La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2020 | FRANCE | N°18BX01051

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 10 février 2020, 18BX01051


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le président du syndicat intercommunal de collecte et traitement des ordures ménagères (SICTOM) du Périgord Noir sur sa demande en date du 26 juillet 2016 de lui accorder le bénéfice d'un congé de longue maladie et d'enjoindre au président dudit SICTOM de réexaminer sa demande tendant à l'octroi d'un congé de longue maladie, et, d'autre part, de condamner,

au besoin après expertise médicale, le SICTOM du Périgord Noir à lui verser l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le président du syndicat intercommunal de collecte et traitement des ordures ménagères (SICTOM) du Périgord Noir sur sa demande en date du 26 juillet 2016 de lui accorder le bénéfice d'un congé de longue maladie et d'enjoindre au président dudit SICTOM de réexaminer sa demande tendant à l'octroi d'un congé de longue maladie, et, d'autre part, de condamner, au besoin après expertise médicale, le SICTOM du Périgord Noir à lui verser la somme de 37 850 euros en réparation de ses préjudices résultant de son accident professionnel.

Par un jugement n° 1605271 du 28 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2018 et des mémoires complémentaires, enregistrés les 16 mai et 4 juin 2019, M. D... E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 février 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le président du syndicat intercommunal de collecte et traitement des ordures ménagères (SICTOM) du Périgord Noir sur sa demande en date du 26 juillet 2016 de lui accorder le bénéfice d'un congé de longue maladie ;

3°) d'enjoindre au président dudit SICTOM de réexaminer sa demande tendant à l'octroi d'un congé de longue maladie ;

4°) de condamner le SICTOM du Périgord Noir à lui verser la somme de 37 850 euros en réparation de ses préjudices résultant de son accident professionnel ;

5°) de mettre à la charge du SICTOM du Périgord Noir la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

6°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale aux fins, notamment, de déterminer les causes et l'origine de l'accident dont il a été victime le 28 mai 2014 et de réserver les dépens.

Il soutient que :

- son recours devant le tribunal administratif n'était pas tardif, faute pour le SICTOM d'avoir accusé réception de sa demande préalable, si bien que les délais et voies de recours ne lui ont pas été notifiés, en violation des articles L. 112-3 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration ; par suite, aucun délai ne lui était opposable pour tardiveté ;

- les décisions de rejet d'une demande de congé de longue maladie doivent être motivées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- les certificats médicaux produits établissent l'existence d'une épilepsie, présente depuis son accident du travail de 2014 ; ils révèlent que cette épilepsie existait avant la naissance de la décision implicite de rejet contestée ; la crise de panique qu'il a faite le 28 mai 2014 est donc en lien avec cette épilepsie ; ses préjudices sont imputables à la crise d'épilepsie ; c'est son accident de 2014 qui a été l'évènement déclencheur de son état de santé actuel ; il est donc fondé à réclamer l'octroi d'un congé de longue maladie sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- la jurisprudence considère qu'un état anxio-dépressif chronique ouvre droit à un congé de longue durée ; il ressort des pièces médicales qu'il produit qu'il est toujours dans un état anxio-dépressif sévère, qui s'est d'ailleurs aggravé depuis son accident de 2014 ; il bénéficie en effet toujours d'arrêts de travail mensuels en raison de son accident de travail pour cause d'anxiété et de stress post-traumatique et est constamment sous traitement anxiolytique et antidépresseur ; les examens médicaux ont montré qu'il souffre d'une épilepsie myoclonique, diagnostiquée en octobre 2016 ; cependant, tous les avis médicaux montrent que, même s'il souffre d'épilepsie, il souffre également, depuis l'accident de travail de 2014, d'une dépression post-traumatique ; ainsi, même si sa pathologie épileptique a été connue postérieurement à la décision attaquée, en tout état de cause, son état anxio-dépressif chronique, issu de son accident de 2014, doit lui ouvrir droit à un congé de longue maladie ;

- il a formulé une demande de congé de longue maladie le 26 juillet 2016 ; contrairement à ce que lui oppose le SICTOM, l'épilepsie est une maladie du système nerveux et est à ce titre visée par l'article 1 alinéa 6 de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ; les documents médicaux montrent que son état nécessite des soins et des traitements prolongés et qu'il n'est pas apte à reprendre son travail ; sa maladie épileptique est invalidante et irréversible, il ne peut plus conduire de poids lourds ; son traitement par antidépresseurs et anxiolytiques est incompatible avec la conduite automobile ;

- si la cour estimait que sa maladie ne relève pas de la liste de l'article 1 de l'arrêté du 14 mars 1986, elle doit alors considérer qu'elle relève de son article 3 :

