Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2017 par lequel le préfet du Tarn a prononcé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 1705739 du 18 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 10 novembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- dès lors qu'il est parent d'enfants français, il ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'expulsion, en vertu du 1° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- dès lors qu'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, il ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'expulsion, en vertu du 4° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- dès lors qu'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qu'il est parent d'enfant français, il ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'expulsion, en vertu du 4° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige déroge à l'interdiction de prononcer une double peine pour les mêmes faits ;
- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- il ne représente pas une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité.
Par ordonnance du 8 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 12 novembre 2019 à 12 heures.
Un mémoire, enregistré le 13 novembre 2019, a été présenté par le préfet du Tarn.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 21 avril 1984, est entré en France mineur puis a bénéficié, à compter de sa majorité, de titres de séjour régulièrement renouvelés. Par arrêté du 10 novembre 2017, le préfet du Tarn a prononcé son expulsion du territoire français. M. A... relève appel du jugement du 18 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Au fond :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : / 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (...) / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) / Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger visé aux 1° à 5° peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ". Aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (...) / Les étrangers mentionnés au présent article bénéficient de ses dispositions même s'ils se trouvent dans la situation prévue au dernier alinéa de l'article L. 521-2 ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en 1999, à l'âge de 15 ans, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial. A sa majorité en 2002, il a obtenu une carte de résident de dix ans puis une carte de séjour temporaire. Le 3 décembre 2015, il a conclu un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française avec laquelle il a eu deux enfants, de nationalité française, nés en 2009 et 2016.
4. Il ressort encore des pièces du dossier que M. A... a été condamné, le 8 janvier 2010, à 400 euros d'amende pour abus de confiance, le 13 janvier 2010, à douze ans de réclusion criminelle pour viol, vol avec violence et tentative de viol, le 15 janvier 2010, à un mois d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve pendant un an et six mois pour rébellion, le 14 janvier 2016, à quatre mois de prison ferme pour agression sexuelle sur personne vulnérable.
5. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la gravité des faits pour lesquels il a été condamné, M. A... constitue une menace grave pour l'ordre public au sens de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte également de ce qui précède que M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 521-2 du même code, en particulier des dispositions du 1° et du 4°, dès lors que, ainsi que le prévoit le dernier alinéa de cet article, il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans.
7. Enfin, si M. A... est parent d'enfant français et s'il peut être regardé comme contribuant à l'entretien et à l'éducation de ses enfants en reversant à leur mère une partie de ce qu'il gagne en travaillant en prison, il ne saurait être regardé comme résidant en France depuis plus de dix ans, à la date de l'arrêté en litige, compte tenu des périodes pendant lesquelles il a été incarcéré depuis 2010. Dès lors, il ne peut pas non plus utilement se prévaloir des dispositions du 4° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En deuxième lieu, l'expulsion d'un étranger n'a pas le caractère d'une sanction, mais d'une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance du principe selon lequel les mêmes faits ne peuvent légalement donner lieu à plus d'une sanction ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. A... est présent en France depuis 1999, il a conclu un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française avec laquelle il a eu deux enfants, de nationalité française, et certains membres de sa famille résident régulièrement en France. Toutefois, compte tenu de la gravité des faits rappelés au point 4 et de leur caractère répété, en ordonnant l'expulsion de M. A... du territoire français, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller
Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.
Le rapporteur,
Romain RousselLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02587