Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 19 novembre 2015 par laquelle le ministre de l'agriculture a mis fin, à compter du 1er novembre 2015, à ses fonctions de professeur de lycée agricole stagiaire pour cause de non titularisation après sa période de stage et d'ordonner sa réintégration dans un emploi en vertu du contrat à durée indéterminée d'agent contractuel dont il bénéficie depuis le 24 mai 2011 ou la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement conformément aux dispositions des articles 45-4 et 45-5 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986.
Par un jugement n° 1600053 du 15 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 février 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 15 décembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 19 novembre 2015 mettant fin à ses fonctions à compter du 1er novembre 2015 ;
3°) d'ordonner sa réintégration, avec toutes conséquences de droit s'y rattachant, y compris la reconstitution de carrière ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière en ce que les conclusions du rapporteur public n'ont été mises en ligne que le 30 novembre 2017 à 15h30 pour une audience prévue le lendemain 1er décembre 2017 à 9h ;
- la décision du 19 novembre 2015 ne comporte aucune motivation ;
- la décision n'a pas été notifiée régulièrement dès lors qu'elle n'a pas été portée à sa connaissance de façon personnelle, par voie postale ou par remise directe ;
- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, l'inspecteur chargé d'examiner sa situation s'étant entretenu durant l'inspection avec des personnels non autorisés ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il a produit un nombre important d'éléments circonstanciés susceptibles de constituer une présomption simple d'existence d'un harcèlement moral ; en raison du harcèlement moral, il n'a pas été mis en mesure de démontrer sa capacité à servir et à remplir ses fonctions et ce contexte ne lui a pas permis d'être titularisé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens développés par M. A... ne sont pas fondés et s'en rapporte aux écritures produites en première instance.
Les parties ont été informées, le 10 janvier 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur la situation de compétence liée du ministre pour refuser la titularisation de M. A... en raison de la proposition de refus définitif au certificat d'aptitude du jury.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 83-1033 du 3 décembre 1983 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le décret n° 90-90 du 24 janvier 1990 ;
- le décret n° 2012-631 du 3 mai 2012 ;
- l'arrêté du 16 juin 1995 relatif à l'examen de qualification professionnelle et au certificat d'aptitude organisés en vue de l'admission au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré agricole ou au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique agricole, ou au deuxième grade du corps des professeurs de lycée professionnel agricole ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté par contrat à durée déterminée à compter du 1er septembre 2006 en qualité d'agent contractuel de l'enseignement agricole, contrat renouvelé jusqu'à l'année scolaire 2010-2011 puis transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 11 octobre 2010. Le 24 mai 2013, il a été admis au concours de professeur de lycée d'enseignement agricole, option " chef de travaux ", ouvert en application des dispositions de la loi du 12 mars 2012. Par un arrêté du 16 août 2013, M. A... a été nommé en qualité de professeur de lycée professionnel agricole stagiaire à compter du 1er septembre 2013. A la suite d'une première période de stage au sein de l'exploitation agricole de Rambouillet au cours de l'année 2013-2014, il a été autorisé à accomplir une seconde année de stage à l'exploitation d'Auch Lavacant pour l'année scolaire 2014-2015. Le jury d'évaluation du stage a proposé un refus définitif d'admission au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement agricole le 11 juin 2015. Par un arrêté du 9 juillet 2015, le ministre de l'agriculture a mis fin à ses fonctions à compter du 1er septembre 2015 pour cause de non titularisation après période de stage. Après le retrait de cet arrêté par un arrêté du 14 octobre 2015 et à la suite de l'avis défavorable de la commission administrative paritaire du 16 octobre 2015, le ministre de l'agriculture a, par un nouvel arrêté du 19 novembre 2015, mis fin aux fonctions de M. A... en tant que professeur de lycée professionnel agricole stagiaire, à compter du 1er novembre 2015. M. A... relève appel du jugement du 15 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne (...) ". La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.
