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10/02/2020 | FRANCE | N°18BX01227

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 10 février 2020, 18BX01227


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 16 avril 2015 par laquelle le maire de la commune d'Aigrefeuille a refusé de retirer la mention " fin de la guerre d'Algérie " figurant sur une plaque portant l'inscription " allée du 19 mars 1962 : fin de la guerre d'Algérie " ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire sur le recours gracieux exercé le 25 avril 2015.

Par un jugement n° 1503746 du 30 janvier 2018, le tribunal admin

istratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 16 avril 2015 par laquelle le maire de la commune d'Aigrefeuille a refusé de retirer la mention " fin de la guerre d'Algérie " figurant sur une plaque portant l'inscription " allée du 19 mars 1962 : fin de la guerre d'Algérie " ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire sur le recours gracieux exercé le 25 avril 2015.

Par un jugement n° 1503746 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 mars 2018, M. F... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 janvier 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 16 avril 2015 par laquelle le maire de la commune d'Aigrefeuille a refusé de retirer la mention " fin de la guerre d'Algérie " figurant sur une plaque portant l'inscription " allée du 19 mars 1962 : fin de la guerre d'Algérie " ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire sur le recours gracieux exercé le 25 avril 2015 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune d'Aigrefeuille de retirer la mention " fin de la guerre d'Algérie " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Aigrefeuille la somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une omission à statuer ;

- la dénomination des voies et édifices publics relève de la compétence du conseil municipal en vertu de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ;

- les décisions attaquées sont entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elles ont retenu la date du 19 mars 1962 comme date de fin de la guerre d'Algérie ;

- elles heurtent la sensibilité de nombreux citoyens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2018, la commune d'Aigrefeuille, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juillet 2019 à 12 h 00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- les accords d'Evian du 18 mars 1962 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974 ;

- la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 ;

- la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ;

- la loi n° 2012-1361 du 6 décembre 2012 ;

- le décret n° 2003-925 du 26 septembre 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... C... ;

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;

- et les observations de Me G..., représentant la commune d'Aigrefeuille.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 2 avril 2015, M. D... a demandé au maire de la commune d'Aigrefeuille de retirer la mention " fin de la guerre d'Algérie " figurant sur une plaque portant l'inscription " allée du 19 mars 1962 : fin de la guerre d'Algérie ". Par une décision du 16 avril 2015, le maire de la commune a refusé de faire droit à cette demande. Le recours gracieux exercé le 25 avril 2015 à l'encontre de cette décision n'a donné lieu à aucune réponse. M. D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions explicite et implicite du maire d'Aigrefeuille.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il résulte des termes du jugement attaqué qu'après avoir indiqué que, pour refuser de retirer la mention litigieuse, le maire s'était notamment fondé sur le motif tiré de ce que la date du 19 mars 1962 correspondait à la date du cessez-le-feu marquant la fin de la guerre d'Algérie, les premiers juges ont relevé que les circonstances alléguées " à juste titre " par M. D... selon lesquelles " des évènements dramatiques s'étaient produits après cette date, deux dates commémoratives avaient été instituées respectivement le 5 décembre et le 19 mars et la qualité d'ancien combattant avait été reconnue jusqu'à la date du 2 juillet 1962, soit le lendemain de l'organisation du scrutin d'autodétermination ", ne permettaient toutefois pas de regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de défense, ont suffisamment motivé leur décision. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une omission à statuer en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur le caractère politique de la date retenue ou qu'il serait insuffisamment motivé ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2121-9 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut réunir le conseil municipal chaque fois qu'il le juge utile. (...) ". Selon l'article L. 2121-10 du même code : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 2121-29 de ce code : " Le conseil municipal règle, par ses délibérations, les affaires de la commune (...) ". Dans le cadre des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés, le conseil municipal est compétent pour délibérer sur la dénomination des rues et places publiques de la commune. Il dispose à cet effet d'un large pouvoir d'appréciation, sous le contrôle de l'erreur manifeste exercé par le juge de l'excès de pouvoir.

6. Il résulte de ces dispositions combinées que si le conseil municipal est seul compétent pour délibérer sur la dénomination des rues et places publiques de la commune, c'est au maire qu'il revient d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal. Il suit de là que le maire a compétence pour rejeter une demande tendant à la modification de la dénomination d'une rue ou d'une place publique. Toutefois, il ne peut légalement prendre une telle décision que si la décision relative à cette dénomination n'est pas devenue illégale à la suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs à son édiction. Dans l'hypothèse inverse, il est tenu d'inscrire la question à l'ordre du jour du conseil municipal pour permettre à celui-ci, seul compétent à cette fin, de se prononcer sur la demande.

7. Il ressort des pièces du dossier que, le 13 mars 2011, le maire de la commune d'Aigrefeuille a inauguré une plaque portant l'inscription " allée du 19 mars 1962 : fin de la guerre d'Algérie ". Il n'est ni établi ni même allégué que cette dénomination serait devenue illégale à la suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs à l'apposition de cette plaque. Dès lors, le moyen tiré de ce que le maire était incompétent pour rejeter la demande de M. D... tendant à la modification de cette dénomination par la suppression de la mention " fin de la guerre d'Algérie " doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée du 16 avril 2015 que, pour refuser de retirer la mention " fin de la guerre d'Algérie " figurant sur la plaque " allée du 19 mars 1962 : fin de la guerre d'Algérie ", le maire de la commune d'Aigrefeuille s'est notamment fondé sur le fait que la date du 19 mars 1962 correspond à la date du cessez-le-feu marquant la fin cette guerre. Il est à cet égard rappelé que les accords d'Evian du 18 mars 1962 stipulent dans leur article 1er qu'" il sera mis fin aux opérations militaires et à toute action armée sur 1'ensemble du territoire algérien, le 19 mars 1962, à 12 heures " et que la loi n° 2012-1361 du 6 décembre 2012 a institué une journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc qui se tient chaque année le 19 mars, " jour anniversaire du cessez-le-feu Algérie ". S'il est vrai, d'une part, que la loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974 reconnaît que des combattants français ont participé, au moins jusqu'au 2 juillet 1962, aux " opérations en Afrique du Nord ", expression à laquelle la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 a substitué celle de " guerre d'Algérie ou (...) combats en Tunisie et au Maroc " en conservant la date du 2 juillet 1962 et qu'il résulte du décret n° 2003-925 du 26 septembre 2003 qu'une journée nationale d'hommage aux " morts pour la France " pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie a été instituée le 5 décembre et que, d'autre part, des évènements dramatiques se sont produits postérieurement au 19 mars 1962, M. D... n'est pas pour autant fondé à soutenir que les décisions litigieuses sont entachées d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation ou revêtent un caractère politique.

9. En troisième lieu, si M. D... soutient que le choix de la date du 19 mars 1962, qui revient à nier les évènements dramatiques postérieurs, heurte la sensibilité de nombreux citoyens, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'apposition de la plaque comportant l'inscription " allée du 19 mars 1962 : fin de la guerre d'Algérie " ait provoqué des troubles à l'ordre public au moment de son inauguration le 13 mars 2011 ou postérieurement à cette date.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 avril 2015 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé à l'encontre de cette décision. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, à la charge de la commune d'Aigrefeuille, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme que demande la commune d'Aigrefeuille au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Aigrefeuille en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et à la commune d'Aigrefeuille.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme E... C..., présidente-assesseure,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 février 2020.

Le rapporteur,

Karine C...Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX01227 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01227
Date de la décision : 10/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02 Collectivités territoriales. Commune.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : GOZZO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-10;18bx01227 ?
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