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10/12/2019 | FRANCE | N°17BX02409

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 10 décembre 2019, 17BX02409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bulditec a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la communauté de communes Tarn et Dadou à lui verser la somme de 294 671,92 euros TTC, à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2012 date de son mémoire en réclamation.

Par un jugement n° 1301992 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la communauté de communes Tarn et Dadou à verser à la société Bulditec la somme de 8 358,80 euros TTC, assortie des int

rêts moratoires.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bulditec a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la communauté de communes Tarn et Dadou à lui verser la somme de 294 671,92 euros TTC, à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2012 date de son mémoire en réclamation.

Par un jugement n° 1301992 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la communauté de communes Tarn et Dadou à verser à la société Bulditec la somme de 8 358,80 euros TTC, assortie des intérêts moratoires.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet 2017 et 13 juillet 2018, la société Bulditec, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 mai 2017 en tant qu'il a limité à 8 358,80 euros TTC les sommes qui lui ont été accordées ;

2°) de condamner la Communauté de Communes Tarn et Dadou, devenue Gaillac-Graulhet Agglomération, à lui verser la somme de 294 671,92 euros TTC, somme assortie des intérêts à compter du 17 septembre 2012, date de réception du mémoire de réclamation ;

3°) de mettre à la charge de Gaillac-Graulhet Agglomération la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il y a lieu de lui accorder la somme de 79 753,83 euros en règlement du marché ;

- le marché a subi des modifications et des travaux supplémentaires qui doivent être rémunérés, à savoir la réalisation de sondages sous l'Orangerie pour 430 euros HT, la modification des fondations par pieux par rapport à l'avenant n°1 pour 6 988,97 euros HT, la modification du mur de soutènement dont le surcoût est de 74 503,28 euros, l'allongement de la durée de fourniture de l'échafaudage au lot " enduit à fresque" pour un coût de 9 611,06 euros HT, la reprise des soubassements sous les longrines autour de la placette représentant un surcoût de 1 856,40 euros HT, les travaux de reprise des ouvrages le long du quai de livraison qui ont généré un surcoût de 3 623,80 euros HT, le rebouchage des fenêtres de l'Orangerie pour 1234,50 euros HT, la fourniture et la pose de paillasson pour 1 584,75 euros HT, et enfin le raccordement au réseau d'eau pluviale découvert pour 1 942,50 euros HT ;

- l'allongement de la durée du gros oeuvre, indépendant de l'entreprise, a généré des surcoûts pour 37 913,52 euros HT ;

- l'allongement de la durée de tous corps d'état a généré un surcoût de 21 025,80 euros HT ;

- le délai de règlement de 40 jours n'a jamais été respecté, de sorte qu'elle demande le paiement des intérêts moratoires pour les retards de règlement qu'elle a subis, soit une somme de

4 090,01 euros HT ;

- la durée du chantier a été multipliée par 2,33, et a duré 21 mois au lieu des 9 mois prévus par l'acte d'engagement, les prix des fournitures et matériels ont progressé dans des proportions sans rapport avec l'actualisation acceptée, de sorte que les conditions économiques du marché ont été bouleversées et qu'elle sollicite l'application d'une clause de révision de prix afin de prendre en compte ces nouvelles conditions, soit une somme de 5 653,44 euros ;

- le titre exécutoire émis le 10 novembre 2017 pour le recouvrement des pénalités de retard repose sur une créance prescrite.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 juin 2018, 20 août 2018 et 21 septembre 2018, Gaillac-Graulhet Agglomération, venant aux droits de la communauté de communes de Tarn et Dadou, représentée par Me B..., conclut :

1°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Bulditec la somme de 8 358,80 euros TTC ;

2°) à la condamnation de la société Bulditec à lui verser la somme de 18 794,16 euros au titre des pénalités de retard ;

3°) au rejet de la demande de la société Bulditec comme étant irrecevable et mal fondée ;

4°) à ce que soit mise à la charge de la société Bulditec une somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la totalité du montant du marché soit 352 121,51 euros TTC a été réglée et la société est redevable des pénalités de retard ;

- la requête est irrecevable en raison d'une part de la forclusion du mémoire en réclamation parvenu le 17 septembre 2012 hors délai de 45 jours en application de l'article 13.4.2 du CCAG travaux et en raison de l'absence de signature du mémoire en réclamation ; elle oppose également l'irrecevabilité des demandes indemnitaires, qui ne sont pas suffisamment précises, et qui sont frappées de forclusion en raison du rejet explicite par le maître d'ouvrage le 24 avril 2012 des demandes de la société Bulditec ;

