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16/12/2019 | FRANCE | N°19BX02437

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 16 décembre 2019, 19BX02437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite du 9 juillet 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé d'abroger son arrêté du 15 avril 2014 lui ayant refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 1705982 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite du préfet de la Haute-Garonne refusant d'abroger son arrêté du 15 avril 2014.

Procédure devant la cour :

Par une req

uête, enregistrée le 28 juin 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 27 septembre 2019, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite du 9 juillet 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé d'abroger son arrêté du 15 avril 2014 lui ayant refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 1705982 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite du préfet de la Haute-Garonne refusant d'abroger son arrêté du 15 avril 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juin 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 27 septembre 2019, Mme D... A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 mai 2019, en tant qu'il n'a pas statué sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Haute-Garonne en ce qu'elle porte refus de délivrance d'un titre de séjour ;

2°) d'annuler la décision implicite du préfet de la Haute-Garonne en ce qu'elle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, en ce qu'il n'a pas statué sur les conclusions d'annulation d'une décision administrative ; elle demande en effet l'annulation de la décision également en ce qu'elle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'un défaut de motivation, puisque sa demande du 25 septembre 2017 de communication des motifs du refus est demeurée sans réponse ; cette décision implicite est donc illégale ;

- elle est également entachée d'illégalité interne en ce qu'elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, l'essentiel de ses attaches familiales, à savoir son concubin et ses quatre filles, est en France où elle vit depuis onze ans.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête formée par Mme A... est irrecevable, car dépourvue d'objet : en effet, la requête conteste un rejet implicite de délivrance de titre de séjour qui n'est pas né, car ce n'est que depuis le 17 novembre 2017 que les demandes d'admission exceptionnelle au séjour se font par voie postale ; Mme A..., qui s'est bornée à envoyer un simple courrier, ne saurait être regardée comme ayant présenté valablement une demande de titre de séjour, ne s'étant pas personnellement présentée en préfecture comme le lui imposaient les dispositions en vigueur de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; par suite, aucune décision implicite de refus de délivrance d'un titre de séjour n'est née et la demande de Mme A... était irrecevable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales i ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les observations de Me E..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A..., ressortissante kosovare, née en 1982 en ex-Yougoslavie, est entrée irrégulièrement en France, le 16 juin 2006 selon ses déclarations, et y a sollicité le bénéfice de l'asile qui lui a été refusé par la Cour nationale du droit d'asile le 25 mars 2008. Elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 20 avril 2011, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse le 10 novembre 2011 puis la cour administrative d'appel le 27 mars 2012. Son recours gracieux formé le 20 juin 2011 a été rejeté par décision implicite, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse le 22 novembre 2011. Le 4 février 2013, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 313-11-7° et l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 avril 2014, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse le 23 octobre 2014 et la cour administrative d'appel de Bordeaux le 31 mars 2015, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire sans le délai et a fixé le pays de destination. Par un courrier du 4 mai 2017, Mme A... a demandé au préfet de la Haute-Garonne d'une part, d'abroger son arrêté du 15 avril 2014 et, d'autre part, de lui délivrer un titre de séjour, à titre principal avec une mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11-7° ou L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à titre subsidiaire, un titre revêtu de la mention " salarié " sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10 ou L. 313-14 de ce même code. A défaut de réponse explicite, une décision implicite de rejet est née dont la requérante a demandé l'annulation au tribunal administratif de Toulouse. Mme A... fait appel du jugement de ce tribunal du 27 mai 2019, qui a annulé la décision implicite du préfet de la Haute-Garonne refusant d'abroger son arrêté du 15 avril 2014, en ce qu'il n'a pas statué sur ses conclusions tendant à l'annulation de ladite décision implicite, en ce qu'elle porte refus de délivrance d'un titre de séjour.

Sur la régularité du jugement :

2. Comme cela a été dit au point 1 ci-dessus, par son courrier en date du 4 mai 2017, Mme A... a demandé au préfet, d'une part, d'abroger son arrêté du 15 avril 2014 portant refus de séjour et, d'autre part, de lui délivrer un titre de séjour, à titre principal sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11-7° ou L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à titre subsidiaire sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10 ou L. 313-14 de ce même code. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif, qui n'a d'ailleurs visé la demande de l'intéressée que comme tendant à l'annulation d'une décision de rejet de sa demande d'abrogation de l'arrêté du 15 avril 2014, a annulé " la décision implicite du préfet de la Haute-Garonne refusant d'abroger l'arrêté du 15 avril 2014 ". Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir que le jugement du 27 mai 2019 est irrégulier, en ce que les premiers juges n'ont pas statué sur la décision attaquée, en ce qu'elle refusait également la délivrance d'un titre de séjour.

3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer dans cette mesure et de statuer, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions présentées par Mme A... à l'encontre du refus de titre de séjour contenu dans la décision attaquée.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet, en ce qu'elle porte refus de délivrance d'un titre de séjour :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée en appel par le préfet :

4. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans (...), est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour introduire valablement une demande de titre de séjour, il est nécessaire, sauf si l'une des exceptions définies à l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité est applicable, que l'intéressé se présente physiquement à la préfecture. A défaut de disposition expresse en sens contraire, une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait naître, en cas de silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois, délai fixé par l'article R. 311-12-1 du même code, une décision implicite de rejet susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. En pareille circonstance, le préfet n'est pas en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour et peut, le cas échéant, procéder à la régularisation de la situation de l'intéressé. Toutefois, lorsque le refus de titre de séjour est fondé à bon droit sur l'absence de comparution personnelle du demandeur, ce dernier ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour, de moyens autres que ceux tirés d'un vice propre de cette décision.

5. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet à la requête d'appel de Mme A..., tirée d'un non-lieu fondé sur l'absence de naissance d'une décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour, faute pour la requérante de s'être présentée personnellement en préfecture pour l'effectuer, ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne la légalité du refus implicite de titre de séjour :

6. En vertu de ce qui vient d'être dit au point 4 du présent arrêt, Mme A... ne peut invoquer, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur la demande de titre de séjour qu'elle a présentée, des moyens autres que ceux tirés d'un vice propre de ladite décision. Dès lors, elle ne peut utilement se prévaloir, à son encontre, d'une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En revanche, alors qu'il ressort des pièces des dossiers que Mme A... a demandé, par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 septembre 2017 reçu le 25 septembre 2017 en préfecture de la Haute-Garonne, soit dans le délai de recours contentieux, la communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande du 4 mai 2017, en l'absence de réponse du préfet de la Haute-Garonne à sa demande de communication, alors qu'aucune décision explicite n'a confirmé le refus implicite de délivrance d'un titre, la décision attaquée est insuffisamment motivée et doit par suite, être annulée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée, d'une part, à demander l'annulation du jugement, en tant qu'il a omis de statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de la Haute-Garonne refusant de lui délivrer un titre de séjour, et d'autre part, à demander l'annulation de ladite décision.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros que demande Mme A... sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1705982 du 27 mai 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé, en ce qu'il a omis de statuer sur la décision implicite du préfet de la Haute-Garonne refusant à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour.

Article 2 : La décision implicite du préfet de la Haute-Garonne, en tant qu'elle refuse à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour, est annulée.

Article 3 : L'État versera à Mme A... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me E.... Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... B..., présidente-assesseure,

Mme F..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 décembre 2019.

Le rapporteur,

F...Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX02437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02437
Date de la décision : 16/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-16;19bx02437 ?
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