La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/02/2020 | FRANCE | N°18BX00073

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 18 février 2020, 18BX00073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bureau Européen d'Assurance Hospitalière (BEAH) a demandé au tribunal administratif de Poitiers, à titre principal, d'annuler le marché (lot n°2) d'assurances " responsabilité et risques annexes " conclu entre le groupement hospitalier Nord-Vienne et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM), avec effet différé, le temps pour le groupe hospitalier de relancer une procédure d'attribution d'un nouveau contrat, et à titre subsidiaire, de résilier ledit contrat dans les mêmes co

nditions, enfin, de condamner le groupe hospitalier Nord-Vienne à lui verser la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bureau Européen d'Assurance Hospitalière (BEAH) a demandé au tribunal administratif de Poitiers, à titre principal, d'annuler le marché (lot n°2) d'assurances " responsabilité et risques annexes " conclu entre le groupement hospitalier Nord-Vienne et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM), avec effet différé, le temps pour le groupe hospitalier de relancer une procédure d'attribution d'un nouveau contrat, et à titre subsidiaire, de résilier ledit contrat dans les mêmes conditions, enfin, de condamner le groupe hospitalier Nord-Vienne à lui verser la somme de 94 900 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 août 2015 en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière.

Par un jugement n° 1500757 du 8 novembre 2017 le tribunal administratif de Poitiers a résilié le marché d'assurance conclu entre le groupe hospitalier Nord-Vienne et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM) avec effet différé au 1er mars 2018 et a condamné le groupe hospitalier Nord-Vienne à verser la somme de 60 000 euros, tous intérêts compris, au Bureau Européen d'Assurance Hospitalière (BEAH) en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière du marché d'assurances.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 janvier 2018, 31 mars 2018 et 11 décembre 2019, le BEAH représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 4 du jugement rendu le 8 novembre 2017 par le tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice à la somme de 60 000 euros tous intérêts compris ;

2°) de condamner le groupe hospitalier Nord-Vienne à lui verser la somme de 94 900 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 août 2015 et de la capitalisation des intérêts en réparation de son préjudice né de son éviction irrégulière du marché litigieux ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel présentées par le groupe hospitalier Nord-Vienne ;

4°) de mettre à la charge du groupe hospitalier Nord-Vienne la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est suffisamment motivée ;

- le tribunal administratif a insuffisamment motivé sa réponse, en n'indiquant pas pourquoi la réparation du préjudice subi par lui était limitée à la période antérieure à la résiliation du marché illégal conclu avec la SHAM ;

- c'est à tort que le tribunal a fixé son manque à gagner indemnisable à la somme de 60 000 euros, dès lors qu'il ressortait de l'attestation de son expert-comptable que son manque à gagner est de 94 900 euros sur la période d'exécution du marché d'une durée de cinq ans ;

- il a le droit à l'intégralité de son manque à gagner, dès lors que si le groupe hospitalier Nord-Vienne n'avait pas commis d'illégalité à l'origine de la résiliation du marché, il en aurait été l'attributaire et aurait perçu l'intégralité des bénéfices qu'il pouvait escompter sur la période d'exécution du marché ;

- s'agissant de l'appel incident, le groupement hospitalier Nord-Vienne ne présente aucune conclusion tendant à l'annulation d'une partie du jugement attaqué ;

- l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'article 1er du jugement attaqué et aux motifs qui en sont le support nécessaire, fait obstacle à ce que le groupement hospitalier oppose la régularité de l'offre du SHAM pour soutenir que le BEAH serait dépourvu de toute chance sérieuse de remporter le marché ;

- aucun des moyens développés à l'appui de l'appel incident du groupement hospitalier Nord-Vienne n'est fondé.

Par des mémoires enregistrés les 5 juillet 2018 et 24 décembre 2019 le groupe hospitalier Nord-Vienne, représenté par la SCP Pielberg-Kolenc, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du BEAH ;

2°) d'annuler l'article 2 du jugement rendu le 8 novembre 2017 par le tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il le condamne à payer au BEAH la somme de 60 000 euros, tous intérêts compris, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière du marché d'assurance ;

3°) de mettre à sa charge la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête sommaire n'est pas suffisamment motivée et son mémoire ampliatif annoncé dans sa requête sommaire a été présenté après l'expiration du délai d'appel ;

- le jugement est suffisamment motivé et les moyens du BEAH ne sont pas fondés ;

- la responsabilité ne peut être engagée vis-à-vis du BEAH, dès lors que la seule circonstance qu'il a été classé en 2ème position au terme de l'analyse des offres n'établit pas qu'il a été privé d'une chance de remporter le marché ;

- l'offre de la SHAM n'était pas incomplète, car le montant de prime pouvait être déterminé en fonction du chiffre d'affaire des activités subsidiaires susceptibles de lui être confiées.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de Me C..., représentant le Bureau Européen d'Assurance Hospitalière.