- aucun des moyens soulevés par la société Bulditec n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales (CCAG) travaux de 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... G...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant Gaillac-Graulhet Agglomération.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes Tarn et Dadou, aux droits de laquelle vient Gaillac-Graulhet Agglomération, a entrepris la réalisation d'une crèche sur le territoire de la commune de Gaillac. Par acte d'engagement du 12 novembre 2009, elle a confié à la société Bulditec la réalisation des travaux de gros oeuvre de construction, pour un prix de base de 273 000,10 euros HT. Après la réception de l'ouvrage le 2 février 2012, la société Bulditec a dressé un projet de décompte final transmis le 17 février 2012 comprenant une demande de rémunération complémentaire. Le maître d'ouvrage a rejeté cette demande le 24 avril 2012 et a dressé le décompte général définitif le 24 juillet 2012 que la société acceptait avec réserves avant de produire un mémoire de réclamation daté du 10 septembre 2012. La société Bulditec a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à la condamnation de la communauté de communes Tarn et Dadou à lui régler la somme de 294 671,92 euros TTC qu'elle estimait lui être due au titre du règlement du marché. Par un jugement du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la communauté de communes Tarn et Dadou à verser à la société Bulditec la somme de 8 358,80 euros TTC, assortie des intérêts moratoires. La société Bulditec relève appel de ce jugement.

Sur les fins de non-recevoir :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, alors en vigueur :" L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est (...) de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. Si les réserves sont partielles, l'entrepreneur est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte sur lesquels ces réserves ne portent pas. ". Il résulte de ces stipulations que l'entrepreneur qui entend contester le décompte général qui lui a été notifié doit le retourner assorti de ses réserves avant l'expiration d'un délai, en l'espèce, de quarante-cinq jours. Faute de mémoire en réclamation transmis avant l'expiration de ce délai, le décompte général devient alors définitif et ne peut plus être contesté, sauf à ce que l'entrepreneur établisse qu'il a remis son mémoire en réclamation aux services postaux en temps utile pour qu'il parvienne au maître d'oeuvre avant l'expiration de ce délai.

3. Il résulte de l'instruction et notamment du courrier du 6 novembre 2012 de la société Bulditec adressé au président de la communauté de communes Tarn et Dadou, que le décompte général du marché signé le 24 juillet 2012 par la personne responsable du marché a été notifié par le maître d'ouvrage à la société Bulditec le 30 juillet 2012. Or il est constant que, compte tenu de la durée d'exécution du marché, la société Bulditec disposait d'un délai de quarante-cinq jours, à compter de la notification du décompte général, pour adresser un mémoire en réclamation au maître d'oeuvre, soit jusqu'au 13 septembre 2012. Le mémoire en réclamation de la société Bulditec n'est parvenu au maître d'oeuvre que le 17 septembre 2012. Cependant la société requérante a remis le pli contenant le décompte général assorti d'un mémoire en réclamation aux services postaux le 10 septembre 2012, soit, en tenant compte du délai normal d'acheminement des courriers expédiés en recommandé, en temps utile pour que son mémoire parvienne au maître d'oeuvre avant le 13 septembre 2012. Dans ces conditions, la circonstance que ce pli ne soit parvenu au maître d'oeuvre que le 17 septembre 2012 n'est pas de nature à avoir conféré au décompte général un caractère définitif.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales-travaux, applicable en l'espèce : " Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de (...) quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. ".

5. Gaillac-Graulhet Agglomération soutient que le mémoire en réclamation produit par la société Bulditec en réponse au décompte général qui lui avait été adressé, n'était pas signé de sorte que le décompte général doit être regardé comme étant devenu définitif. Toutefois, s'il est vrai que le mémoire en cause n'était pas signé, il résulte de l'instruction que ce mémoire portait l'entête de la société Bulditec et était accompagné d'une lettre signée de M. C..., gérant de la société Bulditec. Ainsi, le mémoire en réclamation doit être regardé comme ayant été signé du gérant de la société requérante, ce qui faisait obstacle à ce que le décompte général devienne définitif.

