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16/01/2020 | FRANCE | N°18BX02961

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 16 janvier 2020, 18BX02961


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2018, la société Anviroche et la société Guilima, représentées par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2018 par lequel le maire de Puilboreau a délivré à la société Lidl un permis de construire portant sur la création d'un supermarché à l'enseigne Lidl d'une surface de vente de 1 642 mètres carrés en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 7

61-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- il ne ressort pas des pièces ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2018, la société Anviroche et la société Guilima, représentées par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2018 par lequel le maire de Puilboreau a délivré à la société Lidl un permis de construire portant sur la création d'un supermarché à l'enseigne Lidl d'une surface de vente de 1 642 mètres carrés en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la CNAC ont été régulièrement convoqués cinq jours au moins avant la réunion de ladite commission en application des dispositions de l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- il n'est pas davantage établi que les membres de la commission auraient reçu, en temps utile, les éléments d'information mentionnés à l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- le projet n'est pas compatible avec les orientations et objectifs du schéma de cohérence de la communauté d'agglomération de La Rochelle dès lors qu'il accroît l'offre de magasins alimentaires déjà disponibles sur la zone commerciale de Beaulieu et qu'il est prévu que 90 % des clients s'y rendront en voiture ;

- le dossier de demande est incomplet en ce qu'il ne mentionne pas la présence dans la zone de chalandise du projet de deux petites surfaces commerciales alimentaires ;

- le projet compromet l'objectif d'aménagement du territoire fixé par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce dès lors qu'il renforce le déséquilibre de l'offre commerciale existante entre l'unité urbaine centrale constituée notamment des communes de La Rochelle et Puilboreau et le bassin de vie de sa zone de chalandise identifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2018, la SNC Lidl, représentée par la SELARL Leonem, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des sociétés requérantes le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

La Commission nationale d'aménagement commercial a transmis à la cour le dossier d'instruction de la demande de la société Lidl le 20 décembre 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2019, la commune de Puilboreau, représentée par la SCP Pielberg-Kolenc, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des sociétés requérantes le paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la commune de Puilboreau et les observations de Me C..., représentant la société Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 25 mai 2018, le maire de Puilboreau a délivré à la société Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un supermarché à l'enseigne " Lidl " d'une surface de vente de 1 642 mètres carrés sur un terrain situé 21 rue du 18 juin au sein de la zone d'aménagement commercial de Beaulieu. Les sociétés Anviroche et Guilima, qui exploitent chacune un magasin de distribution alimentaire aux enseignes respectives de " Leader Price " et " Netto " au sein de la même zone d'aménagement commercial, demandent l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la régularité de la convocation des membres de la Commission nationale d'aménagement commercial :

2. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".

3. D'une part, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, ni d'aucun principe, que les avis de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent comporter des mentions attestant de la convocation régulière de ses membres ou de l'envoi dans les délais de l'ordre du jour et des documents nécessaires à ses délibérations. D'autre part, la Commission nationale d'aménagement commercial a produit une copie du courrier de convocation, en date du 18 janvier 2018, pour la séance du 1er février 2018, soit plus de cinq jours avant celle-ci, accompagnée d'une attestation de la société Dematis certifiant que cette convocation a été transmise le jour même aux membres de la commission. Le courrier de convocation indique que les documents relatifs aux dossiers examinés seront disponibles sur la plateforme de téléchargement cinq jours au moins avant la tenue de la séance. Les sociétés requérantes n'apportant aucun élément contredisant ces mentions, les moyens tirés de ce que les membres de la commission n'auraient pas été convoqués dans les délais requis, de ce que les documents prévus par les dispositions précitées ne leur auraient pas été régulièrement transmis et de ce que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial ne fait pas mention des modalités de convocation doivent être écartés.

En ce qui concerne la composition du dossier :

4. Si les sociétés requérantes soutiennent que le dossier de demande serait incomplet en ce que la liste des commerces à dominante alimentaire situés dans la zone commerciale de Beaulieu ne comprend pas deux petites surfaces alimentaires dont l'une d'alimentation biologique, elles ne démontrent pas que cette omission, à la supposer avérée, aurait eu une incidence sur le sens de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial. Au demeurant, il ressort du dossier transmis par cette dernière que celle-ci a pris en compte la présence au sein de la zone de surfaces commerciales à dominante alimentaire " bio ". Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande doit être écarté.

En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence de l'agglomération de La Rochelle :

5. Aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme : " Sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale : / (...) 8° Les autorisations prévues par l'article L. 752-1 du code de commerce (...) ". Aux termes de l'article L. 141-16 du code de l'urbanisme : " Le document d'orientation et d'objectifs précise les orientations relatives à l'équipement commercial et artisanal. / Il définit les localisations préférentielles des commerces en prenant en compte les objectifs de revitalisation des centres-villes, de maintien d'une offre commerciale diversifiée de proximité permettant de répondre aux besoins courants de la population tout en limitant les obligations de déplacement et les émissions de gaz à effet de serre, de cohérence entre la localisation des équipements commerciaux et la maîtrise des flux de personnes et de marchandises, de consommation économe de l'espace et de préservation de l'environnement, des paysages et de l'architecture ".

