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18/02/2020 | FRANCE | N°18BX00710

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 18 février 2020, 18BX00710


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme I..., Mme A..., M. et Mme J..., M. F..., M. L..., M. et Mme O... et M. et Mme M... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler le permis de construire délivré le 25 août 2016 par le maire de la commune de Schoelcher à Mme P... pour la réalisation d'un bâtiment comportant sept logements.

Par un premier jugement n° 1700014 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a pris acte du désistement de M. et Mme J... et, en application de l'article L. 600-5-

1 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur cette demande et a imparti à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme I..., Mme A..., M. et Mme J..., M. F..., M. L..., M. et Mme O... et M. et Mme M... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler le permis de construire délivré le 25 août 2016 par le maire de la commune de Schoelcher à Mme P... pour la réalisation d'un bâtiment comportant sept logements.

Par un premier jugement n° 1700014 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a pris acte du désistement de M. et Mme J... et, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur cette demande et a imparti à Mme P... un délai de deux mois pour l'obtention éventuelle d'un permis de construire de régularisation. Par un second jugement du 17 mai 2018, le tribunal a rejeté la demande des requérants compte tenu du permis de régularisation délivré par le maire le 2 février 2018.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le n°18BX00710 le 19 février 2018 et des mémoires enregistrés le 2 mars 2018, le 7 juin 2018, le 10 juillet 2018, le 14 novembre 2018 et le 12 décembre 2018, M. et Mme I..., M. F..., M. O..., M. et Mme M..., Mme A... et M. L..., représentés par Me R..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ces jugements du tribunal administratif de la Martinique du 23 novembre 2017 et du 17 mai 2018 ;

2°) d'annuler le permis de construire du 25 août 2016, la décision de rejet de leur recours gracieux du 24 novembre 2016 et le permis de régularisation délivré le 2 février 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Schoelcher la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire pour avoir répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 U3 du plan local d'urbanisme en se fondant sur des pièces transmises par les défendeurs sans que celles-ci aient été communiquées ;

Ils soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité de leur demande de première instance, que :

- ils ont la qualité de voisins immédiats du projet autorisé par le permis de construire ; la construction projetée aura pour conséquence de supprimer les vues dont ils bénéficient sur la mer depuis leur résidence ; elle aura aussi pour effet d'augmenter le trafic automobile au niveau de l'impasse qui dessert leur propriété ; ils ont ainsi intérêt à agir en application de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

Ils soutiennent, au fond, que :

- le pétitionnaire ne disposait pas d'un droit à construire sur le terrain d'assiette du projet comme l'exige l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;

- le projet porte sur une résidence touristique constituant un établissement recevant du public ; le permis aurait dû être précédé de l'avis de la commission de sécurité et d'accessibilité ;

- le projet méconnait l'article 3 U3 du plan local d'urbanisme qui précise qu'une voie de desserte inférieure à 6 mètres de large est considérée comme insuffisante pour les nouveaux projets de construction portant sur plus de six logements ; ces dispositions étaient suffisamment claires et le tribunal ne pouvait s'en référer à celles de l'annexe 2 au plan local d'urbanisme qui leur sont contraires ;

- le permis est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu des risques naturels auquel est soumis le terrain d'assiette du projet, proche de la mer (submersion marine, séisme, tsunami, houle) ; la voie qui est censée desservir ce terrain est déjà encombrée par la circulation automobile ; elle est aussi pentue et se termine en impasse ; la construction d'un immeuble de sept habitations engendrera des risques pour la sécurité publique ; en raison de la configuration de la voie de circulation, les engins de secours et d'incendie ne pourront l'emprunter pour accéder à l'immeuble.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 avril 2018, le 26 juin 2018 et le 6 décembre 2018, la commune de Schoelcher, représentée par Me Q..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de solidaire des requérants la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel, que :

- les appelants ne sont pas recevables à faire appel d'un jugement avant-dire droit faisant application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- les pièces sur lesquelles le tribunal s'est fondé pour écarter le moyen tiré de la violation des règles de desserte du plan local d'urbanisme ont été soumises au débat contradictoire ;

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :

- les requérants ne remplissent pas la condition d'intérêt à agir exigée par l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; le projet n'est en effet pas visible depuis leur résidence d'habitation ; la construction n'empêchera pas les requérants de continuer à bénéficier d'une vue sur la mer ; les conditions de circulation invoquées ne caractérisent pas une atteinte à leurs conditions de jouissance de leurs biens ; en tout état de cause, les caractéristiques de la voie sont suffisantes pour absorber le surcroît de trafic automobile sans atteinte possible à la sécurité publique ;

Elle soutient, au fond, que :

- les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 mai 2018, le 10 juillet 2018 et le 13 décembre 2018, Mme P..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire des requérants la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel, que :

- les appelants ne sont pas recevables à faire appel d'un jugement avant-dire droit faisant application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- les pièces sur lesquelles le tribunal s'est fondé pour écarter le moyen tiré de la violation des règles de desserte du plan local d'urbanisme ont été soumises au débat contradictoire ;

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :

- les requérants ne remplissent pas la condition d'intérêt à agir exigée par l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

Elle soutient, au fond, que :

- les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 15 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2019 à 12h00.

II - Par une requête enregistrée sous le n°18BX02281 le 7 juin 2018 et un mémoire enregistré le 13 mai 2019, M. et Mme I..., M. F..., M. O..., M. et Mme M..., Mme A... et M. L..., représentés par Me R..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif du 17 mai 2018 ;

2°) d'annuler le permis de construire du 25 août 2016 et la décision de rejet de leur recours gracieux du 24 novembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Schoelcher la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire pour avoir répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 U3 du plan local d'urbanisme en se fondant sur des pièces transmises par les défendeurs sans que celles-ci aient été communiquées ;

Ils soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité de leur demande de première instance, que :

- ils ont la qualité de voisins immédiats du projet autorisé par le permis de construire ; la construction projetée aura pour conséquence de supprimer les vues dont ils bénéficient sur la mer depuis leur résidence ; elle aura aussi pour effet d'augmenter le trafic automobile au niveau de l'impasse qui dessert leur propriété ; ils ont ainsi intérêt à agir en application de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

Ils soutiennent, au fond, que :

- la pétitionnaire ne disposait pas d'un droit à construire sur le terrain d'assiette du projet comme l'exige l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;

- le projet porte sur une résidence touristique constituant un établissement recevant du public ; le permis aurait dû être précédé de l'avis de la commission de sécurité et d'accessibilité ;

- le projet méconnait l'article 3 U3 du plan local d'urbanisme qui précise qu'une voie de desserte inférieure à 6 mètres de large est considérée comme insuffisante pour les nouveaux projets de construction portant sur plus de six logements ; ces dispositions étaient suffisamment claires et le tribunal ne pouvait se référer à celles de l'annexe 2 au plan local d'urbanisme qui leur sont contraires ;

- le permis est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu des risques naturels auquel est soumis le terrain d'assiette du projet, proche de la mer (submersion marine, séisme, tsunami, houle) ; la voie qui est censée desservir ce terrain est déjà encombrée par la circulation automobile ; elle est aussi pentue et se termine en impasse ; la construction d'un immeuble de sept habitations engendrera des risques pour la sécurité publique ; en raison de la configuration de la voie de circulation, les engins de secours et d'incendie ne pourront l'emprunter pour accéder à l'immeuble.

Par un mémoire en défense, enregistrés 16 avril 2019, la commune de Schoelcher, représentée par Me Q..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de solidaire des requérants la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel, que :

- les appelants ne critiquent pas les motifs du second jugement rendu par le tribunal le 17 mai 2018 ;

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- les pièces sur lesquelles le tribunal s'est fondé pour écarter le moyen tiré de la violation des règles de desserte du plan local d'urbanisme ont été soumises au débat contradictoire ;

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :

- les requérants ne remplissent pas la condition d'intérêt à agir exigée par l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; le projet n'est en effet pas visible depuis leur résidence d'habitation ; la construction n'empêchera pas les requérants de continuer à bénéficier d'une vue sur la mer ; les conditions de circulation invoquées ne caractérisent pas une atteinte à leurs conditions de jouissance de leurs biens ; en tout état de cause, les caractéristiques de la voie sont suffisantes pour absorber le surcroît de trafic automobile sans atteinte possible à la sécurité publique ;