6. En troisième lieu, un litige relatif au décompte général porte sur un objet distinct de celui engagé par une réclamation formée en cours d'exécution du marché. Mais il résulte de l'instruction que les contestations de la société Bulditec s'inscrivaient dans le cadre d'un différend sur le règlement du marché à compter du projet de décompte final qu'elle avait proposé. Dès lors, et contrairement à ce que soutient Gaillac-Graulhet Agglomération, le différend né dès le 16 février 2012 par l'établissement du projet décompte final par la société Bulditec, ne peut être regardé comme mémoire en réclamation formé en cours d'exécution du marché et qui aurait été définitivement réglé par la réponse de Gaillac-Graulhet Agglomération du 24 avril 2012. Au surplus, la société Bulditec a contesté le rejet de sa demande de rémunération complémentaire par un mémoire du 15 mai 2012 faisant obstacle à ce que le litige soit regardé comme définitivement réglé et les demandes indemnitaires présentées par la société requérante, forcloses.

7. Enfin en dernier lieu, il résulte des stipulations de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales précitées, qu'il appartient au titulaire du marché d'exposer dans son mémoire les motifs de son refus ou de ses réserves, de préciser le montant des sommes dont il revendique le paiement et, enfin, de fournir les justifications en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'auraient pas fait l'objet d'un règlement définitif. Et il résulte de l'instruction que les réclamations présentées par la société Bulditec qui sont suffisamment précises et détaillées, et ne sont pas devenues définitives ainsi qu'il a été dit au point 6, répondaient à ces exigences.

8. Il résulte de ce qui précède, que les fins de non-recevoir opposées en défense par Gaillac-Graulhet Agglomération doivent être écartées.

Sur la détermination du solde du marché :

9. La société Bulditec demande, dans le cadre du règlement du marché, que Gaillac-Graulhet Agglomération soit condamnée à lui verser la somme de 294.671,92 euros TTC au titre du solde impayé du marché, des travaux supplémentaires, de l'allongement des délais, des retards de paiement et de la révision des prix outre les intérêts. Gaillac-Graulhet Agglomération demande, par la voie de l'appel incident, que la société Bulditec soient condamnée à lui verser la somme de 18 794,16 euros au titre des pénalités de retard.

En ce qui concerne les demandes de la société Bulditec :

S'agissant du paiement des sommes dues au titre du marché ;

10. Il résulte de l'instruction que le marché signé entre la société Bulditec et Gaillac-Graulhet Agglomération était de 352 121,51 euros TTC, compte tenu du montant initial du marché de 273 000,10 euros HT, de l'avenant n° 1 d'un montant de 23 617,90 euros HT, de l'avenant n°3 d'un montant de 2 540, 48 euros HT, et de l'avenant n°5 d'un montant négatif de 4742,50 euros HT. En se bornant à faire valoir qu'elle n'a pas signé l'avenant n°5 sans plus de précision, la société Bulditec ne conteste pas sérieusement ce montant total du marché de 352 121,51 euros TTC. Or il résulte de la situation de paiement établie par M. A..., comptable public qu'une somme totale de 294 255,38 euros HT, soit 351 929,43 euros TTC, a été réglée par la collectivité en exécution dudit marché. La somme de 192,08 euros TTC reste donc due à la société Bulditec au titre du paiement du solde du marché.

S'agissant des travaux supplémentaires ;

11. Le marché conclut entre la société Bulditec et Gaillac-Graulhet Agglomération est un marché à prix global et forfaitaire. Par suite, seuls les travaux supplémentaires réalisés au-delà de la masse initiale des travaux et sur ordre de service, ainsi que les travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service du maître d'ouvrage, mais indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, peuvent être indemnisés.

12. En premier lieu, si la société Bulditec fait valoir qu'elle a réalisé des sondages des fondations de l'orangerie elle ne démontre pas avoir reçu de la maîtrise d'oeuvre un ordre écrit ou verbal. Il n'est pas davantage établi que ces sondages, qui n'ont pas été autorisés et ne se rattachent à aucun ordre de service auraient, soit été indispensables à la réalisation des travaux dans le respect des règles de l'art, puisque le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre ont demandé des reprises en sous oeuvre qui les rendaient inutiles, soit qu'ils aient permis de résoudre les problèmes de fondation. Par suite, il n'incombait pas au maître d'ouvrage de prendre en charge ces travaux réalisés inutilement par la société requérante.

13. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les travaux, non prévus au marché initial, de modification des fondations par semelles en des fondations par pieux, ont donné lieu dans un premier temps à l'avenant n°1 au marché et à l'ajout d'un montant non contesté de 23 617,90 euros HT au montant du marché initial. Pour le même motif, la découverte d'une difficulté supplémentaire de même nature a motivé la demande de rémunération supplémentaire de la société Bulditec, d'un montant de 6 988,97 euros, qui a été, " après réflexion ", validée par l'équipe de maîtrise d'oeuvre au mois de février 2012, sans que cette mention puisse être regardée comme une " coquille " ainsi que le soutient Gaillac-Graulhet Agglomération. La société Bulditec est donc fondée à demander le paiement de cette seule somme de 6 988,97 euros HT au titre des prestations supplémentaires autorisées par la maîtrise d'oeuvre.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 2.2.4 du cahier des clauses techniques particulières relatif aux voiles de soubassement et de soutènement: " l'entrepreneur titulaire du présent lot aura à sa charge la réalisation de tous les voiles de soubassement et de soutènement du projet (repérage sur plan gros oeuvre et architecte). La totalité de ces voiles seront réalisées en béton armé et seront nécessairement coulés sur place ; ces voiles comporteront toutes les armatures nécessaires et seront coulés dans des coffrages ordinaires P1 côté terre et P3 pour tous les ouvrages restant apparent. Sont à prévoir dans ces voiles toutes les réservations nécessaires au passage des canalisations et gaines des corps d'état techniques, et ventilation des vides sanitaires. Important : le béton mis en couvre pour la réalisation de ces ouvrages sera un béton architectonique teinté. Il devra répondre aux exigences suivantes : (...) un béton " imparfait " est souhaité en terme d'aspect, tout en respectant les normes en vigueur. Il devra à cet effet être légèrement sec, peu vibré, et coulés par levées régulières ou hautes (50cm environ). L'effet final obtenu doit correspondre à une texture " à l'ancienne ". Par ailleurs, l'enrobage sera de 5cm minimum afin que l'on puisse tolérer des reliefs sur les faces des voiles sans risque de sortir des tolérances d'enrobage. La teinte sera de type brune, ocre blonde ou sienne brulée. L'obtention de cette teinte nécessite le choix approprié du ciment, du sable et du gravier mis en oeuvre. L'entrepreneur titulaire du présent lot aura à sa charge la fourniture d'échantillons de béton de teinte et d'état de surface différents pour validation de la maîtrise d'oeuvre avant mise en oeuvre".

15. La société Bulditec sollicite le paiement des travaux supplémentaires résultant de la modification du mur de soutènement par la maîtrise d'oeuvre. Toutefois il résulte de l'instruction, que la société Bulditec a informé la maîtrise d'ouvrage de l'impossibilité dans laquelle elle était de réaliser le mur de soutènement tel que préconisé par les pièces contractuelles alors qu'elle était tenue de s'assurer avant de signer le marché, de l'étendue des obligations qu'elle devait assumer. La maîtrise d'oeuvre a donc été dans l'obligation de produire des notes méthodologiques pour aider la société Bulditec dans l'exécution des prestations prévues au marché mais la société Bulditec n'a pas accepté de réaliser les travaux ainsi préconisés. La société a alors proposé de réaliser des panneaux de béton préfabriqués sur lesquels serait rapporté plus tard le parement béton en strate, enrichis des coloris demandés par l'architecte, et cette solution a finalement été acceptée par la maîtrise d'oeuvre afin de ne pas retarder le chantier. Dans ces conditions, d'une part la société Bulditec ne démontre pas que les travaux effectivement réalisés par elle sur le mur de soutènement n'étaient pas équivalents à ceux prévus au marché, et d'autre part, en professionnel avisé, il lui appartenait de s'assurer que son offre correspondait aux éléments contractuels. En conséquence, les travaux en litige ne peuvent être regardés comme des travaux supplémentaires non prévus au contrat et ne sauraient donner lieu à indemnisation.

16. En quatrième lieu, la société Bulditec demande à être indemnisée du surcoût entrainé pour elle du fait de mise à disposition de l'échafaudage au profit de l'entreprise attributaire du lot " enduit à fresques ". Cependant, il résulte de l'instruction et notamment du cahier des clauses techniques particulières ainsi que des calendriers d'exécution, que le titulaire du lot " gros oeuvre " mettait à disposition du lot " enduit à fresques " l'échafaudage pour une durée de 8 semaines. Si la durée des travaux a excédé celle prévue initialement, il n'est pas allégué ni davantage démontré que le dépassement des délais serait imputable au maître d'ouvrage. En conséquence cette demande ne peut être accueillie.