- il demande la réparation des préjudices subis à l'issue de son accident professionnel, soit le déficit fonctionnel temporaire, le déficit fonctionnel permanent, les souffrances endurées ainsi que le préjudice d'agrément dès lors qu'il ne peut plus conduire un véhicule ou se promener à pied sans être en état de panique ; il réclame la somme de 37 850 euros au titre de l'indemnisation de ces trois préjudices.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2018, le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) du Périgord Noir, représenté par Me C..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit ordonné, avant-dire droit, une expertise médicale aux fins de déterminer la réalité et la cause d'un symptôme dépressif, de déterminer les causes de son accident de service du 28 mai 2014 et en particulier, si l'épilepsie de M. E... peut être à l'origine de ses crises de panique, de déterminer les préjudices directement imputables à sa crise de panique du 28 mai 2014 et ceux qui sont imputables à des causes externes à cet accident ;

3°) dans tous les cas, de mettre à la charge de M. E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- à titre principal, le jugement doit être confirmé, dès lors que M. E... a sollicité l'octroi d'un congé de longue durée, mais n'a jamais explicitement sollicité l'octroi d'un congé de longue maladie ; il lui appartenait de formuler régulièrement sa demande ; en tout état de cause, il ne relève ni du congé de longue durée ni du congé de longue maladie ;

- à titre subsidiaire, sa demande de première instance n'était pas recevable, car elle a été introduite plus de trois mois après la décision implicite contestée et alors qu'une demande tendant à obtenir le bénéfice d'un congé de longue durée ne relève pas du plein contentieux ; en outre, sa demande n'est pas intelligible, puisqu'il demande alternativement l'octroi d'un congé de longue durée et de longue maladie ; alors qu'il a demandé l'octroi d'un congé de longue durée, sa requête introductive d'instance est dirigée contre une décision de refus d'octroi d'un congé de longue maladie, décision qui n 'existe pas ; la requête méconnaît ainsi, faute de fondement clair et précis, l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- à titre infiniment subsidiaire, en raison du doute relatif à la gravité de la pathologie revendiquée, il conviendrait d'ordonner une expertise avant-dire droit.

Par une ordonnance en date du 9 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;

- l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Monsieur D... E..., né en 1961, agent technique de première classe au sein du syndicat intercommunal de collecte et traitement des ordures ménagères (SICTOM) du Périgord Noir, où il exerçait les fonctions de conducteur de poids lourds, a été victime le 28 mai 2014, alors qu'il conduisait un camion-benne assurant la collecte des ordures ménagères, d'un malaise à crise de type de panique. L'imputabilité au service de cet accident a été reconnue par un arrêté du président du SICTOM du Périgord Noir en date du 10 novembre 2014. Le 26 juillet 2016, M. E..., qui n'a, depuis le 28 mai 2014, pas repris ses fonctions, ayant enchaîné les arrêts de travail, a demandé au président dudit SICTOM, d'une part, de lui accorder un congé de longue maladie ou de longue durée et, d'autre part, de lui verser une somme de 31 850 euros en réparation des préjudices résultant de son accident professionnel. M. E... fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 février 2018, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le président du SICTOM du Périgord Noir sur sa double demande en date du 26 juillet 2016, en évaluant ses prétentions indemnitaires à hauteur de 37 850 euros.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le SICTOM :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ".

3. Il ressort de l'accusé de réception du courrier recommandé adressé par M. E... au SICTOM le 26 juillet 2016 que la collectivité l'a réceptionné le 28 juillet. En l'absence de réponse explicite de sa part aux demandes de M. E..., et donc en l'absence d'indication des délais et voies de recours à l'encontre de la décision implicite de refus née le 28 septembre 2016, M. E... n'était pas forclos, le 15 décembre 2016, date d'enregistrement de son recours devant le tribunal administratif, à contester la décision implicite de refus en cause.

4. En second lieu, et nonobstant la rédaction maladroite du courrier de M. E... du 26 juillet 2016, celui-ci contient deux types de demandes, d'une part de placement en congé de longue maladie ou de longue durée et, d'autre part, une demande indemnitaire, demandes qui sont assorties de précisions suffisantes à en apprécier le bien-fondé. Par suite, et contrairement à ce que soutient le SICTOM, une décision implicite de refus de ces demandes est née à compter du 28 septembre 2016, décision que ne pouvait certes produire M. E... à l'appui de son recours introductif d'instance devant le tribunal administratif, mais que ce recours conteste à l'aide de moyens suffisamment articulés.

Sur les conclusions en excès de pouvoir :

5. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision implicite de refus contestée est insuffisamment motivée ne peut, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité dudit moyen, qu'être écarté, dès lors que M. E... n'en a pas demandé la communication des motifs.

