La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/02/2020 | FRANCE | N°19BX04169

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 18 février 2020, 19BX04169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 août 2019 par lequel le préfet de l'Ariège lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1904650 du 4 octobre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande en annulant l'arrêté du 2 août 2019 et en prescrivant au préfet de réexaminer sa situation.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête enregistrée le 21 octobre 2019, le préfet de l'Ariège demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 août 2019 par lequel le préfet de l'Ariège lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1904650 du 4 octobre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande en annulant l'arrêté du 2 août 2019 et en prescrivant au préfet de réexaminer sa situation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 octobre 2019, le préfet de l'Ariège demande à la cour d'annuler ce jugement n° 1904650 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- le motif d'annulation du jugement confond la motivation et le défaut d'examen sérieux de la situation de l'étranger alors qu'il s'agit de moyens différents ;

- le tribunal ne pouvait se fonder sur la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'obligation de quitter le territoire français ; un tel moyen est inopérant à l'encontre de la mesure d'éloignement ;

- l'arrêté en litige est motivé en droit et en fait ; il comporte en particulier une description détaillée de la situation de M. B... depuis son arrivée en France ; il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir mentionné l'état de santé de M. B... car ses services n'avaient pas connaissance de la situation médicale de ce dernier ; il n'avait pas à examiner les risques auxquels l'intéressé pouvait être exposé en cas de retour en Angola mais seulement en cas de retour au Congo, son pays d'origine ; il ne pouvait non plus examiner la situation de M. B... au regard de son état de santé car il n'était pas informé de la situation médicale de ce dernier ; il a examiné avec sérieux la situation personnelle et familiale de M. B... avant de prendre sa décision.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 décembre 2019, M. B..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau de l'aide juridictionnelle du 28 novembre 2019.

Par une ordonnance du 12 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 décembre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 25 décembre 1972, est entré irrégulièrement en France en janvier 2017, selon ses déclarations, afin d'y déposer une demande d'asile. Celle-ci a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OPFRA) du 29 mai 2018 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 3 juin 2019. Après quoi, le préfet de l'Ariège a pris à l'encontre de M. B... un arrêté du 2 août 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi. Le préfet de l'Ariège relève appel du jugement rendu le 4 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de M. B..., son arrêté du 2 août 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour annuler l'arrêté en litige, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a jugé qu'il ne ressort pas de la motivation succincte de l'arrêté en litige que le préfet aurait procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. B... au regard de l'état de santé de celui-ci et des risques encourus en cas de retour en Angola.

3. Il ressort toutefois des pièces du dossier, comme l'atteste le cachet d'arrivée aux services préfectoraux apposés sur les documents médicaux relatifs à l'état de santé de M. B..., que ces derniers ont été portés à la connaissance du préfet le 23 août 2019, soit postérieurement à la décision contestée. Dans ces conditions, et contrairement à ce qu'a estimé le magistrat désigné du tribunal, il ne saurait être reproché au préfet, au regard des éléments dont ses services avaient connaissance à la date de sa décision, de ne pas avoir apprécié l'état de santé de M. B... avant de prendre l'obligation de quitter le territoire français en litige.

4. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait eu en sa possession des éléments lui permettant de penser que M. B... ne serait pas de nationalité congolaise, l'intéressé ayant au demeurant soutenu qu'il possédait bien cette nationalité tant devant l'OPFRA que devant la CNDA. Dans ces conditions, et alors que c'est la République démocratique du Congo ou tout autre pays dans lequel M. B... serait légalement admissible qui a été désigné comme pays de renvoi, il ne saurait être reproché au préfet de s'être abstenu d'examiner les risques encourus par l'intéressé s'il devait retourner en Angola.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 2 août 2019 au motif que le préfet n'a pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. B....