17. En cinquième lieu, si la société Bulditec soutient qu'elle a dû combler un vide sous les longrines en raison d'erreurs dans les cotes mentionnées sur les plans, il résulte en réalité de l'instruction que ces travaux étaient prévus dans les pièces contractuelles par la pose d'une longrine béton enterrée sur laquelle un mur maçonné était bâti. En outre, le cahier des clauses techniques particulières précise que tous les terrassements et talus dans le vide sanitaire étaient à la charge de la société Bulditec. Les travaux de remblais du vide sanitaire étaient donc compris dans le lot " gros oeuvre " et la modification de la méthode n'est pas justifiée par la société Bulditec. Dès lors, ces travaux non autorisés par un ordre de service ne peuvent ainsi être pris en charge au titre des travaux supplémentaires.

18. En sixième lieu, il résulte de l'instruction que les travaux de dalle complémentaire et de soutènement sous la longrine de la file 10 dans la zone de livraison dont la société Bulditec demande la prise en charge, n'ont pas fait l'objet d'un ordre écrit ou verbal ni même de devis. Et la société Bulditec ne conteste pas sérieusement que ces travaux auraient pu être évités si le talus sous le plancher en arrière avait été réalisé. En conséquence, ces travaux ne peuvent être indemnisés au titre des travaux supplémentaires.

19. En septième lieu, si la société requérante demande le paiement de travaux de rebouchage des fenêtres de l'orangerie, la pose et la fourniture de paillassons et le raccordement à un réseau d'eau pluviale découvert à mi-talus, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que ces travaux aient été sollicités par le maître d'ouvrage ou le maître d'oeuvre, ni qu'ils aient été agrées par eux, ni même qu'ils aient été indispensables pour accomplir les travaux dans les règles de l'art. Par suite, cette demande d'indemnisation ne peut être accueillie.

S'agissant de l'allongement du délai d'exécution ;

20. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie, soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

21. La société Bulditec, qui ne se prévaut d'aucune faute du maître de l'ouvrage, fait valoir, d'une part que les travaux de " gros oeuvre " étaient planifiés sur une durée de 2 mois mais qu'ils se sont étalés sur 3 mois et demi, et d'autre part que ces travaux ont été repoussés dans le temps puisque la crèche a été réceptionnée le 13 octobre 2011 alors qu'il était initialement prévu une réception le 10 septembre 2010. Toutefois, il n'est pas contesté par la société requérante, qu'elle a notamment tardé à déterminer l'implantation du bâtiment, étape indispensable aux travaux de terrassement, qu'elle a déserté le chantier au mois d'août pour les congés d'été, et qu'elle a tardé à réaliser les remblais nécessaires. Il résulte donc de l'instruction que l'économie du marché n'a pas été bouleversée par des sujétions imprévues ou des fautes du maître de l'ouvrage, mais seulement par les propres errements de la société Bulditec ainsi que par des retards minimes non indemnisables, inhérents aux travaux de construction tels que la découverte d'une ligne haute tension ou d'une galerie. Par suite, la société Bulditec n'est pas fondée à solliciter une indemnisation du fait du retard pris dans l'exécution du chantier.

S'agissant des retards de paiement ;

22. Aux termes de l'article 3-4-6 du CCAP alors applicable : " les projets de décompte sont présentés conformément à l'article 13 du CCAG. Le règlement des travaux se fait par acomptes mensuels et un solde. Le paiement des sommes dues est effectué dans un délai global maximum de 40 jours. Par dérogation aux articles 11.7, 13.23, 13.43 et 13.5 du CCAG, les conditions de mise en oeuvre du délai maximum de paiement sont celles énoncées dans le décret modifié n° 2002-232 du 21 février 2002 relatives au délai maximum de paiement dans les marchés publics. Les taux d'intérêts moratoires prévus au II de l'article 5 du décret précité est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du mestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courrier majorée de 7 points ".

23. Si la société Bulditec soutient avoir subi des retards de paiement aux mois d'avril 2010, juin 2010, juillet 2010, août 2010, septembre 2010, octobre 2010, novembre 2010 et octobre 2011, elle ne critique pas le jugement du tribunal administratif de Toulouse sur ce point, et n'apporte pas davantage de justificatifs des dates de réception des états par le maître d'oeuvre, alors que Gaillac-Graulhet Agglomération conteste les éléments figurant sur le tableau transmis par la société requérante. Dès lors, la société Bulditec n'est pas fondée à demander à être indemnisée pour des retards de paiement qui ne sont pas établis par les pièces du dossier.

