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14/01/2020 | FRANCE | N°19BX03056

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 14 janvier 2020, 19BX03056


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté

du 31 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre

de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900830 du 15 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée

le 8 août 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté

du 31 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre

de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900830 du 15 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Garonne du 31 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa demande et de lui délivrer, le cas échéant sous astreinte, un titre de séjour " étranger malade ", ou à titre subsidiaire un titre de séjour " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme

de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le mémoire complémentaire et la pièce n° 25 qu'il a produits le 17 juin 2019, avant la clôture de l'instruction, n'ont pas été communiqués, et cette pièce n'a pas été prise en compte par le jugement ; en outre, le tribunal a mis en doute les liens de parenté de son épouse avec ses frères et soeurs résidant en France, dont il avait pourtant été justifié ; ainsi, le jugement est irrégulier ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne tient pas compte de la réalité de sa situation familiale, ce qui révèle en outre un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- son état de santé nécessite une prise en charge médicale et sa situation de chômeur ne lui permettrait pas d'accéder aux soins en Tunisie ; ainsi, le refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la totalité de sa belle-famille est établie en France, ses enfants y sont scolarisés depuis quatre ans ; ainsi, le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ses enfants ont en France leurs attaches familiales et leurs amis et un retour en Tunisie risquerait de compromettre leur scolarité dès lors qu'ils ne pratiquent plus l'arabe littéraire depuis quatre ans, et son fils né en 2009 n'a jamais été scolarisé en Tunisie ; ainsi, la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- eu égard à son état de santé, elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour les motifs exposés précédemment, elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2019, le préfet de

la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 14 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tunisien, est entré en France le 12 février 2015 et s'y est maintenu au-delà de l'expiration de son visa " circulation " l'autorisant à un séjour de 90 jours. Après s'être désisté d'une précédente demande ayant le même objet, il a sollicité le 27 avril 2017 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté

du 8 novembre 2018, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 15 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire complémentaire visé par le jugement attaqué et la pièce n° 25 qui lui était jointe, produits le 17 juin 2019 avant la clôture de l'instruction, n'apportaient pas d'élément nouveau. Par suite, la circonstance que le tribunal ne les a pas communiqués est sans incidence sur la régularité du jugement, qui ne tient pas compte de ce mémoire et de cette pièce.

3. La critique de la position prise par les premiers juges sur les liens familiaux en France de l'épouse de M. C... ne relève pas de la régularité du jugement attaqué, mais de

son bien-fondé.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

4. La décision comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Si M. C... fait valoir qu'elle ne tient pas compte de la réalité de sa situation familiale, cette critique relève du fond, et non de la régularité de la motivation. En l'espèce, il ne ressort pas de cette motivation régulière que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de M. C....

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ". Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 24 novembre 2017, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Cette appréciation n'est pas contredite par les pièces produites, qui l'ont déjà été en première instance. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le refus de lui délivrer le titre de séjour prévu par les dispositions précitées serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". A la date de la décision contestée, M. C... ne résidait en France que depuis quatre ans avec son épouse et leurs quatre enfants. S'il justifie en appel des attaches familiales en France de son épouse, constituées d'une soeur de nationalité française et de trois frères titulaires de titres de séjour en cours de validité, cette circonstance ne suffit pas à faire regarder le refus de titre de séjour qui lui est opposé comme contraire aux stipulations précitées.

7. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation. En l'espèce, la circonstance que les quatre enfants de M. C..., nés en juin 2002, janvier 2006, décembre 2006 et juin 2009, sont scolarisés en France depuis quatre ans, n'est pas de nature à faire douter de la possibilité d'une poursuite de leur scolarité en Tunisie, quand bien même leur manque de pratique de l'arabe littéraire leur occasionnerait des difficultés. Les attaches familiales les plus proches des enfants sont leurs parents, tous deux en situation irrégulière, qu'ils ont vocation à suivre en Tunisie. Par suite, le refus de titre de séjour opposé à leur père ne méconnaît pas les stipulations précitées.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. M. C... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance, et sans critiquer utilement les réponses apportées par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... D..., présidente-assesseure,

M. Thierry Sorin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2020.

La rapporteure,

Anne D...

Le président,

Catherine GiraultLa greffière,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03056


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03056
Date de la décision : 14/01/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : SFEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-14;19bx03056 ?
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