Elle soutient, au fond, que :

- les moyens soulevés sont inopérants à l'encontre du permis de construire de régularisation, eu égard à son objet ;

- en tout état de cause, les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 15 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. N... D...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

1. Par un arrêté du 25 août 2016, le maire de Schoelcher a délivré à Mme P... un arrêté valant permis de démolir trois constructions existantes et permis de construire un bâtiment de sept logements d'une surface de plancher de 727,07 m2 sur les parcelles cadastrées section T n° 1225 et 1358 situées 7 impasse du Lido. M. et Mme I..., M. F..., M. et Mme O..., M. et Mme M..., Mme A... et M. L... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 25 août 2016. Par un premier jugement rendu le 23 novembre 2017, le tribunal a écarté tous les moyens soulevés par les requérants à l'encontre de l'autorisation en litige à l'exception de celui tiré de l'incompétence de son signataire, puis, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur la requête afin de permettre à Mme P... d'obtenir un permis régularisant ce vice. Après que le maire eut délivré un permis de régularisation le 2 février 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rendu un second jugement le 17 mai 2018 rejetant la demande dont il était saisi. Par deux requêtes distinctes, M. et Mme I..., M. F..., M. O..., M. et Mme M..., Mme A... et M. L... relèvent appel des deux jugements rendus par le tribunal administratif le 23 novembre 2017 et le 17 mai 2018.

2. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le désistement :

3. Dans leur mémoire enregistré au greffe de la cour le 7 juin 2018 dans le cadre de la requête n°18BX00710, dirigée à l'encontre du premier jugement, les appelants font valoir qu'ils " abandonnent leur moyen dirigé contre le jugement avant-dire droit en tant qu'il mettait en oeuvre les pouvoirs que détient le juge administratif de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ". Ce faisant les appelants doivent être regardés comme se désistant de leur contestation du jugement rendu le 23 novembre 2017 en tant qu'il a fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Il y a lieu de leur en donner acte.

Sur la régularité du jugement attaqué du 23 novembre 2017 :

4. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, dans leurs mémoires en défense enregistrés au greffe du tribunal respectivement le 28 mars 2017 et le 12 mai 2017, Mme P... et la commune de Schoelcher, en réponse au moyen tiré de la méconnaissance par le permis en litige de l'article 3-U3 du plan local d'urbanisme relatif à l'emprise minimale de la voie d'accès, ont produit le règlement du plan local d'urbanisme ainsi que l'annexe 2 à ce règlement définissant une hiérarchie entre les voies. Au point 26 de son jugement, le tribunal a écarté le moyen soulevé en se fondant sur ces pièces qui ont été versées au débat contradictoire. Les mémoires en défense que la commune de Schoelcher et Mme P... ont ultérieurement produits devant le tribunal le 7 juillet 2017 ne comportaient pas d'éléments nouveaux sur lesquels les premiers juges se sont fondés pour statuer, sans que les requérants aient été en mesure d'en discuter. Dans ces conditions, l'absence de communication aux requérants des mémoires du 7 juillet 2017 n'a pas entaché d'irrégularité la procédure devant le tribunal.

Sur la légalité du permis de construire en litige :