S'agissant de la révision des prix ;

24. Aux termes de l'article 3.5.1 du cahier des clauses administratives particulières : " les prix sont fermes et actualisables suivant les modalités fixées au 3.53 et 3.5.4 du présent marché". Il résulte de l'instruction que la société Bulditec a accepté la clause d'actualisation appliquée en raison du retard dans le démarrage des travaux. Elle n'est donc pas fondée à demander une révision des prix due à un bouleversement économique du chantier.

S'agissant des intérêts ;

25. Aux termes des stipulations de l'article 3.4.6 du cahier des clauses administratives particulières du marché : "le paiement des sommes dues est effectué dans un délai global maximum de 40 jours ; par dérogation aux articles 11.7, 13.23, 13.43 et 13.5 du CCAG, les conditions de mise en oeuvre du délai maximum de paiement sont celles énoncées dans le décret modifié n° 2002-232 du 21 février 2002 relatives à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics. Le taux des intérêts moratoires prévu au II de l'article 5 du décret précité est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points ". Selon l'article I du décret visé par ces dispositions : " -pour les marchés de travaux, le point de départ du délai global de paiement du solde est la date de réception du décompte général et définitif par le maître de l'ouvrage ".

26. En application de ces dispositions et stipulations, la société Bulditec a droit au paiement des intérêts moratoires calculés sur la base du taux de refinancement de la Banque centrale européenne appliqué au 17 septembre 2012, date à laquelle les intérêts moratoires courront, majoré de sept points, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Toulouse.

En ce qui concerne la demande de Gaillac-Graulhet Agglomération :

27. Le maître d'ouvrage peut demander le paiement des pénalités contractuelles de retard, même en l'absence de faute de son cocontractant, dès lors qu'un retard d'exécution est avéré. A cette fin, la personne publique dispose du choix, en matière contractuelle, de saisir le juge ou d'émettre un titre exécutoire à 1'effet de fixer les sommes qu'elle estime lui être ainsi dues. Toutefois, lorsqu'elle décide d'émettre un titre exécutoire et a, de ce fait, mis en oeuvre les pouvoirs dont elle dispose pour obtenir que son débiteur lui reverse lesdites sommes, elle n'est dès lors pas recevable à demander au juge de réitérer une telle mesure.

28. Il résulte de l'instruction que Gaillac-Graulhet Agglomération a émis un titre exécutoire le 10 novembre 2017 pour avoir paiement auprès de la société Bulditec de pénalités de retard. Par suite, les conclusions reconventionnelles, au demeurant nouvelles en appel, tendant à ce que la somme de 18 794,16 euros soit mise à la charge de la société Bulditec au titre des pénalités de retard, ne sont pas recevables.

29. Il résulte de tout ce qui précède, que la société Bulditec est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal ne lui a accordé que la somme de 6 988,97 euros HT, et a demandé à être indemnisée des sommes de 6 988,97 euros HT au titre des prestations supplémentaires, et 192,08 euros au titre du paiement du solde du marché. Cette somme totale de 8 550,88 TTC portera intérêts moratoires appliqués au 17 septembre 2012 ainsi qu'il a été dit au point 31.

Sur les frais d'instance :

30. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Gaillac-Graulhet Agglomération une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Bulditec et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que la société Bulditec, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à Gaillac-Graulhet Agglomération la somme que celle-ci demande en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 8 358,80 euros TTC que Gaillac-Graulhet Agglomération a été condamnée à verser à la société Bulditec par le jugement du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Pau, est portée à la somme de 8 550,88 TTC. Cette somme portera intérêts moratoires calculés sur la base du taux de refinancement de la Banque centrale européenne appliqué au 17 septembre 2012, date à laquelle les intérêts moratoires courront, majoré de sept points.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 16 mai 2017 est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Gaillac-Graulhet Agglomération versera à la société Bulditec une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Bulditec et les conclusions de Gaillac-Graulhet Agglomération sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bulditec et à Gaillac-Graulhet Agglomération.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme E... G..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 décembre 2019.

La rapporteure,

Fabienne G... Le président,

Dominique NAVES Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

11

N° 17BX02409


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX02409
Date de la décision : 10/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : ROUXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-10;17bx02409 ?
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