6. A l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ces derniers doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. En matière d'aménagement commercial, s'il ne leur appartient pas, sous réserve des dispositions applicables aux zones d'aménagement commercial, d'interdire par des dispositions impératives certaines opérations de création ou d'extension relevant des qualifications et procédures prévues au titre V du livre VII du code de commerce, ils peuvent fixer des orientations générales et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales définis en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme. Si de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

7. Il ressort des pièces du dossier que le schéma de cohérence de l'agglomération de La Rochelle approuvé le 28 avril 2011 qualifie la zone commerciale de Beaulieu, au sein de laquelle s'implante le projet litigieux, de " polarité commerciale majeure et structurante " disposant " d'une chalandise d'importance régionale ". S'il indique par ailleurs qu'il n'est pas envisagé de mettre en place d'autre polarité commerciale de cette nature et de cette échelle, il en admet l'extension limitée, en rapport avec une restructuration et une meilleure utilisation de l'espace. Le projet litigieux constitue, eu égard à la surface de vente qu'il développe, une extension limitée de l'offre commerciale disponible. Il ressort également des pièces du dossier qu'il se substituera à une friche commerciale, ce qui participe de la restructuration du site. Par ailleurs, le projet définit une zone de chalandise correspondant au territoire de onze communes, dont la délimitation n'est pas contestée par les sociétés requérantes. Dès lors, les dispositions du schéma de cohérence territoriale qu'elles invoquent, qui concernent les surfaces commerciales ayant des " zones de chalandise d'ampleur communale ou de quartier ", ne peuvent être utilement invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que le permis de construire litigieux serait incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération de La Rochelle doit être écarté.

En ce qui concerne le respect de l'objectif d'aménagement du territoire :

8. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce applicable : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ". Aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

9. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 7, le projet permettra de résorber une friche commerciale. En deuxième lieu, si les sociétés requérantes soutiennent que le projet aura pour effet de renforcer le déséquilibre commercial existant entre l'unité urbaine centrale de l'agglomération de La Rochelle et les communes situées en périphérie, il ressort des pièces du dossier que le projet permettra d'implanter une nouvelle surface commerciale à dominante alimentaire au sein du parc commercial de Beaulieu, qui comprend, pour l'essentiel, une cinquantaine de commerces de plus de 300 mètres carrés affectés au secteur non alimentaire, et ainsi de renforcer son attractivité et de maîtriser l'évasion commerciale vers d'autres pôles extérieurs à la zone de chalandise. Par ailleurs, aucun élément ne permet de considérer que le projet serait de nature à favoriser une évasion commerciale de la clientèle des commerces de la commune de La Rochelle, alors que cette commune est exclue de la zone de chalandise, laquelle n'est pas contestée, et que la croissance démographique dans cette zone de chalandise s'est établie à 33,5% entre 1999 et 2015. Il ressort également des pièces du dossier que le projet sera desservi par la ligne 4 du réseau " Yélo " exploité par la communauté d'agglomération de La Rochelle, qui comporte un arrêt situé devant le site du projet, et deux autres situés respectivement à 150 et 250 mètres. Enfin, si le terrain du projet litigieux ne dispose pas d'aménagement permettant un accès à vélo, il n'est pas contesté qu'un projet de requalification de la zone commerciale de Beaulieu doit conduire à créer des voies cyclables sécurisées le long de la rue du 18 juin, et le projet prévoit la réalisation d'emplacements de stationnement pour vélos. Dans ces conditions, la commission nationale a pu estimer, sans erreur d'appréciation, que le projet en litige ne compromet pas l'objectif d'aménagement du territoire.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Anviroche et Guilima ne sont pas fondées à demander l'annulation du permis de construire délivré le 25 mai 2018 à la société Lidl par le maire de Puilboreau en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à la présente instance, la somme que demandent les sociétés requérantes au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de ces dernières, à ce titre, une somme globale de 1 500 euros à verser d'une part à la commune de Puilboreau et d'autre part à la société Lidl.

DECIDE :

Article 1er : La requête des sociétés Anviroche et Guilima est rejetée.

Article 2 : Les sociétés Anviroche et Guilima verseront une somme de 1 500 euros à la commune de Puiboreau et une somme de 1 500 euros à la société Lidl au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Anviroche, à la société par actions simplifiée Guilima, à la commune de Puilboreau, à la société Lidl et au ministre de l'économie et des finances (Commission nationale d'aménagement commercial).

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Didier Salvi, président,

M. A... B..., premier conseiller,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 janvier 2020.

Le rapporteur,

David B...Le président,

Didier Salvi

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18BX02961


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02961
Date de la décision : 16/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-16;18bx02961 ?
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