Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société MSR Basse Gondeau, la société MSR Terreville et la société Errard MSR ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 4 avril 2016 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de la Martinique a organisé
la permanence des soins pharmaceutiques.
Par un jugement n° 1600213 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2017 et un mémoire enregistré le 7 février 2019, la société MSR Basse Gondeau et autres, représentées par le cabinet Overeed AARPI, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du directeur général de l'ARS de la Martinique du 4 avril 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à leur verser à chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- contrairement à ce qu'indique le jugement, la note en délibéré a été enregistrée
le 3 novembre, et non le 3 mars 2017 ;
- le statut de la procédure était indiqué " en délibéré " jusqu'au 4 décembre sur les applications Sagace et Télérecours alors que le jugement mentionne une date de lecture
au 21 novembre 2017 ;
- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative relatives à l'acquiescement aux faits en affirmant qu'il est " constant que les gardes ont été assurées en application de l'arrêté litigieux ", en contradiction avec les pièces produites ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté :
- dès lors qu'elles en avaient fait la demande, il appartenait à l'ARS de leur transmettre l'ensemble des avis recueillis avant de prendre l'arrêté ;
- l'ARS n'a pas sollicité l'avis du conseil central de la section E qui exerce les compétences du conseil régional pour les pharmaciens d'outre-mer, en méconnaissance des dispositions des articles L. 5125-22 et L. 4232-16 du code de la santé publique ;
- le désaccord constitue une demande tendant à la modification du tableau, sur lequel l'ARS est tenue de statuer en vertu de l'article L. 5125-22 du code de la santé publique ; l'arrêté organisant la permanence des soins pharmaceutiques n'est pas un acte réglementaire, mais un acte individuel désignant nommément des officines ; le silence gardé par l'ARS a généré
le 1er mars 2016 une décision implicite d'acceptation du désaccord, créatrice de droits pour ses auteurs, qui n'était pas illégale et qui a été abrogée sans procédure contradictoire, ce qui a privé les intéressés d'une garantie ;
- si la cour estimait que l'arrêté présente un caractère réglementaire, il est entaché d'incompétence négative dès lors qu'il ne fixe pas les horaires de début et de fin des services, les secteurs, le calendrier des gardes et les modalités de leur transfert entre pharmaciens, ce qui renvoie à l'intervention du Syndicat, pourtant dessaisi du fait du désaccord ;
- en s'abstenant de prévoir une permanence pharmaceutique entre minuit et 7 h du matin, l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 5125-22 du code de la santé publique et le " principe de permanence des soins " ;
- la création du secteur constitué par l'unique officine de l'aéroport, qui n'est pas située dans une zone résidentielle, contrevient aux dispositions de l'article L. 5125-22 du code de la santé publique et pénalise les officines du Lamentin dont la clientèle, lorsqu'elles effectuent des gardes, est captée par l'officine de l'aéroport ;
- le zonage, qui ne repose pas sur des considérations d'accessibilité des officines en termes de proximité et de temps de trajet, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il aboutit à une répartition géographique et à un nombre d'officines de permanence insusceptible de répondre aux besoins de la population ; il était nécessaire de créer au
moins 7 secteurs, les 5 existants, dont l'un limité à l'aéroport, imposant des temps de déplacement trop longs, et d'organiser le découpage en tenant compte des maisons médicales de garde.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant les sociétés MSR Basse Gondeau, MSR Terreville et Errard MSR.