3. Il ressort des pièces du dossier que le sens des conclusions du rapporteur public sur l'affaire en litige a été porté à la connaissance des parties à 15 heures 30 le 30 novembre 2017, alors que l'audience publique devait se tenir à 9 heures le 1er décembre 2017. Compte tenu de ce bref délai, le requérant ne peut être regardé comme ayant été mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, le sens de ces conclusions. Il s'ensuit que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière et qu'il doit, dès lors, être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Pau.
Sur la légalité de l'arrêté du 19 novembre 2015 :
5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " Par dérogation à l'article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, l'accès aux corps de fonctionnaires de l'Etat dont les statuts particuliers prévoient un recrutement par la voie externe peut être ouvert par la voie de modes de recrutement réservés valorisant les acquis professionnels, dans les conditions définies par le présent chapitre et précisées par des décrets en Conseil d'Etat, pendant une durée de quatre ans à compter de la date de publication de la présente loi ". Aux termes de l'article 5 de cette même loi : " L'accès à la fonction publique de l'Etat prévu à l'article 1er est organisé selon : / 1° Des examens professionnalisés réservés ; / 2° Des concours réservés ; / (...) Ces recrutements sont fondés notamment sur la prise en compte des acquis de l'expérience professionnelle correspondant aux fonctions auxquelles destine le corps d'accueil sollicité par le candidat. A l'issue des examens et concours mentionnés aux 1° et 2°, les jurys établissent, par ordre de mérite, la liste des candidats déclarés aptes (...) ". Aux termes de l'article 9 du décret du 3 mai 2012 relatif aux conditions d'éligibilité des candidats aux recrutements réservés pour l'accès aux corps de fonctionnaires de l'Etat des catégories A, B et C et fixant les conditions générales d'organisation de ces recrutements en application de la loi du 12 mars 2012 : " I. Les dispositions applicables en matière de stage et de sanction de stage sont, pour les agents recrutés dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 5 de la loi du 12 mars 2012 susvisée, celles prévues par le statut particulier du corps d'accueil pour les lauréats des concours internes (...) ". L'article 10 du décret du 24 janvier 1990 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel agricole dispose : " Les candidats reçus aux concours internes sont nommés professeurs de lycée professionnel agricoles stagiaires par le ministre chargé de l'agriculture et affectés pour la durée du stage dans les établissements d'enseignement agricole publics relevant du ministre chargé de l'agriculture, ainsi que dans les établissements visés à l'article R. 421-79 du code de l'éducation. / Le stage a une durée d'un an. Au cours de leur stage, les professeurs stagiaires bénéficient d'une formation dispensée sous la forme d'actions prises en compte dans un éventuel parcours de formation qualifiant organisées par un établissement d'enseignement supérieur agricole public en charge de la formation des personnels enseignants et d'éducation, ainsi que d'un tutorat ou d'autres types d'actions de formation. Les modalités du stage et les conditions de son évaluation par un jury sont arrêtées par le ministre chargé de l'agriculture (...) ". Selon l'article 6 de l'arrêté du 16 juin 1995 : " (...) A l'issue d'une nouvelle délibération et après avoir pris connaissance des avis complémentaires de la formation restreinte, le jury propose l'admission, l'ajournement ou le refus définitif des stagiaires ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " (...) Le ministre chargé de l'agriculture arrête (...) la liste des candidats autorisés à accomplir une seconde année de stage et la liste des candidats licenciés ou réintégrés dans leur corps ou leur grade d'origine (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que le jury se prononce à l'issue d'une période de formation et de stage. S'agissant non d'un concours ou d'un examen mais d'une procédure tendant à l'appréciation de la manière de servir qui doit être faite en fin de stage, cette appréciation peut être censurée par le juge de l'excès de pouvoir en cas d'erreur manifeste.
