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24/02/2020 | FRANCE | N°19BX04545,19BX04853

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 24 février 2020, 19BX04545,19BX04853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d'entreprise de la société Centre martiniquais de santé et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 26 avril 2019 par laquelle la directrice des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Martinique a homologué le document unilatéral présenté par Me B..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Centre martiniquais de santé, relatif à son projet de licenciement collectif pour mo

tif économique .

Par un jugement n° 1900378 du 26 septembre 2019, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d'entreprise de la société Centre martiniquais de santé et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 26 avril 2019 par laquelle la directrice des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Martinique a homologué le document unilatéral présenté par Me B..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Centre martiniquais de santé, relatif à son projet de licenciement collectif pour motif économique .

Par un jugement n° 1900378 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 26 avril 2019 de la directrice des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Martinique.

Procédures devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2019, sous le n° 19BX04545, , le ministre du travail demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 26 septembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par le comité d'entreprise et M. D....

Elle soutient que :

- la consultation du comité d'entreprise n'est pas entachée d'irrégularité ; dès lors qu'il y avait ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, les difficultés économiques étaient évidentes ; en outre, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, l'employeur peut ne prononcer un licenciement économique que sur la base d'un seul des motifs qu'il a avancés ; en l'espèce, en présentant au comité d'entreprise des éléments ayant trait à la seule perte de compétitivité, il ne peut être soutenu que le motif économique n'y était pas contenu, ce qui constituerait de toutes façons une remise en question de la nature même du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ;

- le moyen relatif au caractère restrictif des catégories socio-professionnelles doit être rejeté, car il n'est pas démontré que les catégories contestées puissent se justifier autrement que par la nature des tâches assurées par les salariés et des formations suivies ;

- s'agissant du moyen relatif à l'absence de débat contradictoire avec les instances représentatives du personnel, la décision attaquée indique que les salariés ont été reçus, par le biais de l'avocat les représentant, le 27 février 2019.

Par un mémoire en défense et un mémoire compélmentaire, enregistré les 10 et 30 janvier 2020, le comité d'entreprise de la société Centre martiniquais de santé et M. A... D..., représentant du personnel, représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par le ministre du travail ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2020, la société Centre martiniquais de santé, la société AJ Associés, administrateur judiciaire du Centre martiniquais de santé et la SELARL Montravers Yang-Ting, mandataire judiciaire du Centre martiniquais de santé, représentés par la SELARL Berte etAssociés, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement précité du tribunal administratif de la Martinique du 26 septembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge du comité d'entreprise de la société Centre martiniquais de santé et de M. D..., outre les entiers dépens, la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- le motif économique retenu par la société a été régulièrement présenté lors de la procédure de consultation du comité d'entreprise, elle-même régulièrement effectuée ;

- tant l'administration que les premiers juges ont effectué une appréciation erronée des dispositions du code du travail ; le ministre n'est pas compétent pour contrôler la validité du motif économique et en outre, aucun texte légal ou réglementaire relatif au licenciement économique ne donne une définition du motif économique comme correspondant à une " baisse continue du chiffre d'affaire ", telle qu'elle a été retenue par l'administration et avalisée par le tribunal ;

- elle a fourni au comité d'entreprise tous les éléments utiles pour qu'il émette un avis, à savoir la sauvegarde de la compétitivité du groupe résultant des difficultés économiques de sa filiale, la clinique Sainte-Marie : aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, le motif économique peut résulter d'un ou plusieurs motifs et dès lors que l'un d'eux est établi, l'employeur satisfait à son obligation ; ainsi, en l'espèce, le comité d'entreprise a-t-il eu connaissance des éléments constituant le motif économique ;

- par ailleurs, aucune erreur d'appréciation n'a été commise dans la définition des catégories professionnelles.

II.- Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2019 sous le n° 19BX04853, un mémoire en production de pièces, enregistré le 26 décembre 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 31 janvier 2020, la société Centre martiniquais de santé, la société AJ Associés, administrateur judiciaire du Centre martiniquais de santé et la SELARL Montravers Yang-Ting, mandataire judiciaire du Centre martiniquais de santé, représentés par la SELARL Berte etAssociés, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement précité du tribunal administratif de la Martinique du 26 septembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge du comité d'entreprise de la société Centre martiniquais de santé et de M. D..., outre les entiers dépens, la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le motif économique retenu par la société a été régulièrement présenté lors de la procédure de consultation du comité d'entreprise, elle-même régulièrement effectuée ;

- tant l'administration que les premiers juges ont effectué une appréciation erronée des dispositions du code du travail ; le ministre n'est pas compétent pour contrôler la validité du motif économique et en outre, aucun texte légal ou réglementaire relatif au licenciement économique ne donne une définition du motif économique comme correspondant à une " baisse continue du chiffre d'affaire ", telle qu'elle a été retenue par l'administration et avalisée par le tribunal ;

- elle a fourni au comité d'entreprise tous les éléments utiles pour qu'il émette un avis, à savoir la sauvegarde de la compétitivité du groupe résultant des difficultés économiques de sa filiale, la clinique Sainte-Marie : aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, le motif économique peut résulter d'un ou plusieurs motifs et dès lors que l'un d'eux est établi, l'employeur satisfait à son obligation ; ainsi, en l'espèce, le comité d'entreprise a-t-il eu connaissance des éléments constituant le motif économique ;

