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06/02/2020 | FRANCE | N°18BX00582

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 06 février 2020, 18BX00582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de défense contre la démolition, l'expropriation ou l'expulsion des habitants de l'immeuble Messager et pour sa réhabilitation a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a mis fin au plan de sauvegarde de la copropriété Messager et d'enjoindre au préfet de reprendre le plan de sauvegarde.

Par un jugement n° 1501114 du 6 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.>
Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2018, l'associ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de défense contre la démolition, l'expropriation ou l'expulsion des habitants de l'immeuble Messager et pour sa réhabilitation a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a mis fin au plan de sauvegarde de la copropriété Messager et d'enjoindre au préfet de reprendre le plan de sauvegarde.

Par un jugement n° 1501114 du 6 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2018, l'association de défense contre la démolition, l'expropriation ou l'expulsion des habitants de l'immeuble Messager et pour sa réhabilitation, représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 29 décembre 2014 mettant fin au plan de sauvegarde de la copropriété Messager ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 350 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'erreurs de fait : les chiffrages du coût de la démolition-reconstruction et de celui de la réhabilitation ainsi que le chiffrage du coût de la prise en charge par chaque propriétaire pour la réhabilitation, mentionnés dans le jugement sont inexacts ;

- le jugement est entaché d'erreur d'appréciation du fait que les chiffrages retenus par la juridiction de première instance sont inexacts ;

- le projet de rénovation urbaine n'implique pas nécessairement la démolition de la résidence Messager ;

- le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable à la demande de déclaration d'utilité publique ainsi qu'aux demandes d'expropriation ;

- la circonstance que les copropriétaires n'aient pas mis en oeuvre tous les objectifs du plan de sauvegarde est insuffisante à fonder l'arrêté du 29 décembre 2014 et le jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la contestation des montants est sans influence sur la légalité de la décision ;

- le moyen tiré de l'avis défavorable du commissaire enquêteur est inopérant ;

- la fin du plan de sauvegarde était justifiée par la démolition programmée de l'immeuble Messager.

Par ordonnance du 26 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 avril 2019 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... A...,

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'ensemble immobilier en copropriété dit " Messager " situé dans le quartier de la Reynerie à Toulouse est un immeuble érigé en 1968, composé de 16 niveaux et de 260 logements locatifs sociaux et de logements privés en location ou non. A la demande du conseil général de la Haute Garonne, suite à une expertise menée par le syndicat mixte chargé de l'aménagement des grands projets toulousains, conduite en 2006 et 2007, qui a révélé une nette dégradation physique, sociale et sécuritaire de la propriété, le préfet de la Haute-Garonne, par arrêté en date du 28 octobre 2008, pris sur le fondement de 1'article L. 615-1 du code de la construction et de 1'habitation, a institué une commission ayant pour mission d'élaborer un plan de sauvegarde destiné à résoudre les difficultés sociales, techniques et financières auxquelles était confronté l'ensemble immobilier en copropriété dit " Messager ". Ce plan de sauvegarde a été approuvé pour une durée de cinq ans, par un arrêté en date du 16 avril 2012 du préfet de la Haute-Garonne. Cependant, par arrêté du 29 décembre 2014, le préfet de la Haute-Garonne a mis fin à ce plan de sauvegarde. L'association de défense contre la démolition, l'expropriation ou l'expulsion des habitants de l'immeuble Messager et pour sa réhabilitation relève appel du jugement du 6 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 29 décembre 2014.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 615-1 du code de la construction et de l'habitation : " I. -Lorsqu'un groupe d'immeubles ou un ensemble immobilier déterminé, à usage d'habitation (...), soumis au régime de la copropriété, (...) est confronté à de graves difficultés sociales, techniques et financières résultant notamment de complexités juridiques ou techniques et risquant à terme de compromettre leur conservation, le représentant de l'Etat dans le département peut (...) confier à une commission qu'il constitue le soin d'élaborer un diagnostic de la situation et de proposer un plan de sauvegarde destiné à résoudre les difficultés du groupe d'immeubles bâtis ou de l'ensemble immobilier concerné. Cette commission comprend obligatoirement des représentants des propriétaires et des locataires des immeubles concernés. II. -Le projet de plan de sauvegarde est soumis à l'approbation du représentant de l'Etat dans le département et à l'avis du maire, du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat (...) ". Aux termes de l'article L. 615-2 du même code : " I. -Le plan de sauvegarde fixe les mesures nécessaires pour, dans un délai de cinq ans, sur la base des engagements souscrits par les collectivités publiques, les organismes publics ou les personnes privées concernées : -redresser la situation financière de la copropriété; -clarifier et simplifier les règles de structure et d'administration du groupe d'immeubles bâtis ou de l'ensemble immobilier ; -clarifier et adapter le statut de biens et équipements collectifs à usage public ; -réaliser ou faire réaliser par un tiers des travaux de conservation de l'immeuble ou tendant à la réduction des charges de fonctionnement ; -assurer l'information et la formation des occupants de l'immeuble pour restaurer les relations sociales ; -organiser la mise en place de mesures d'accompagnement. Le plan de sauvegarde fait l'objet d'une convention de mise en oeuvre entre les personnes de droit public compétentes, (...) et, le cas échéant, les personnes privées intéressées aux fins, notamment, de préciser l'échéancier de ces mesures ainsi que les conditions de leur financement, les modalités d'intervention des différents opérateurs mandatés par les signataires (...). La convention précise également les modalités d'évaluation du plan de sauvegarde ainsi que les modalités de suivi de la copropriété au terme du plan. (...) III. -Le représentant de l'Etat peut, après évaluation et consultation de la commission mentionnée au I de l'article L. 615-1 et selon les modalités prévues au II du même article, modifier le plan de sauvegarde initial lors de la nomination d'un administrateur provisoire ou prolonger le plan de sauvegarde, par période de deux ans, si le redressement de la copropriété le nécessite ".