7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des deux rapports d'évaluation des 10 avril 2015 et 4 juin 2015, que M. A... a assuré ses fonctions de directeur d'exploitation agricole avec difficultés et que son stage a révélé des points faibles tenant notamment en une gestion administrative défaillante, un manque de rigueur récurrent, l'absence d'une réelle capacité d'analyse et de projection, un accomplissement très partiel des missions définies par le référentiel professionnel des directeurs d'exploitations, un encadrement non adapté aux difficultés structurelles de l'exploitation agricole concernée et des productions écrites très médiocres. M. A... fait valoir que l'année de stage au sein de l'exploitation agricole Auch Lavacant s'est déroulée dans des conditions extrêmement difficiles de management liées à la personnalité de la directrice de l'établissement qui aurait commis, selon lui, des actes pouvant être qualifiés de harcèlement moral. Toutefois, l'intéressé se borne à renvoyer à des pièces, notamment des courriers de mars 2015 du syndicat national de l'enseignement technique agricole public alertant de l'attitude virulente et autoritaire de la directrice, qui ne concernent pas uniquement la situation de l'intéressé et qui ne sont accompagnés d'aucun commencement de preuve, deux témoignages, l'un de la conseillère principale d'éducation, du 28 février 2016, et l'autre d'un salarié agricole, du 23 décembre 2015, qui font état de la colère et de l'exaspération de la directrice et de son ton autoritaire lors de réunions, ainsi que des certificats médicaux et attestations d'hospitalisation postérieurs au refus définitif du jury, qui ne permettent pas de regarder les faits qu'il invoque comme susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. En outre, ces difficultés relationnelles avec la directrice de l'exploitation d'Auch Beaulieu Lavacant ne justifient pas, à elles seules, les faiblesses professionnelles constatées lors de ce second stage. Il ressort en effet du rapport de l'inspection de l'enseignement agricole réalisé à la suite de la mission du 9 avril 2014, que le premier stage avait également mis en lumière des difficultés dans les domaines humain, technique, économique et financier et l'inspecteur notait une absence de maitrise et de pilotage réel et de grandes difficultés d'expression écrite. Si les attestations des enseignants et ingénieurs qu'il produit montrent que M. A... était investi et qu'il avait de bons contacts avec les membres de l'équipe éducative, ces circonstances ne suffisent pas pour remettre en cause l'appréciation du jury. Ainsi, malgré le contexte managérial difficile et les difficultés structurelles de l'établissement dans lequel il a exercé son second stage, le jury n'a pas commis d'erreur manifeste quant à l'appréciation des compétences professionnelles de l'intéressé en estimant que M. A... n'était pas apte à être titularisé.
8. M. A... ayant fait l'objet d'un refus définitif du jury de le titulariser dans les fonctions de professeur de lycée d'enseignement agricole, option chef de travaux, le ministre de l'agriculture était donc tenu de refuser sa titularisation sur ces fonctions, en application des dispositions précitées. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée, de l'insuffisante motivation de cette décision, de ce que la décision du 9 novembre 2015 ne lui a pas été notifiée en mains propres, de ce que l'administration doit justifier que les procédures prévues, d'une part, par la note de service DGER/SDEDC/2014-528 relative aux modalités d'évaluation des stagiaires des professeurs de lycée agricoles et, d'autre part, par l'article 6 de l'arrêté du 16 juin 1995 ont été respectées et de ce qu'en application des dispositions de l'article 10 du décret du 24 janvier 2010 relatif au statut particulier des professeurs de lycée d'enseignement agricole, il aurait dû soit être réintégré dans son précédent contrat de travail à durée indéterminée, soit être licencié après la procédure prévue par les articles 45-2 à 45-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, sont inopérants.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2015 par lequel le ministre de l'agriculture a mis fin à ses fonctions en tant que professeur de lycée professionnel agricole stagiaire, à compter du 1er novembre 2015.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. La présente décision, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600053 du 15 décembre 2017 du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Pau et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 février 2020.
Le rapporteur,
D... Le président,
Marianne Hardy
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00694