- par ailleurs, aucune erreur d'appréciation n'a été commise dans la définition des catégories professionnelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2020, le comité d'entreprise de la société Centre martiniquais de santé et M. A... D..., représentant du personnel, représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du Centre martiniquais de santé la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par la société Centre martiniquais de santé ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de M. E..., représentant le ministre du travail.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupe Kapa Santé, qui exerce ses activités dans le secteur des soins et services hospitaliers, détient 8 établissements dans les départements d'outre-mer et en métropole et employait 992 salariés en 2018. Parmi ses 4 établissements ultramarins figure la clinique Sainte-Marie, gérée par la société Centre martiniquais de santé. Cet établissement employait 173 salariés au 23 juillet 2018. Il a été placée en redressement judiciaire par un jugement du 14 septembre 2018 du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France. Par une décision du 26 avril 2019, la directrice des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Martinique a homologué le document unilatéral élaboré par Me B..., administrateur judiciaire de la société Centre martiniquais de santé, fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, dans le cadre d'un projet de licenciement collectif pour motif économique de 29 salariés. Par un jugement du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a, à la demande du comité d'entreprise de la société et de M. D..., représentant du personnel, annulé la décision du 26 avril 2019 de la directrice des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Martinique, motif pris de l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise prévue par l'article L.1233-30 du code du travail. Par une requête, enregistrée sous le n° 19BX04545, le ministre du travail fait appel de ce jugement. Par une requête, enregistrée sous le n° 19BX04853, la société Centre martiniquais de santé demande également à la cour l'annulation de ce jugement. Ces deux requêtes présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la requête présentée par la société Centre martiniquais de santé :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre ". Les articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 du même code prévoient que le contenu de ce plan de sauvegarde de l'emploi peut être déterminé par un accord collectif d'entreprise et qu'à défaut d'accord, il est fixé par un document élaboré unilatéralement par l'employeur. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " En l'absence d'accord collectif [...], l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié [...] la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ".

3. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 1233-28 du code du travail que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter le comité social et économique. A ce titre, le I de l'article L. 1233-30 du même code dispose, s'agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que : " L'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : 1° l'opération projetée, et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; 2° le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi [...]. Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours ". Aux termes de l'article L. 1233-31 du même code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : 1° la ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ". L'article L. 1233-32 du même code dispose que, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, l'employeur adresse " outre les renseignements prévus à l'article L. 1233-31, [...] le plan de sauvegarde de l'emploi ". Enfin, l'article L. 2312-39 du même code dispose que : " Le comité social et économique est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs. Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi. ".

4. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise, devenu le comité social et économique, a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause. Toutefois, l'administration n'a pas à se prononcer, lorsqu'elle statue sur une demande d'homologation d'un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, sur le motif économique du projet de licenciement collectif, dont il n'appartient qu'au juge du licenciement, le cas échéant ultérieurement saisi, d'apprécier le bien-fondé.

5. Il ressort du document unilatéral élaboré par l'administrateur judiciaire, que le projet de licenciement collectif, au sein de la société Centre martiniquais de santé, était fondé sur deux motifs distincts, tirés des difficultés économiques d'une part, et de la nécessité de sauvegarder la compétitivité d'autre part. Pour annuler la décision attaquée, le tribunal administratif a estimé que le comité d'entreprise n'avait été régulièrement informé que sur ce second motif et que cette omission avait entaché d'irrégularité la procédure d'information et de consultation prévue par l'article L. 1233-30 du code du travail.