6. En second lieu, d'une part, s'agissant du congé de longue maladie, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa version applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...) ". Aux termes de l'article 18 du décret du 30 juillet 1987 précité : " Le fonctionnaire qui est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions par suite d'une maladie grave et invalidante nécessitant un traitement et des soins prolongés est mis en congé de longue maladie, selon la procédure définie à l'article 25 ci-dessous. (...) ". Aux termes de l'article 19 du même décret : " Le ministre chargé de la santé détermine par arrêté, après avis du comité médical supérieur, une liste indicative de maladies qui, si elles répondent en outre aux caractéristiques définies à l'article 57 (3°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée, peuvent ouvrir droit à un congé de longue maladie. Toutefois, le bénéfice d'un congé de longue maladie demandé pour une affection qui n'est pas inscrite sur la liste prévue à la phrase précédente peut être accordé après l'avis du comité médical compétent. ". L'article 1er de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie établit la liste des affections au titre desquelles un fonctionnaire est mis en congé de longue maladie lorsqu'il est dûment constaté qu'il est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions au cours de l'une de ces affections lorsqu'elle est devenue invalidante. Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Les affections suivantes peuvent donner droit à un congé de longue maladie dans les conditions prévues aux articles 29 et 30 des décrets susvisés (...) : - maladies mentales (...) ". Aux termes de l'article 3 dudit arrêté : " Un congé de longue maladie peut être attribué, à titre exceptionnel, pour une maladie non énumérée aux article 1er et 2 du présent arrêté, après proposition du Comité médical compétent à l'égard de l'agent et avis du Comité médical supérieur. Dans ce cas, il doit être constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. ".

7. D'autre part, s'agissant du congé de longue durée, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 précité : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. (...) ". Aux termes de l'article 20 du décret du 30 juillet 1987 : " Le fonctionnaire atteint d'une des affections énumérées au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, qui est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qui a épuisé, à quelque titre que ce soit, la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie, est placé en congé de longue durée selon la procédure définie à l'article 25 ci-dessous. Le fonctionnaire placé en congé de longue durée ne peut bénéficier d'aucun autre congé avant d'avoir été réintégré dans ses fonctions. (...) ".

8. Comme le fait valoir le SICTOM, la demande formulée par M. E... le 26 juillet 2016 est peu claire, puisque, s'il fait d'abord valoir que, sur le fondement de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, un fonctionnaire territorial peut demander un congé de longue maladie, il poursuit en analysant les conditions d'octroi d'un congé de longue durée et conclut à l'octroi d'un congé de ce second type. Ces deux types de congé obéissant à des dispositions différentes, il n'y précise pas le fondement de sa demande, sur le 3° de l'article 57 s'agissant du congé de longue maladie, ou sur le fondement du 4° du même article, s'agissant du congé de longue durée. Dans ces conditions, M. E... doit être regardé comme ayant entendu solliciter, de façon alternative, l'un ou l'autre de ces congés.

9. Concernant le bénéfice d'un congé de longue maladie, l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 mentionnant que les maladies mentales peuvent donner droit à un congé de ce type, M. E... se prévaut d'un état anxio-dépressif chronique. Pour en justifier, il produit des arrêts de travail mensuels pour anxiété et stress post-traumatique et de nombreuses ordonnances lui prescrivant des anxiolytiques et des antidépresseurs. Il produit également deux expertises, l'une du Docteur Peretti, psychiatre et expert agréé, concluant à un état anxieux sévère réactionnel d'origine professionnelle, l'autre du Dr Michelet, médecin agréé, affirmant qu'à ce jour, son état psychologique n'est toujours pas consolidé et qu'il poursuit un traitement anxiolytique et antidépresseur contre-indiquant toute conduite de véhicule, ces certificats étant respectivement datés du 2 janvier 2015 et du 16 février 2016. Ainsi, comme l'ont relevé les premiers juges, ces documents n'établissent pas qu'à la date de sa demande, les troubles dont souffrait M. E... rendaient nécessaires un traitement et des soins prolongés et présentaient un caractère invalidant ou de gravité confirmée. Par ailleurs si, dans ses écritures devant la juridiction, M. E... se prévaut de ce qu'il est également atteint d'une épilepsie myoclonique, pathologie qui n'a été diagnostiquée qu'en octobre 2016 et fait valoir que ce diagnostic révèle que cette épilepsie était préexistante et est peut-être à l'origine de son malaise du 28 avril 2014, de sorte qu'il " est parfaitement en droit de réclamer l'octroi d'un congé de longue maladie ", cette argumentation est inopérante dès lors qu'il n'a pas sollicité, dans sa lettre de demande du 26 juillet 2016, un congé de longue maladie en raison de cette pathologie.