6. En premier lieu, à l'appui de leur moyen tiré de ce que Mme P... n'avait pas qualité pour déposer la demande de permis de construire, en application de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, les requérants ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à leur argumentation devant les premiers juges. Il y a lieu d'écarter leur moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal aux points 11 à 13 de son jugement du 23 novembre 2017.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-2 du code de la construction et de l'habitation : " (...) constituent des établissements recevant du public tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. (...) ". La construction projetée est une résidence de quatre niveaux comprenant sept appartements de standing (deux T2, quatre T3 et un T4) et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle offrirait des équipements et des services communs, en particulier un salon, une salle à manger, un hall d'accueil ou encore un service d'accueil des touristes. Dans ces conditions, l'immeuble projeté ne constitue pas un établissement recevant du public, sans qu'importe la circonstance que la notice de présentation s'en soit référée, en ce qui concerne les normes applicables aux bâtiments, aux prescriptions concernant le classement des meublés de tourisme cinq étoiles. Est également dépourvue d'incidences sur la qualification de l'immeuble en litige l'attestation de contrôle technique, dont l'objet est seulement de vérifier la prise en compte par le constructeur des règles parasismiques au stade de la conception du projet, ayant qualifié la résidence d'" appart'hotel ". Par suite, la délivrance du permis en litige n'était pas subordonnée à l'avis préalable de la commission de sécurité et d'accessibilité comme le soutiennent les requérants.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-46 du code de l'urbanisme : " En dehors des espaces urbanisés, les terrains situés dans la bande littorale définie à l'article L. 121-45 sont réservés aux installations nécessaires à des services publics, à des activités économiques ou à des équipements collectifs, lorsqu'ils sont liés à l'usage de la mer. Ces installations organisent ou préservent l'accès et la libre circulation le long du rivage. ".

9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des vues aériennes qui y ont été produites, qu'au nord du terrain d'assiette du projet, à une distance de 80 mètres environ, se trouve la résidence Lido Plage tandis que des constructions sont présentes en nombre significatif non loin de ce terrain sur ses côtés est et ouest. Au demeurant, l'implantation de l'immeuble projeté doit se réaliser à l'extrême sud d'une zone densément urbanisée classée en zone U du plan local d'urbanisme. Alors même qu'il est entouré de végétation et présente une déclivité en direction de la mer, le terrain destiné à accueillir la construction projetée doit être regardé comme situé dans un espace urbanisé au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-46 du code de l'urbanisme. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les requérants ne pouvaient utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions à l'appui de leur demande d'annulation du permis de construire en litige.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-U3 du plan local d'urbanisme : " conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et d'accès aux voies ouvertes au public. 3-1 Voirie. Pour être constructible, un terrain doit être desservi par une voie (publique ou privée) de caractéristiques proportionnées à l'importance de l'occupation ou de l'utilisation des sols envisagés. En matière de construction de logements nouveaux, la desserte (publique ou privée) sera considérée comme insuffisante si pour plus de 6 logements, la voie est d'emprise inférieure à 6 mètres (voir annexe voirie) ". L'annexe 2 au règlement du plan local d'urbanisme distingue la viabilité primaire, soit les " dispositifs qui relient la zone à l'extérieur de son périmètre ou encore assure le transit au travers de la zone de certains besoins qui ne concernent pas la zone uniquement (...) ", la viabilité secondaire, soit " les réseaux qui assurent à l'intérieur d'une zone les liaisons entre les différents secteurs de celle-ci. Ils relient ces secteurs entre eux et aboutissent au réseau primaire. Ils sont généralement constitués par les voies de desserte automobiles, les espaces collectifs, les espaces libres réservés aux jeux, promenade, détente, aires de stationnement ainsi que tous les réseaux (eau, assainissement, etc) qui permettent de répondre strictement aux besoins de la zone. Elles permettent de répondre à des fonctions de transit local. ", enfin la viabilité tertiaire, soit " les réseaux réalisés à l'intérieur d'un terrain ou d'un îlot. Ils ont pour objet de desservir uniquement le programme d'aménagement de l'îlot ou le programme de construction. Ces réseaux sont généralement réservés à l'usage d'un nombre limité d'utilisateurs, c'est-à-dire aux seuls résidents et utilisateurs des constructions et installations réalisées dans l'îlot. Les travaux de viabilité tertiaire concernent les voies, espaces libres, circulations piétonnes, réseaux et d'une manière générale les équipements qui n'entrent pas dans les catégories ci-dessus. " Ces dispositions de l'annexe 2 du plan local d'urbanisme doivent être regardées comme régissant également la desserte des terrains par des voies de circulation. S'agissant des voies de circulation entrant dans la catégorie " viabilité tertiaire ", l'annexe 2 dispose que : " En cas de desserte de constructions à destination de logements, si la desserte concerne un maximum de 10 logements, il est admis que celle-ci ait une emprise d'au moins 3,50 mètres sous réserve de disposer d'élargissements permettant le croisement de véhicules (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions qu'un projet de construction de plus de 6 logements peut être autorisé s'il est desservi par une voie de circulation dont l'emprise est au moins égale à 6 mètres mais que, dans l'hypothèse où ce projet est desservi par une voie dite " tertiaire " et qu'il porte sur 10 logements au maximum, il peut être autorisé à la condition que la voie d'accès présente une largeur d'au moins 3,5 mètres.