6. Cependant, il ressort des pièces du dossier que le comité d'entreprise, réuni à quatre reprises par l'employeur, les 5 et 9 décembre 2018, 9 janvier 2019 et 8 février 2019, a été rendu destinataire d'une note de 57 pages, amendée et enrichie au cours de la procédure d'information-consultation, exposant la structure du groupe Kapa ainsi que de l'établissement concerné par le projet de PSE, puis les raisons motivant le projet de licenciements pour motif économique. La note exposait, à cet égard, les difficultés économiques à la fois au niveau du groupe et du secteur d'activité, et les enjeux liés à la nécessité de préserver la compétitivité tant au niveau de groupe que de la clinique Sainte-Marie, ces éléments littéraux étant accompagnés de diverses données chiffrées, synthétisées notamment sous la forme de tableaux récapitulatifs. Le comité d'entreprise a également été rendu destinataire d'un rapport détaillé de 55 pages remis le 31 janvier 2019 par un cabinet d'expertise-comptable, commis à la demande du comité pour analyser les difficultés économiques de la clinique, proposer des solutions alternatives et évaluer les différentes mesures contenues dans le PSE en vue de proposer des améliorations des mesures. Ce rapport d'expertise comportait de nombreuses données économiques et financières relatives au groupe Kapa, de nombreuses informations relatives à la dégradation de la situation financière de la clinique depuis plusieurs années, ainsi que diverses critiques étayées des conséquences financières et sociales du projet. Par ailleurs, qu'ainsi que l'ont soutenu le comité d'entreprise et M. D..., si l'information du comité d'entreprise en ce qui concerne le motif tiré des difficultés économiques ne saurait se résumer à la seule référence à la procédure de redressement judiciaire, les intéressés ne contestent pas le fait que le jugement de redressement judiciaire, qui comporte nécessairement des données économiques relatives à la clinique concernée, leur a également été communiqué. Enfin, alors qu'il a été réuni quatre fois, le comité d'entreprise n'a jamais formulé la moindre contestation quant au fait, relevé par le tribunal administratif, qu'aucun élément chiffré relatif à une baisse continue du chiffre d'affaires sur les quatre derniers mois de l'année N comparé à l'année N-1 n'ait été fourni, ni n'a, comme il l'aurait pu, sollicité un complément d'expertise comptable, se contentant de critiquer la stratégie du groupe Kapa depuis 2012, à qui il imputait la baisse du chiffre d'affaires constatée depuis plusieurs années consécutives. L'information du comité d'entreprise peut être améliorée tout au long de la procédure d'information-consultation, ce qui a été le cas en l'espèce, de sorte qu'il convient de tenir compte de l'ensemble des documents dont il a été rendu destinataires au cours de cette procédure. Dans ces conditions, l'absence de l'élément d'information relevée par les premiers juges ne suffit pas à laisser considérer que le comité d'entreprise n'aurait pas disposé des éléments nécessaires pour se prononcer en toute connaissance de cause sur le motif tiré des difficultés économiques, alors au demeurant qu'il n'est pas contesté que les informations délivrées sur le second motif invoqué par l'employeur, la sauvegarde de la compétitivité, n'auraient pas été suffisantes.

7. Il s'ensuit que la société Centre martiniquais de santé est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'insuffisance de l'exposé des difficultés économiques devant le comité d'entreprise pour annuler la décision d'homologation du 26 avril 2019.

8. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par le comité d'entreprise et M. D....

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par le comité d'entreprise et M. D... :

9. En premier lieu, si les intéressés contestent la réalité du motif économique avancé par l'employeur, il n'appartient, comme cela a été dit au point 4 ci-dessus, qu'au juge du licenciement individuel de se prononcer sur une telle contestation.

10. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce les institutions représentatives du personnel n'auraient pas été mises en mesure de débattre contradictoirement du projet de licenciement collectif n'est pas étayé des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, comme cela a été dit au point 6 ci-dessus, le comité d'entreprise doit être regardé comme ayant été suffisamment informé des motifs invoqués par l'employeur et comme ayant eu, au moins à quatre reprises, l'occasion de présenter ses observations sur le projet de plan de sauvegarde de l'emploi.

11. En dernier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 1233-24-2 et L. 1233-57-3 du code du travail qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles au sein desquelles des licenciements sont envisagés, de se prononcer, sous le contrôle du juge administratif, sur la légalité de ces catégories professionnelles. Si le comité d'entreprise et M. D... soutiennent que l'administration a commis une erreur d'appréciation en estimant que le document unilatéral répondait aux exigences du code du travail en matière de définition des catégories professionnelles qu'ils estiment " trop restrictives et spécifiques ", il ne ressort pas des pièces du dossier que les 10 catégories concernées par le licenciement, retenues dans ce document, auraient été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Centre martiniquais de santé est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 26 avril 2019 de la directrice des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Martinique homologuant le document unilatéral établi par le Centre martiniquais de santé portant plan de sauvegarde de l'emploi.

Sur la requête présentée par le ministre du travail :

13. Le juge de l'excès de pouvoir ne peut, en principe, déduire d'une décision juridictionnelle rendue par lui-même ou par une autre juridiction qu'il n'y a plus lieu de statuer sur des conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, tant que cette décision n'est pas devenue irrévocable. Il en va toutefois différemment lorsque, faisant usage de la faculté dont il dispose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il joint les requêtes pour statuer par une même décision, en tirant les conséquences nécessaires de ses propres énonciations. (CE, 391925, A)

14. Le présent arrêt, faisant droit à la requête de la société Centre martiniquais de santé, annule le jugement également attaqué par le ministre du travail, faisant ainsi droit à ses conclusions. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête présentée par le ministre.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900378 du 26 septembre 2019 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le comité d'entreprise du Centre martiniquais de santé et par M. D... devant le tribunal administratif et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Centre martiniquais de santé sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19BX04545 présentée par le ministre du travail.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail, à la société Centre martiniquais de santé, à la SELARL Montravers Yang-Ting, mandataire judiciaire du centre martiniquais de santé, à Me B..., administrateur judiciaire de la société Centre martiniquais de santé, au comité d'entreprise de la société Centre martiniquais de santé, et à M. A... D.... Copie en sera adressée à la directrice des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 10 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme Karine Butéri, président-assesseur,

Mme F..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 février 2020.

Le rapporteur,

F...Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°s 19BX04545, 19BX04853


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CONSTANT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 24/02/2020
Date de l'import : 04/03/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX04545,19BX04853
Numéro NOR : CETATEXT000041662795 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-24;19bx04545.19bx04853 ?
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