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13/02/2020 | FRANCE | N°19BX02924

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 13 février 2020, 19BX02924


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1903231 du 24 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er août 2019, M. A..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1903231 du 24 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er août 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 24 juin 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 5 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre à l'Etat français d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de lui verser ladite somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté portant remise aux autorités italiennes a été pris en méconnaissance des dispositions du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 dès lors que le préfet n'a pas justifié de l'identité et de la qualification de l'agent ayant mené l'entretien ;

- les pièces du dossier ne rapportent pas la preuve de la saisine de l'Italie aux fins de reprise en charge ni que cette saisine serait intervenue dans le délai de deux mois suivant le hit positif Eurodac intervenu le 16 janvier 2019 ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre des articles 3-2 et 17 du règlement du 26 juin 2013 dès lors qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile en Italie ou, à tout le moins, dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ;

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté portant transfert ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un bordereau enregistré le 16 décembre 2019 le préfet de la Haute-Garonne a transmis à la cour sa décision portant prorogation du délai de transfert jusqu'au 26 décembre 2020.

Par une ordonnance du 9 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 12 novembre 2019 à 12 heures.

Un mémoire présenté pour M. A..., représenté par Me C..., a été enregistré le 8 janvier 2020.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... A..., ressortissant ivoirien né en 1985, est entré en France, selon ses déclarations, le 28 décembre 2018 et a présenté, le 16 janvier 2019, une demande d'asile. Toutefois, le relevé de ses empreintes ayant révélé qu'il avait déjà présenté une demande d'asile en Italie le 30 mars 2017, le préfet de la Haute-Garonne, après avoir recueilli l'accord implicite des autorités italiennes, a, par un arrêté du 5 juin 2019, décidé son transfert vers l'Italie. Par un arrêté du même jour le préfet de la Haute-Garonne a également assigné à résidence M. A... dans ce département. M. A... relève appel du jugement du 24 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. M. A... ayant été déclaré en fuite, le délai de son transfert aux autorités italiennes a été prolongé jusqu'au 26 décembre 2020.

En ce qui concerne l'arrêté portant transfert :

2. Il n'est pas sérieusement contesté que l'entretien individuel prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 a été réalisé, le 16 janvier 2019, par un agent de la préfecture de la Haute-Garonne qui est une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose d'indiquer l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

3. Il résulte des dispositions des articles 15 et 19 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'après avoir été informé, le 16 janvier 2019, que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac à partir des empreintes de M. A... avaient révélé qu'elles étaient identiques à celles relevées le 30 mars 2017 par les autorités italiennes, les services de la préfecture de la Haute-Garonne ont, dès le 22 janvier 2019, adressé au point d'accès national établi auprès du ministre de l'intérieur une demande de reprise en charge de M. A.... Par ailleurs, le 8 février 2019, les services de la préfecture ont adressé au point d'accès national une demande de confirmation explicite par l'Italie de son acceptation implicite de reprise en charge de M. A.... Dans ces conditions, en l'absence de tout élément particulier invoqué par le requérant, il doit être regardé comme établi que les autorités italiennes ont bien été effectivement saisies par les autorités françaises d'une demande de reprise en charge de M. A... et ce dans les deux mois à compter du résultat positif résultant de la consultation du fichier Eurodac, alors même que l'accusé de réception de la demande émis par le point d'accès des autorités italiennes n'est pas produit. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 23 du règlement du 26 juin 2013 en ce que la France serait responsable de la demande d'asile de M. A... doit être écarté.

5. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

6. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si les rapports d'information émanant d'organisations non gouvernementales et l'article de presse cités par M. A... font état des difficultés rencontrées par l'Italie pour faire face à un afflux de migrants, ils ne suffisent pas à caractériser l'existence, dans ce pays, de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, notamment en ce qui concerne l'accès à l'hébergement et aux soins et les garanties procédurales. Par ailleurs aucune pièce du dossier ne permet de considérer que M. A... aurait fait l'objet de traitements inhumains ou dégradants lors de son séjour en Italie au cours des années 2017 et 2018. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile de M. A... ne sera pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 § 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'arrêté contesté faute pour le préfet d'avoir mis en oeuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 de ce règlement doivent être écartés.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

7. L'arrêté contesté vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. A... et indique avec précision les raisons pour lesquelles le préfet de la Haute-Garonne a décidé de l'assigner à résidence dans le département de la Haute-Garonne. Ces indications, qui ont permis à M. A... de comprendre et de contester la mesure ainsi prise à son encontre, étaient suffisantes alors même que cet arrêté n'expose pas les motifs des obligations de pointage imposées à l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de l'arrêté contesté doit être écarté.

8. Le présent arrêt écartant les moyens soulevés par M. A... à l'encontre de l'arrêté portant transfert, le moyen tiré de ce que l'arrêté portant assignation à résidence serait dépourvu de base légale du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert doit, par suite, être écarté.

9. M. A... reprend en appel le moyen, invoqué en première instance, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'arrêté portant assignation à résidence. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... B..., président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2020.

Le président-rapporteur

Marianne B... Le président-assesseur

Didier Salvi

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 19BX02924


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02924
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : FRANCOS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-13;19bx02924 ?
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