Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Association des Parents et Amis Gestionnaires d'Etablissements Sociaux et
Médico-Sociaux (APAGESMS) a demandé au tribunal administratif de Poitiers, par une requête n° 1101868, d'annuler la " décision budgétaire du 21 mars 2011 " de l'agence régionale de santé (ARS) de Poitou-Charentes, et, par une requête n° 1101867, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'ARS à lui verser la somme de 109 039 euros " à titre de dommages et intérêts ".
Par un jugement nos 1101867, 1101868 du 28 mai 2014, le tribunal a renvoyé ces demandes au tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux.
Par un jugement du 4 mars 2015, le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux a annulé la décision de l'ARS du 21 mars 2011 et transmis au Conseil d'Etat le dossier de la demande indemnitaire.
Par une ordonnance du 15 avril 2015, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué cette demande au tribunal administratif de Poitiers.
Par un jugement n° 1501064 du 12 avril 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande indemnitaire de l'APAGESMS.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 juin 2017, l'APAGESMS, représentée par
la SELARL Moriceau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1501064
du 12 avril 2017 ;
2°) de condamner l'ARS de Poitou-Charentes à lui verser une indemnité de 81 027 euros au titre du préjudice subi entre 2008 et 2010 du fait de la clé de répartition appliquée pour la répartition de ses frais de siège entre les établissements qu'elle gère ;
3°) de mettre à la charge de l'ARS de Poitou-Charentes une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- lors de l'instruction de sa demande d'agrément, l'administration aurait dû lui accorder le bénéfice du point 20 de la circulaire DGAS/5 B n° 2005-45 du 25 janvier 2005 invitant à exclure les compléments de rémunération versés par l'Etat aux travailleurs handicapés des charges des ESAT prises en compte pour la répartition des frais de siège ; l'ADEI et l'association Emmanuelle, agréées antérieurement au 1er juillet 2006, ont bénéficié de cette interprétation ; le fait que l'agrément lui a été délivré en 2009 est sans incidence sur son droit à l'application de cette circulaire ;
- contrairement aux associations ADEI et Emmanuelle, placées dans une situation identique au regard des buts poursuivis et des établissements gérés, elle n'a pas bénéficié de la déduction du complément de rémunération versé par l'Etat aux travailleurs handicapés, plus avantageuse pour les gestionnaires, ce qui caractérise une rupture d'égalité devant les charges publiques ;
- le jugement lui oppose à tort le fait qu'elle n'aurait pas sollicité le bénéfice des dispositions de l'article R. 314-129 du code de l'action sociale et des familles lors de la délivrance de son " autorisation de frais de siège " en 2009, dès lors que l'administration l'a empêchée de le faire; dans ce contexte particulier, il appartient à l'administration d'établir qu'elle n'a pas commis de discrimination à l'égard de l'administré ;
- l'administration, qui n'a cessé de lui demander des pièces complémentaires entre 2006 et 2009, a retardé de manière abusive la délivrance de l'agrément ;
- son préjudice de 81 027 euros se décompose en 25 694 euros au titre de l'année 2008, 27 755 euros au titre de l'année 2009 et 27 308 euros au titre de l'année 2010.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2019, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- l'article 5 du décret n° 2006-703 du 16 juin 2006 a été abrogé par le
décret n° 2010-344 du 31 mars 2010 ; ainsi, pour la période du 1er janvier 2007 au 31 mars 2010, les établissements dont le siège social avait fait l'objet d'un agrément avant le 1er juillet 2006 pouvaient solliciter le bénéfice des dispositions du I de l'article R. 314-129 dès
le 1er janvier 2007, tandis que ceux dont le siège avait été agréé après le 1er juillet 2006 ne pouvaient solliciter le bénéfice de ces dispositions que lors du renouvellement de l'autorisation des frais de siège ; dès lors qu'aucun recours, administratif ou contentieux, n'a été présenté pour contester ni l'arrêté du 27 novembre 2009 portant autorisation de frais de siège social de l'APAGESMS, ni les arrêtés fixant les dotations globales de financement des ESAT au titre des années 2008 à 2010, l'existence d'une faute de l'administration n'est pas établie ;
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la situation de l'APAGESMS n'était pas comparable à celle de l'association Emmanuelle et de l'ADEI, dont les autorisations de frais de siège étaient antérieures au 1er juillet 2006, ce qui leur permettait de bénéficier des dispositions transitoires de l'article 5 du décret n° 2006-703 du 16 juin 2006 ;
- la circulaire du 25 janvier 2005, interprétée de manière erronée par l'APAGESMS, s'est bornée à écarter la prise en charge par les budgets sociaux des ESAT de primes indues au personnel d'encadrement, et ne se prononce pas sur la déduction, dans les charges prises en compte pour le calcul de la quote-part de frais de siège social, des compléments de rémunération versés aux travailleurs handicapés ;
- à titre subsidiaire, l'estimation du préjudice subi est théorique dès lors qu'elle repose sur l'hypothèse que toute chose est restée égale par ailleurs, ce qui apparaît peu réaliste au regard des faibles taux directeurs accordés sur les budgets des ESAT sur l'ensemble de la période ;
au mieux, si l'ARS avait retenu une clé de répartition différente, elle aurait vraisemblablement fait application des dispositions de l'article R. 314-87 du code de l'action sociale et des familles permettant d'abroger l'autorisation des frais de siège si les conditions de son octroi cessent d'être remplies.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le décret n° 2003-1010 du 23 octobre 2003, notamment son article 167 issu du décret n° 2006-703 du 16 juin 2006 ;
- l'arrêté du 10 novembre 2003 fixant la liste des pièces prévues au III de l'article 89 du décret du 22 octobre 2003 relative à la demande d'autorisation et de renouvellement d'autorisation de frais de siège social ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant l'APAGESMS.