Une note en délibéré présentée pour le Bureau Européen d'Assurance Hospitalière a été enregistrée le 22 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement hospitalier Nord-Vienne a lancé, le 24 septembre 2014, un appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché public de services d'assurances comprenant 4 lots pour la période courant de 2015 à 2019. Par courrier du 9 décembre 2014 (DPI p 94), il a informé le Bureau Européen d'Assurance Hospitalière (BEAH) du rejet de l'offre qu'il avait présentée, en groupement avec le syndicat 623 Beazley du Lloyd's de Londres et la compagnie AREAS assurances, pour le lot n°2 " assurance responsabilité civile et risques annexes ". Le BEAH a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation du marché attribué à la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM) pour lot n°2 et à défaut, sa résiliation, ainsi que l'indemnisation de son manque à gagner. Par un jugement du 8 novembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a résilié le marché d'assurance conclu entre le groupe hospitalier Nord-Vienne et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM) avec effet différé au 1er mars 2018 et a condamné le groupe hospitalier Nord-Vienne à verser la somme de 60 000 euros, tous intérêts compris, au Bureau Européen d'Assurance Hospitalière (BEAH) en réparation du préjudice subi du fait de son éviction du marché d'assurances. Le BEAH relève appel de ce jugement en tant qu'il limite l'indemnisation de son manque à gagner à la somme de 60 000 euros et le groupement hospitalier Nord-Vienne par la voie de l'appel incident conteste ce jugement en tant qu'il est entré en voie de condamnation à son encontre.

Sur la recevabilité de l'appel principal et de l'appel incident :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. En premier lieu, conformément aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, la requête d'appel du BEAH contient l'énoncé des conclusions d'appel, ainsi que l'exposé d'un moyen tiré de l'irrégularité du jugement et des moyens se rattachant à son bien-fondé qui étaient assortis de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Elle était en en outre accompagnée de la production du jugement attaqué. Cette requête, suffisamment motivée, n'était donc pas une requête sommaire. Si le BEAH indiquait son intention de produire un mémoire complémentaire développant ses moyens, un tel mémoire n'était pas nécessaire. Dès lors, la circonstance qu'un mémoire complémentaire ait été enregistré le 31 mars 2018, postérieurement au délai fixé par la mise en demeure de le produire, adressée par le greffe de la cour le 27 février 2018, en application de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, ne pouvait conduire la cour à constater le désistement de la requête du BEAH. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête du BEAH doit être écartée.

4. En second lieu, en demandant d'une part de rejeter la requête d'appel du BEAH et d'autre part, de rejeter sa demande indemnitaire présentée à son encontre, le Groupement Hospitalier Nord Vienne doit être regardé comme ayant demandé l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il le condamne à payer au BEAH la somme de 60 000 euros, tous intérêts compris, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction du marché d'assurance. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que l'appel incident du Groupement Hospitalier Nord-Vienne serait dépourvu de conclusions, doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

5. Le BEAH soutient que le tribunal administratif de Poitiers a insuffisamment motivé son jugement sur les raisons l'ayant conduit à limiter la période d'indemnisation à la période antérieure à la résiliation du marché irrégulier conclu avec la SHAM. Toutefois, le tribunal administratif a indiqué avec suffisamment de précision au point 10 de son jugement, que la période d'indemnisation qu'il a prise en compte pour évaluer le préjudice subi par le BEAH correspondait à la perte de chance certaine subie jusqu'à la résiliation du marché illégal conclu avec la SHAM. Par suite, le BEAH n'est pas fondé à soutenir que le jugement ne serait pas suffisamment motivé.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.

7. Si le BEAH fait valoir que l'appel incident du groupement ne peut avoir pour effet de remettre en cause les motifs qui viennent au soutien de l'article 1er du jugement attaqué qui prononce la résiliation du marché litigieux, au motif que cet article est devenu définitif faute de faire l'objet d'un appel, il appartient toutefois à la cour, saisie d'un appel principal et d'un appel incident portant sur l'article 2 du jugement attaqué qui condamne le groupe hospitalier Nord-Vienne à réparer le préjudice subi par le BEAH du fait de son éviction irrégulière du marché d'assurances, de rechercher si l'attribution de ce marché est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité du BEAH.