3. Il ressort des pièces du dossier, que le plan de sauvegarde destiné à résoudre les difficultés sociales, techniques et financières auxquelles était confronté l'ensemble immobilier en copropriété dit " Messager ", approuvé le 16 avril 2012, s'est donné pour objectifs de réaliser un programme de travaux urgents et conservatoires de mise en sécurité, de mettre en place des mesures d'accompagnement juridique et financier de la copropriété, d'accompagnement social et d'anticipation de la stratégie de relogement des habitants, dans la perspective du rachat des logements privés par l'Etat, de la dissolution de la copropriété, et de la démolition de l'immeuble en vue de sa reconstruction. Il ressort également des pièces du dossier, que dans le cadre de la convention portant sur le projet de rénovation urbaine de la zone urbaine sensible (ZUS) Reynerie-Bellefontaine conclu par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) le 6 mars 2007 avec notamment la commune de Toulouse, la communauté d'agglomération du Grand Toulouse, la région Midi-Pyrénées, l'Etat et plusieurs offices publics de l'habitat, le conseil d'administration de l'ANRU, lors de sa séance du 2 avril 2014, a donné un avis favorable à la mise en oeuvre immédiate de la procédure de relogement des familles afin de procéder à une démolition effective de l'immeuble Messager en 2017. Cette démolition a d'ailleurs été intégrée dans l'avenant n°5 à la convention de rénovation urbaine, signé le 19 mars 2015. Ainsi, c'est dans ces conditions que la commission de suivi du plan de sauvegarde de la copropriété Messager, lors de sa réunion du 11 juillet 2014, a constaté la réalisation des travaux urgents de mise en sécurité de l'immeuble, a pris acte du refus des propriétaires de financer des travaux conservatoires eu égard " au devenir incertain de l'immeuble " et a constaté la réalisation partielle des objectifs de suivi social compte tenu du défaut de participation de certains propriétaires privés et, prenant acte de l'avis rendu par le conseil d'administration de l'ANRU le 2 avril 2014, a décidé de limiter les dépenses à l'entretien courant, de mettre en place la procédure d'accompagnement vers le relogement et de mettre fin au plan de sauvegarde. C'est ainsi, qu'à la suite de cet avis, le préfet de la Haute-Garonne a pris, le 29 décembre 2014, l'arrêté contesté mettant fin au plan de sauvegarde.