Considérant ce qui suit :
1. L'APAGESMS, association gestionnaire d'établissements sociaux et médico-sociaux, relève appel du jugement du 12 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'agence régionale de santé (ARS) de
Poitou-Charentes à lui verser une indemnité de 81 027 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, pour les années 2008 à 2010, du fait des modalités de calcul de la répartition d'une quote-part de ses frais de siège entre les budgets des trois établissements et services d'aide par le travail (ESAT) qu'elle gère, à raison de l'inclusion, dans les charges brutes des sections d'exploitation de ces ESAT, des aides au poste versées par l'Etat aux travailleurs handicapés. Elle soutient que l'administration aurait dû lui accorder le bénéfice des dispositions de
l'article R. 314-129 du code de l'action sociale et des familles permettant d'exclure ces aides du calcul des charges en cause, et invoque la méconnaissance du principe d'égalité dès lors que d'autres associations gestionnaires d'ESAT en ont bénéficié, ainsi qu'un comportement fautif de l'administration lors de l'instruction et de la délivrance de son " autorisation de frais de siège ".
2. Le VI de l'article L. 314-7 du code de l'action sociale et des familles
dispose : " Les budgets des établissements et services sociaux et médico-sociaux peuvent prendre en compte, éventuellement suivant une répartition établie en fonction du niveau respectif de ces budgets, les dépenses relatives aux frais du siège social de l'organisme gestionnaire pour la part de ces dépenses utiles à la réalisation de leur mission dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 314-87 du même code : " Conformément aux dispositions du VI de l'article L. 314-7, les budgets approuvés des établissements ou services peuvent comporter une quote-part de dépenses relatives aux frais du siège social de l'organisme gestionnaire. / Cette faculté est subordonnée à l'octroi d'une autorisation, délivrée à l'organisme gestionnaire par l'autorité désignée à l'article R. 314-90, qui fixe la nature des prestations, matérielles ou intellectuelles, qui ont vocation à être prises en compte. / L'autorisation est délivrée pour cinq ans renouvelables. (...). ". L'article R. 314-92 de ce code pose le principe selon lequel la répartition, entre les établissements et services, de la quote-part de frais de siège pris en charge par chacun de leurs budgets, s'effectue au prorata des charges brutes de leurs sections d'exploitation, calculées pour le dernier exercice clos. Aux termes du I de
l'article R. 314-129 de ce code : " Par dérogation aux dispositions prévues à l'article R. 314-92, la quote-part des frais de siège du budget de production et de commercialisation d'un établissement ou service d'aide par le travail est calculée, à la demande de son gestionnaire, soit au prorata de ses charges brutes diminuées des aides au poste prévues à l'article L. 243-4, soit au prorata de sa valeur ajoutée. ". Les aides au poste prévues à l'article L. 243-4 sont les compléments de rémunération versés par l'Etat aux établissements pour leur permettre de verser la rémunération minimum garantie aux travailleurs handicapés employés par les ESAT.
Sur les années 2008 et 2009 :
3. Il résulte des dispositions de l'article R. 314-87 du code de l'action sociale et des familles que la possibilité de répartir les dépenses relatives aux frais de siège social entre les budgets des établissements et services sociaux et médico-sociaux, pour la part de ces dépenses utiles à la réalisation de leur mission, est réservée aux organismes gestionnaires bénéficiant d'une autorisation délivrée à cet effet pour une durée de cinq ans. L'APAGESMS, qui s'est vu délivrer cette autorisation par un arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 27 novembre 2009, n'avait pas droit au bénéfice de ces dispositions pour les années 2008 et 2009. La circonstance que l'administration a néanmoins admis la répartition d'une quote-part de ses frais de siège selon les modalités de droit commun fixées à l'article R. 314-92 n'est pas de nature à faire regarder l'association requérante comme placée dans une situation identique à celle de deux associations auxquelles des " autorisations de frais de siège " avaient été délivrées antérieurement au 1er juillet 2006. Par suite, l'attribution du bénéfice des dispositions dérogatoires de l'article R. 314-129 à ces associations ne caractérise pas une méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.