En ce qui concerne la régularité du marché :

8. Aux termes du 1° du I de l'article 35 du code des marchés publics dans sa version alors en vigueur : " (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. ". Aux termes de l'article 52 du code des marchés publics : " I. Avant de procéder à l'examen des candidatures, le pouvoir adjudicateur qui constate que des pièces dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai identique pour tous et qui ne saurait être supérieur à dix jours. Il peut demander aux candidats n'ayant pas justifié de la capacité juridique leur permettant de déposer leur candidature de régulariser leur dossier dans les mêmes conditions. Il en informe les autres candidats qui ont la possibilité de compléter leur candidature dans le même délai. Les candidats qui ne peuvent soumissionner à un marché en application des dispositions de l'article 43 ou qui, le cas échéant après mise en oeuvre des dispositions du premier alinéa, produisent des dossiers de candidature ne comportant pas les pièces mentionnées aux articles 44 et 45 ne sont pas admis à participer à la suite de la procédure de passation du marché. Les candidatures qui n'ont pas été écartées en application des dispositions de l'alinéa précédent sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. (...). ". Aux termes du III de l'article 53 de ce code : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue. ". Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur est tenu de rejeter notamment les offres irrégulières.

9. Aux termes du règlement de consultation : " Préambule. Pour éviter le rejet de votre dossier pour des raisons de conformité aux dispositions administratives, nous vous rappelons qu'il convient de (...) compléter directement sur l'acte d'engagement l'article 4 " tarification " sur l'acte d'engagement et ne pas renvoyer l'indication du prix (taux ou prime) à une feuille annexe (...) ". Aux termes de l'article 2.3 du règlement : " Offres de base. Prestations alternatives. Prestations supplémentaires éventuelles (...) répondre aux prestations alternatives et supplémentaires éventuelles prévues à l'acte d'engagement. L'attention des candidats est portée sur le fait qu'une réponse incomplète pourra constituer un motif d'élimination ". Aux termes de l'article 6.1.3 du règlement : " Documents à produire. Un dossier administratif de candidature " commun " à tous les lots (...). Un dossier " offre " (un par lot) comportant les documents suivants : l'acte d'engagement signé par le candidat ou le mandataire du groupement correspondant à chacun de ces lots (...) ".

10. Le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. L'administration ne peut, dès lors, attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par ce règlement.

11. Il résulte de l'instruction que l'offre de la SHAM comportait au titre des " activités subsidiaires " la mention " garantie acquise dans la mesure où le chiffre d'affaires nous est déclaré et moyennant une cotisation supplémentaire applicable au chiffre d'affaires communiqué ", ainsi que la mention d'un taux de prime de 0,10%. D'une part, ces éléments permettaient au groupe hospitalier Nord-Vienne de calculer le montant exact de son offre à partir du chiffre d'affaires de l'établissement, même si le montant TTC de la prime annuelle n'avait pas été indiqué dans son offre par la SHAM. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du règlement de consultation, que les candidats ne devaient pas obligatoirement indiquer dans l'acte d'engagement le montant annuel total de la prime exigée au titre des activités subsidiaires, ces derniers pouvant exprimer leur offre en taux de prime ou en prime. Dans ces conditions, c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a considéré que l'offre du SHAM était irrégulière au sens des dispositions précitées de l'article 35 du code des marchés publics et que le pouvoir adjudicateur n'avait pas pu apprécier le montant annuel de la prime exigée au titre des " activités subsidiaires ".

12. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le BEAH devant le tribunal administratif de Poitiers.

13. En premier lieu, aux termes de l'article 7.1 du cahier des clauses particulières : " Assiette de prime : La prime est calculée par application du taux HT défini à l'article 7.2: au budget de fonctionnement (...) ". Aux termes de l'article 7.2 du même cahier : " le taux de prime est fixé à 1/100 du budget de fonctionnement. Le taux est un élément contractuel qui ne pourra être modifié qu'après ...l'accord des deux parties signataires du contrat ". Il ressort de l'acte d'engagement figurant au dossier de consultation qu'il était exigé des candidats de présenter leur offre en mentionnant un taux pour mille.

14. Le BEAH soutient que l'offre du SHAM était irrégulière au motif que les taux des primes étaient exprimés en pourcentage alors qu'ils auraient dû être exprimés en pour mille. Il résulte de l'instruction que dès lors que cette présentation pouvait être aisément corrigée par une simple conversion, l'offre ne peut être regardée comme irrégulière au sens des dispositions précitées de l'article 52 du code des marchés publics.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 53 du code des marchés publics dans sa version alors applicable : " I - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; / 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix ". Ces dispositions imposent au pouvoir adjudicateur d'informer les candidats des critères de sélection des offres ainsi que de leur pondération ou hiérarchisation. Si le pouvoir adjudicateur décide, pour mettre en oeuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Le pouvoir adjudicateur n'est en revanche pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres.