6. Il appartient à la cour saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. B... à l'encontre de l'arrêté du 2 août 2019 en litige.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, après avoir rappelé que la demande d'asile de M. B... a été rejetée, le préfet a relevé que ce dernier n'entrait dans aucun des autres cas pour lesquels les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient l'attribution d'un titre de séjour et qu'il ne disposait plus, en conséquence, du droit de séjourner en France. Le préfet a également fait état de l'entrée récente de M. B... en France, de la possibilité qu'il conserve de mener une vie familiale dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où réside sa compagne. Ce faisant, le préfet a suffisamment motivé l'obligation de quitter le territoire français en litige. Quant aux éventuelles erreurs factuelles qui, selon le requérant, entacheraient certains des motifs de la décision prise, elles ne constituent pas, par elles-mêmes, un manquement à l'obligation formelle de motivation.

8. En deuxième lieu, il résulte de la motivation de la décision attaquée que le préfet a procédé à un examen circonstancié de la situation de M. B... compte tenu des éléments qu'il avait en sa possession à la date de la décision attaquée.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Comme il a été dit au point 3 le préfet ne disposait, à la date de sa décision, d'aucun élément ayant pu l'alerter sur l'état de santé de M. B.... Dans ces conditions, l'absence de saisine par le préfet de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour apprécier l'état de santé de M. B... préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, est sans incidence sur la légalité de cette décision.

10. En quatrième lieu, à la date de la décision attaquée M. B... justifiait d'un séjour en France d'une durée de deux ans et demi seulement, lié à l'examen de sa demande d'asile. S'il a séjourné sur le territoire français avec ses trois enfants, il ressort des pièces du dossier que ces derniers sont nés à Kinshasa en 2005, 2011 et 2014 et ont vocation à accompagner leur père dans leur pays d'origine où ils auront la possibilité de poursuivre leur scolarité. Par ailleurs, durant son séjour en France exclusivement lié, ainsi qu'il a été dit, à l'instruction de sa demande d'asile, M. B... n'a pas noué des liens personnels présentant un caractère ancien, intense et stable. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... à mener en France une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la teneur des certificats médicaux décrivant l'état de santé de M. B..., que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

12. En sixième lieu, à supposer que le préfet ait commis une erreur de fait en ayant relevé dans sa décision que M. B... a passé la majeure partie de sa vie au Congo, cette circonstance serait en elle-même sans incidence sur l'obligation de quitter le territoire français en litige qui est fondée sur l'absence de droit au séjour en France de l'intéressé.

13. En septième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 10 que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté, la décision n'ayant pas pour objet ou pour effet de séparer les enfants de leur père et n'empêchant pas les enfants de M. B... de poursuivre leur scolarité hors de France.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

14. En premier lieu, le préfet a suffisamment motivé sa décision en précisant que M. B... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et en indiquant que ce retour s'effectuerait en République démocratique du Congo, pays dont il possède la nationalité, ou dans tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible.

15. En deuxième lieu, il ressort des motifs de la décision attaquée et des pièces du dossier, lesquelles ne révèlent pas l'existence d'une difficulté sérieuse quant à la détermination de la nationalité de M. B..., que le préfet a procédé à un examen circonstancié de la situation avant de définir le pays de renvoi.

16. En troisième lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée des illégalités alléguées, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de renvoi.

17. En quatrième et dernier lieu, il ne ressort d'aucun élément du dossier que M. B..., dont la demande d'asile a au demeurant été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, serait personnellement exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en cas de retour dans le pays dont il est ressortissant.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Ariège est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 2 août 2019. Dès lors, ce jugement doit être annulé en ses articles 2, 3 et 4 et les conclusions de première instance présentées par M. B... rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

19. Les conclusions présentées par M. B..., qui est la partie perdante à l'instance d'appel, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n°1904650 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse du 4 octobre 2019 sont annulés.

Article 2 : La demande de première instance présentée par M. B... et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... F... B... et à Me E.... Copie pour information en sera délivrée au préfet de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. C... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2020.

Le rapporteur,

Frédéric A...

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX04169 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04169
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : KOSSEVA-VENZAL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-18;19bx04169 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award