4. En premier lieu, pour contester le jugement du tribunal administratif rendu le 6 décembre 2017, ayant rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 29 décembre 2014, l'association requérante soutient qu'il serait entaché d'erreurs de fait concernant, d'une part, le chiffrage du coût de la démolition-reconstruction de l'immeuble et, d'autre part, le chiffrage du coût global de sa réhabilitation et du montant du coût de la prise en charge pour chaque propriétaire. A l'appui de son moyen, l'association se prévaut des résultats de l'enquête publique réalisée préalablement à la déclaration d'utilité publique des travaux nécessaires à la réalisation du projet urbain du quartier Reynerie qui s'est déroulée du 19 septembre au 27 octobre 2017, et notamment des conclusions du commissaire enquêteur qui a émis un avis défavorable au projet le 15 décembre 2017 avec, s'agissant de l'immeuble " Messager ", des réserves quant à sa démolition et recommandé d'étudier les conditions d'une réhabilitation. Cependant, il convient de rappeler, d'une part, que le rapport et les estimations du commissaire enquêteur contenues dans ce rapport ont été établis postérieurement à l'édiction de l'arrêté du 29 décembre 2014, et que, d'autre part, il ressort des termes mêmes de cet arrêté que le préfet ne s'est pas fondé sur cet élément afférent au coût respectif des projets de démolition-reconstruction de l'immeuble et de sa réhabilitation pour prendre la décision attaquée mais sur les motifs tirées de l'échec du plan de sauvegarde compte tenu notamment du refus des copropriétaires de financer les mesures conservatoires nécessaires à la réhabilitation de l'ensemble immobilier, de la réalisation seulement partielle des objectifs sociaux et, de manière prépondérante, sur la démolition de l'immeuble impliquée par le projet de rénovation urbaine du quartier. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement et l'arrêté attaqué seraient entachés d'erreurs de fait comme étant en contradiction avec les éléments du rapport du commissaire enquêteur doit être écarté.

5. En deuxième lieu, et eu égard aux circonstances énoncées au point 4, l'association requérante n'est pas fondée à soulever une erreur d'appréciation dans les chiffrages des opérations de réhabilitation ou de destruction du bâtiment " Messager ".

6. En troisième lieu, l'arrêté préfectoral contesté n'ayant par lui-même ni pour objet ni pour effet de décider la démolition de l'immeuble, l'association requérante ne peut utilement soutenir que cette hypothèse ne correspondrait pas aux intérêts de ses habitants. Eu égard aux objectifs fixés par le plan de sauvegarde, à leur mise en oeuvre partielle, à la difficulté de réaliser les objectifs non atteints compte tenu de la programmation à moyen terme d'un plan de rénovation urbaine pour le quartier, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'il n'était pas nécessaire de poursuivre le plan de sauvegarde initié le 28 octobre 2008.

7. Par ailleurs, la circonstance que le commissaire enquêteur ait émis en 2017 un avis défavorable à la demande de déclaration d'utilité publique ainsi qu'aux demandes d'expropriation est sans incidence sur la légalité de l'arrêté pris en 2014, qui au demeurant ne se prononce pas sur le bien- fondé de la démolition et n'implique pas la destruction de l'immeuble. De plus, et en tout état de cause, l'avis du commissaire enquêteur ne lie pas l'autorité administrative compétente

8. Il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'association de défense contre la démolition, l'expropriation ou l'expulsion des habitants de l'immeuble Messager et pour sa réhabilitation, de la somme qu'elle sollicite au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association de défense contre la démolition, l'expropriation ou l'expulsion des habitants de l'immeuble Messager et pour sa réhabilitation est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de défense contre la démolition, l'expropriation ou l'expulsion des habitants de l'immeuble Messager et pour sa réhabilitation et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. B... A..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 février 2020.

Le rapporteur,

Dominique A...

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00582
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-02-016-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Opérations d'aménagement urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : RAMONDENC NICOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-06;18bx00582 ?
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