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16/01/2020 | FRANCE | N°19BX01750

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 16 janvier 2020, 19BX01750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre audit préfet sa remise en liberté immédiate, d'enregistrer sa demande d'asile dans le délai de 48 heures sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande d'asile dans le délai

d'un mois.

Par un jugement n° 1900092 du 10 janvier 2019, le magistrat dés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre audit préfet sa remise en liberté immédiate, d'enregistrer sa demande d'asile dans le délai de 48 heures sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande d'asile dans le délai d'un mois.

Par un jugement n° 1900092 du 10 janvier 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 avril 2019, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 10 janvier 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de le mettre en mesure de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans un délai de 48 heures à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur d'appréciation en estimant qu'il ne démontrait pas que sa demande ne ferait pas l'objet d'un examen sérieux en Autriche et qu'il serait reconduit en Afghanistan où il encourt des persécutions ;

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il sera reconduit rapidement dans son pays d'origine en cas d'exécution de la décision de transfert dès lors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par les autorités autrichiennes, et il craint pour sa vie en cas de renvoi en Afghanistan, en raison de la situation de violence généralisée qui prévaut dans ce pays, de sorte que l'arrêté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté est entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles 17.1 et 17.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n ° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant afghan né le 11 novembre 1986, déclare être entré irrégulièrement en France le 17 octobre 2018 afin d'y solliciter l'asile. Par arrêté du 8 janvier 2019, le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités autrichiennes. M. C..., qui a été déclaré en fuite aux autorités autrichiennes le 30 avril 2019, relève appel du jugement du 10 janvier 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 8 janvier 2019 :

2. Par un arrêté du 10 novembre 2018, publié le même jour au recueil n° 31-2018-241 des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne, le préfet de ce département a donné délégation à Mme G... F..., directrice des migrations et de l'intégration et signataire de la décision attaquée, à l'effet de signer, notamment toutes les décisions relatives au séjour et à la police des étrangers. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

3. L'arrêté attaqué comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement, y compris, contrairement à ce que soutient le requérant, s'agissant de sa vie privée et familiale. Il est, par suite, suffisamment motivé.

4. Les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué porterait une atteinte disproportionnée au droit du requérant à mener une vie privée et familiale normale et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre État qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet État. (...) / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'État d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre État ".

6. Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque État membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile. Cette possibilité doit en particulier être mise en oeuvre lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Si M. C... fait valoir que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par les autorités autrichiennes et qu'il encourt un risque en cas de retour en Afghanistan, il ne produit aucun élément établissant que sa demande d'asile aurait été définitivement rejetée, qu'il ferait l'objet en Autriche d'une mesure d'éloignement à destination de l'Afghanistan, ou que sa demande ne pourrait être prise en charge en Autriche dans des conditions adéquates. M. C... ne présente pas davantage d'élément au soutien de son affirmation selon laquelle il justifie de " circonstances exceptionnelles et de raisons humanitaires fondées sur des motifs familiaux et culturels " justifiant que le préfet examine sa demande au regard des dispositions précitées. Dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant son transfert en Autriche personnelle et méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter par voie de conséquence ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Didier Salvi, président,

M. A... B..., premier conseiller,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 janvier 2020.

Le rapporteur,

David B...Le président,

Didier Salvi

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19BX01750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01750
Date de la décision : 16/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CANADAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-16;19bx01750 ?
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