12. Il ressort des pièces du dossier que l'impasse du Lido qui assure la desserte de la résidence Lido Plage et qui a vocation à desservir la construction projetée ne permet d'accéder qu'à un nombre limité de logements sur un espace bien délimité. La voie du Lido, qui est une impasse, n'a pas vocation à assurer une fonction de transit de la circulation ni à permettre des liaisons entre les différents secteurs d'une même zone au sens des dispositions précitées de l'annexe 2 au plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, l'impasse du Lido ne constitue pas une voie primaire ou secondaire mais une voie tertiaire selon l'annexe 2 au plan local d'urbanisme comme l'a jugé à bon droit le tribunal. Le projet de construction portant sur moins de 10 logements, les dispositions précitées du plan local d'urbanisme ne s'opposent pas à sa réalisation s'il est desservi par une voie d'accès d'une emprise de 3,5 mètres au moins, laquelle inclut les trottoirs et les accotements. Il ressort des pièces du dossier, et entre autres des relevés réalisés sur place le 10 mars 2017 à la demande de Mme P... par un géomètre expert, que l'impasse du Lido a une emprise conforme aux exigences de l'annexe 2 du plan local d'urbanisme s'agissant des voies dites tertiaires. Enfin, il ne ressort pas des éléments du dossier, et notamment des photographies qui y ont été produites, que l'impasse serait dépourvue d'élargissements permettant d'assurer le croisement des véhicules dans des conditions normales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du plan local d'urbanisme doit être écarté.

13. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le surcroît de circulation engendré au niveau de l'impasse du Lido par le projet en litige, qui prévoit sept logements et seize places de stationnement, engendrerait des problèmes particuliers de sécurité pour les usagers de cette voie. Il ne ressort pas davantage des éléments du dossier que la réalisation du projet aurait pour conséquence d'empêcher ou de restreindre la circulation des engins de secours et de lutte contre l'incendie au niveau de l'impasse du Lido dont l'emprise est conforme aux exigences du plan local d'urbanisme pour la circulation de cette catégorie de véhicules. Par suite, le permis de construire n'est pas entaché sur ce point d'erreur manifeste d'appréciation.

15. Enfin, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste au regard des risques naturels qui pèseraient sur le terrain d'assiette du projet par adoption des motifs pertinents énoncés au point 29 du jugement attaqué du 23 novembre 2017.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel ainsi que la recevabilité de la demande de première instance, que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 17 mai 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les conclusions des appelants présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors qu'ils ne sont pas la partie gagnante à l'instance. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge des appelants, pris ensemble, la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens, exposés par la commune de Schoelcher, et la même somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme P....

DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte à M. et Mme I..., M. F..., M. O..., M. et Mme M..., Mme A... et M. L... de leur désistement de leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 23 novembre 2017 en tant qu'il a fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes n°18BX00710 et 18BX02281 est rejeté.

Article 3 : M. et Mme I..., M. F..., M. O..., M. et Mme M..., Mme A... et M. L..., pris ensemble, verseront à la commune de Schoelcher la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à Mme P... la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et Marie-Rosine I..., M. M... F..., M. H... O..., M. et Mme C... et Janie M..., Mme K... A... et M. G... L..., à Mme S... P... et à la commune de Schoelcher.

Délibéré après l'audience 21 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. N... D..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2020.

Le rapporteur,

Frédéric D...

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s18BX00710, 18BX002281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00710
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS GIL-FOURRIER et CROS ; CABINET ARES ; SOCIETE D'AVOCATS GIL-FOURRIER et CROS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-18;18bx00710 ?
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