16. Aux termes de l'article 7.2 du règlement de la consultation relatif au jugement des offres : " ... Les critères seront notés de 1 à 10, (10 correspondant à la meilleure note), ces notes étant affectées d'un coefficient de pondération ci-après : nature et étendue des garanties - qualité des clauses contractuelles : coefficient 3. Les besoins de l'acheteur seront définis dans le cahier des charges. Aussi le candidat qui présentera une offre sans réserve ni amendement obtiendra la note maximum. Pour les candidats qui présenteront des réserves, ces dernières seront jugées conformément à la circulaire du 24/12/2007 relative à la passation des marchés publics d'assurance au regard des incidences économiques. Tarification : coefficient 5 : ce critère sera jugé sur la base de la prime TTC (...). Modalités et procédure de gestion des dossiers, et notamment des sinistres par la compagnie et/ou par l'intermédiaire : coefficient 2. Ce critère sera noté à partir des réponses apportées par le candidat à l'annexe " convention de gestion " et sera évalué comme suit : 1. Modalités de gestion de la déclaration des sinistres (0,5). 2. Communication des données du sinistre (délais de réponse, suivi du dossier...(0,5) 3. Eléments sur la prestation (gestion des provisions, des indemnisations, des recours (...) (0,5) 4. Transmission de la sinistralité (périodicité, information et modalités de transmission de la sinistralité ...) (0,5) ".

17. Il résulte de ce qui a été dit au point 16 que, d'une part, le groupement hospitalier Nord-Vienne a suffisamment informé les candidats sur la méthode d'évaluation des offres au regard du critère " nature et étendue des garanties-qualité des clauses contractuelles ". D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment de l'offre de la SHAM que celle-ci avait émis deux types de réserves qui avaient pour objet de modifier certains montants de garanties. Ainsi pour les garanties faute inexcusable, faute intentionnelle, responsabilité civile activités subsidiaires et responsabilité civile personnes âgées, les garanties étaient accordées à hauteur de 1 500 000 euros par sinistre et 20 000 000 euros par an. Par ailleurs, la garantie responsabilité civile activités d'hébergement de données de santé était limitée à hauteur de 1 500 000 euros par sinistre et par an au titre des dommages immatériels non consécutifs. Il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient le BEAH, que la SHAM aurait émis des réserves sur la responsabilité civile dommages matériels et immatériels et sur la garantie aux biens des malades. Par suite, en considérant que ces réserves, qui ne portaient pas sur les montants des garanties principales, étaient acceptables et mineures pour l'activité du groupe hospitalier Nord-Vienne, celui-ci n'a pas introduit un critère autre que l'appréciation des réserves au regard de leurs incidences économiques. Enfin, en décidant d'attribuer une note de 29,5/30 à la SHAM pour ce critère qui tient compte de ces réserves, le pouvoir adjudicateur n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ni, dès lors, méconnu le principe d'égalité entre les candidats, ni manqué à ses obligations de mise en concurrence.

18. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport technique d'analyse des offres que la SHAM a obtenu un taux de prime le plus bas pour les quatre formules du marché litigieux. Par suite, en lui attribuant la note de 50/50 au titre du critère " tarification ", le pouvoir adjudicateur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

19. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'offre du BEAH que la gestion des sinistres sur un site de gestion dématérialisée n'est pas possible. En l'absence de procédure de déclaration en ligne des sinistres, le pouvoir adjudicateur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation du critère " modalités et procédure de gestion des dossiers ", au regard des sous-critères, et du coefficient de pondération de 2, en attribuant au BEAH la note de 18, 50/20.

20. Il résulte de tout ce qui précède que l'offre de la SHAM n'était pas irrégulière. Par suite, le groupe hospitalier Nord-Vienne est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers l'a condamné à payer au BEAH la somme de 60 000 euros au titre de son manque à gagner. Par suite, il y a lieu d'annuler l'article 2 du jugement attaqué et de rejeter l'appel principal du BEAH.

Sur les frais d'instance :

21. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du groupement hospitalier Nord-Vienne une somme à verser au BEAH au titre de ses frais d'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros à verser au groupement hospitalier Nord-Vienne sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 8 novembre 2017 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La requête d'appel du BEAH est rejetée.

Article 3 : Le BEAH versera la somme de 1 500 euros au groupement hospitalier Nord Vienne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Bureau Européen d'Assurance Hospitalière, à la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles et au groupe hospitalier Nord-Vienne.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme D... E..., présidente-assesseure,

Mme B... A..., premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2020.

Le rapporteur,

Déborah A...Le président,

Dominique NAVESLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00073
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-18;18bx00073 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award