de cession de fonds de commerce conclu entre la société Ma Résidence et la société Home Château Cadouin n'entraîne pas nécessairement, à elle-seule, la caducité de l'accord donné à la cession de l'autorisation d'exploitation. Il s'ensuit que l'arrêté

du 10 juillet 2013 en litige repose sur des motifs entachés d'erreur de droit, ce que le département de la Gironde ne conteste d'ailleurs plus dans ses dernières écritures.

6. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Devant la cour, le département de la Gironde sollicite une substitution de motifs en relevant, notamment, que l'accord donné, par arrêté du 23 juillet 2007, à la cession de l'autorisation d'exploitation de 23 lits dont la société Home Château Cadouin était alors titulaire, n'était plus susceptible, à la date du 10 juillet 2013, de produire d'effets, et avait ainsi perdu son objet à cette date. Il est constant qu'à la date d'édiction de l'arrêté du 10 juillet 2013,

non seulement l'acte de vente du fonds de commerce de la société Home Château Cadouin avait été déclaré caduc par l'autorité judiciaire en raison du refus de la société Ma Résidence de réitérer la vente malgré la levée de l'unique condition suspensive à laquelle cette vente était subordonnée, mais encore que la société Home Château Cadouin avait conclu dès

le 18 août 2011 un acte de vente portant sur ce même fonds de commerce avec une société tierce. Ainsi, à la date de l'arrêté en litige, l'opération initialement prévue par les sociétés Ma Résidence et Home Château Cadouin n'avait plus aucune chance de se réaliser. La société intimée

a au demeurant convenu de " l'échec de l'opération commerciale " et ne peut utilement se prévaloir du caractère non patrimonial d'une autorisation administrative. Il y a ainsi lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs présentée devant la cour par le département de la Gironde, laquelle n'a pas pour effet de priver la société Ma Résidence d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. Enfin, compte tenu de ce qui vient d'être dit, l'arrêté litigieux ne constitue pas un retrait d'autorisation. Est ainsi inopérant le moyen tiré de l'illégalité de ce prétendu retrait.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité

du jugement, le département de la Gironde est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté conjoint du directeur général de l'agence régionale de santé d'Aquitaine et du président du conseil général de la Gironde

du 10 juillet 2013.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

10. Le présent arrêt statue sur l'appel du département de la Gironde tendant à l'annulation du jugement du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux.

Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département de la Gironde, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par

la société Ma Résidence et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département de la Gironde et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société EHPAD Ma Résidence devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : La société EHPAD Ma Résidence versera au département de la Gironde une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 18BX03825 du département de la Gironde.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société EHPAD Ma Résidence, au département de la Gironde et au ministre des solidarités et de la santé. Copie en sera adressée à l'ARS Nouvelle-Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, président-assesseur,

Mme E... A..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 février 2020.

Le rapporteur,

Marie-Pierre Beuve A...Le président,

Catherine Girault

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03755, 18BX03825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03755-18BX03825
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Application dans le temps - Caducité.

Aide sociale - Institutions sociales et médico-sociales - Dispositions spéciales relatives aux établissements privés - Autorisation de création - de transformation ou d'extension.

Santé publique - Divers établissements à caractère sanitaire - Etablissements accueillant des personnes âgées.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-25;18bx03755.18bx03825 ?
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