4. La circulaire DGAS/5 B n° 2005-45 du 25 janvier 2005 relative aux questions soulevées par la nouvelle réglementation relative aux frais de siège, qui traite au demeurant de la situation des gestionnaires bénéficiant de l'autorisation mentionnée au point précédent, se borne à rappeler, en son point 20, que le calcul et la répartition des quotes-parts de frais de siège se font au prorata des charges brutes, en application combinée de l'article R. 314-92 et du I de
l'article R. 314-129 du code de l'action sociale et des familles, et à appeler l'attention sur le fait que les budgets commerciaux ne doivent pas financer de charges indues comme certains compléments de rémunération et primes d'intéressement non conventionnelles, ce qui se rapporte aux rémunérations du personnel des associations gestionnaires, et non aux aides au poste versées par l'Etat aux travailleurs handicapés des ESAT. Ainsi, l'APAGESMS ne peut utilement se prévaloir de cette circulaire pour revendiquer un droit à l'application des dispositions dérogatoires de l'article R. 314-129 du code de l'action sociale et des familles.
5. L'APAGESMS soutient que l'administration a délibérément retardé la délivrance de l'" autorisation de frais de siège " qu'elle sollicitait depuis 2006, la privant ainsi de la possibilité de bénéficier des dispositions de l'article R. 314-129 du code de l'action sociale et des familles, en exigeant de manière abusive la production de pièces complémentaires. Toutefois, les pièces qu'elle produit font apparaître que sa première demande, transmise par lettre du 11 juillet 2006, était très incomplète au regard de l'arrêté du 10 novembre 2003 susvisé, et que sa deuxième demande, transmise par lettre du 21 décembre 2006, comportait encore des pièces manquantes au regard de cet arrêté et présentait en outre des données contradictoires. Si l'APAGESMS produit la lettre du 19 avril 2007 par laquelle elle a apporté de nouveaux compléments de dossier, elle n'établit ni n'allègue avoir contesté la décision implicite de rejet de l'administration et ne justifie pas avoir sollicité à nouveau l'autorisation en cause jusqu'au début de l'année 2009, au cours de laquelle sa troisième demande a été instruite concomitamment à la négociation d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens 2009-2014. Dans ces circonstances, le fait que l'" autorisation de frais de siège " ne lui a été délivrée que par un arrêté du préfet de
la Charente-Maritime du 27 novembre 2009 ne peut être regardé comme caractérisant un retard fautif imputable à l'administration.
Sur l'année 2010 :
6. Ainsi que l'a relevé le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale dans sa décision du 4 mars 2015, l'article 167 fixant les dispositions transitoires du
décret n° 2003-1010 du 22 octobre 2003, dans sa rédaction modifiée par l'article 5 du
décret n° 2006-703 du 16 juin 2006 en vigueur du 1er janvier 2007 au 1er avril 2010, prévoyait : " 1 - Les autorisations de prise en charge des frais de siège délivrées par le ministre chargé des affaires sociales en vertu de la réglementation applicable antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent décret valent autorisation au sens de l'article 88. / Leur validité est de cinq années à compter de la date de publication du présent décret. / II -Le I de l'article R. 314-129 du code de l'action sociale et des familles entre en application lors du renouvellement d'autorisation du siège social en application de l'article R. 314-87 du même code. ". Si l'APAGESMS reproche à l'administration de lui avoir imposé, par l'arrêté du 27 novembre 2009, une " autorisation de frais de siège " selon les modalités de calcul de droit commun, alors qu'elle aurait revendiqué celles des dispositions dérogatoires de l'article R. 314-129 du code de l'action sociale et des familles, elle n'a pas contesté cet arrêté, au demeurant élaboré dans le cadre d'une négociation commune avec le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens 2014-2019 par lequel l'Etat a augmenté de manière substantielle sa contribution au financement des trois ESAT qu'elle gère. Lorsque l'association requérante a sollicité, le 12 février 2010, la répartition de ses frais de siège selon les modalités de l'article R. 314-129, les dispositions alors en vigueur du II de l'article 167 du décret du 22 octobre 2003 faisaient obstacle à ce qu'elle puisse en bénéficier avant le renouvellement de l'" autorisation de frais de siège " accordée jusqu'au 31 décembre 2013.
7. Il est constant qu'au titre de l'année 2010, la répartition des frais de siège de l'APAGESMS entre les trois ESAT qu'elle gère a été réalisée conformément à l'arrêté
du 27 novembre 2009, qui ne peut être regardé comme illégal. La circonstance que d'autres associations, placées dans une situation de droit différente, ont alors bénéficié des dispositions dérogatoires de l'article R. 314-129 du code de l'action sociale et des familles, n'est pas
de nature à caractériser une méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.
8. Il résulte de tout ce qui précède que l'APAGESMS n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'APAGESMS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association des Parents et Amis Gestionnaires d'Etablissements Sociaux et Médico-Sociaux, à la ministre des solidarités et de la santé,
à l'agence régionale de santé, et au département de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme A... B..., présidente-assesseure,
M. Thierry Sorin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 décembre 2019.
La rapporteure,
Anne B...
Le président,
Catherine GiraultLa greffière,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01803