10. Concernant le bénéfice d'un congé de longue durée, un état anxio-dépressif chronique revêt le caractère d'une maladie mentale au sens des dispositions du 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susceptible de donner droit à cette catégorie de congés. Toutefois, les conditions tenant à ce que la maladie mette l'agent dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et présente un caractère grave et invalidant, qui figurent au 3° de l'article 57 relatif au congé de longue maladie, s'appliquent également au congé de longue durée mentionné au 4° dudit article. En outre, tant aux termes de l'article 57 que de l'article 20 précité du décret du 30 juillet 1987, un fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue durée qu'après avoir épuisé ses droits à congé de longue maladie rémunéré à plein traitement. Or en l'espèce, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'à la date à laquelle il a sollicité le bénéfice d'un congé de longue durée, M. E... avait obtenu un congé de longue maladie et a fortiori encore moins épuisé ses droits à congé de longue maladie rémunéré à plein traitement.

11. Par suite, en refusant d'accorder à M. E... un congé de longue maladie ou un congé de longue durée, le président du SICTOM du Périgord Noir n'a pas commis d'erreur d'appréciation de sa situation au regard des dispositions des alinéa 3 ou 4 de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984.

12. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation.

13. En conséquence du rejet desdites conclusions, les conclusions en injonction présentées par M. E... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

14. Il résulte de l'instruction que, le 28 mai 2014, alors qu'on lui avait pour la première fois à conduire un camion-benne d'un tonnage bien supérieur à celui des camions qu'il conduisait habituellement, M. E... a soudain été pris de ce qu'il décrit comme une crise de panique violente, associant notamment une sensation d'étouffement, des secousses ou des tremblements dans les bras, des sueurs profuses, un emballement du rythme cardiaque. Par un arrêté du 10 novembre 2014, le président du SICTOM a rapporté un premier arrêté refusant l'imputabilité au service de ce malaise et l'a reconnu imputable au service. Comme cela a déjà été dit, l'intéressé n'a à ce jour pas repris son service, ayant enchaîné des arrêts-maladie mensuels mentionnant " anxiété réactionnelle ", " stress post-traumatique ", " anxiété invalidante et difficulté conduite ", " agoraphobie, angoisses (post-traumatique) ", " dépression ".

15. Pour demander réparation des préjudices issus de cet état psychologique, qu'il considère comme en lien direct avec son accident de service du 28 mai 2014, M. E... se prévaut de l'expertise du Dr Michelet, effectuée à sa demande en février 2016. Aux termes de cette expertise, le Dr Michelet, médecin agréé auprès des administrations, indique que M. E... poursuit un traitement anxiolytique et antidépresseur, continue à être pris en charge par un psychologue, qu'il ne peut plus conduire de véhicule, à la fois en raison de son état psychique et des médicaments qui lui sont prescrits et que son état anxio-dépressif n'est toujours pas consolidé. Il mentionne ensuite que : " son arrêt actuel me paraît justifié et en rapport uniquement avec l'accident du travail ", puis évalue son déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 %, son déficit fonctionnel permanent à au moins 5 %, les souffrances endurées à 2,5/7 et estime enfin " qu'il y aura un préjudice de promotion professionnelle ", " le sujet ne pouvant pas sûrement reprendre son travail antérieur, ni des activités nécessitant la conduite de véhicule lourd ou volumineux ".

16. Le SICTOM ne conteste pas au fond cette expertise, laquelle corrobore d'ailleurs les termes de celle, contradictoire, effectuée par le Dr Peretti, concluant ainsi : " Le diagnostic que j'en retiendrai sera donc celui d'un état anxieux sévère réactionnel se poursuivant maintenant par des thèmes dépressifs et dont aucune autre cause que professionnelle ne peut être décelée ou retenue ". Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, il sera fait une juste appréciation des préjudices de M. E... en lui allouant la somme globale de 8 000 euros.

17. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions indemnitaires et à demander la condamnation du SICTOM à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation de ses préjudices.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête aux fins d'annulation de la décision implicite du président du SICTOM du Périgord Noir de refus d'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée à M. E... sont rejetées.

Article 2 : Le SICTOM du Périgord Noir versera à M. E... la somme globale de 8 000 euros en réparation de ses préjudices.

Article 3 : Le jugement n° 1605271 du tribunal administratif de Bordeaux du 28 février 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au syndicat intercommunal de collecte et traitement des ordures ménagères (SICTOM) du Périgord Noir.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. D... Larroumec, président,

Mme B... A..., présidente-assesseure,

Mme G..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 février 2020.

Le rapporteur,

G...Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01051


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01051
Date de la décision : 10/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Congés de longue maladie.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : ALJOUBAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-10;18bx01051 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award