Considérant ce qui suit :
1. Lors de son assemblée générale extraordinaire du 28 septembre 2015, le Syndicat des pharmaciens de la Martinique a approuvé cinq résolutions relatives à l'organisation de la permanence des soins, portant respectivement sur la définition de cinq secteurs ou
" zones de garde ", la définition des heures habituelles d'ouverture des pharmacies, la fixation
à minuit (24 h) de la fin du service d'urgence, le principe de l'ouverture de la seule pharmacie de garde de 7 h à 24 h le dimanche et les jours fériés, et le principe de l'autorisation d'échange de gardes ou de services d'urgences seulement au sein d'un même secteur. Par lettres
du 30 décembre 2015, les sociétés MSR Basse Gondeau, MSR Terreville et Errard MSR, qui exploitent des officines de pharmacie, ont notifié à l'ARS leur désaccord sur le seul découpage en secteurs. Par un arrêté du 4 avril 2016, le directeur général de l'ARS a défini le service de garde et d'urgence en confirmant la délimitation des secteurs tels que fixés par le Syndicat
des pharmaciens. Les sociétés requérantes relèvent appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Si le visa de la note en délibéré indique une date d'enregistrement au 3 mars 2017 au lieu du 3 novembre 2017, cette erreur purement matérielle est sans incidence sur la régularité du jugement.
3. Le jugement attaqué, qui fait foi en l'absence de preuve contraire, fait mention de sa lecture le 21 novembre 2017, jour d'audience publique. La circonstance que l'indication " en délibéré " serait demeurée renseignée sur les applications Sagace et Télérecours
jusqu'au 4 décembre 2017, date à laquelle le jugement a été notifié aux parties, n'est pas de nature à faire douter de la date de sa lecture.
4. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. " Le point 7 du jugement écarte le moyen tiré de l'incompétence négative dont serait entaché l'arrêté du 4 avril 2016 au motif que l'autorité administrative avait épuisé sa compétence en fixant le découpage en secteurs sur lequel portait le désaccord. En relevant, par une motivation surabondante, qu'il est " par ailleurs constant que les gardes ont été assurées en application de l'arrêté litigieux ", les premiers juges n'ont contredit aucun fait ressortant des pièces du dossier.
Sur la légalité de l'arrêté du 4 avril 2016 :
5. Aux termes de l'article L. 5125-22 du code de la santé publique : " Un service de garde est organisé pour répondre aux besoins du public en dehors des jours d'ouverture généralement pratiqués par les officines dans une zone déterminée. Un service d'urgence est organisé pour répondre aux demandes urgentes en dehors des heures d'ouverture généralement pratiquées par ces officines. / Toutes les officines de la zone, à l'exception de celles mentionnées à l'article L. 5125-19, sont tenues de participer à ces services, sauf décision contraire prise par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé après avis des organisations représentatives de la profession dans le département, en cas de circonstances ou de particularités locales rendant impraticable ou non nécessaire la participation de l'ensemble des officines. / L'organisation des services de garde et d'urgence est réglée par les organisations représentatives de la profession dans le département. A défaut d'accord entre elles, en cas de désaccord de l'un des pharmaciens titulaires d'une licence d'officine intéressés ou si l'organisation retenue ne permet pas de satisfaire les besoins de la santé publique, un arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé règle lesdits services après avis des organisations professionnelles précitées et du conseil régional de l'ordre des pharmaciens (...). "
6. En vertu des dispositions des articles L. 4232-1 et L. 4232-16 du code de la santé publique, les attributions du conseil régional de l'ordre des pharmaciens relèvent en Martinique de la compétence du conseil central de la section E de l'ordre national des pharmaciens, représentant l'ensemble des pharmaciens exerçant dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, et constitué, conformément aux dispositions de l'article L. 4232-14 du même code, de représentants élus des pharmaciens et d'un pharmacien inspecteur de santé publique. Les sociétés MSR Basse Gondeau et autres, qui invoquent ce moyen pour la première fois en appel, sont fondées à soutenir que les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 5125-22 citées au point précédent imposaient de saisir pour avis le conseil central de la section E avant de régler par arrêté les services de garde et d'urgence. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette consultation aurait été effectuée.
7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
8. Le conseil central de la section E de l'ordre national des pharmaciens est constitué, conformément aux dispositions de l'article L. 4232-14 du code de la santé publique, de représentants élus des pharmaciens et d'un pharmacien inspecteur de santé publique. Son avis est susceptible d'influer sur le sens de la décision prise par le directeur général de l'ARS, et sa saisine constitue une garantie pour les pharmaciens en désaccord avec l'organisation des services de garde envisagée par la profession. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, les sociétés MSR Basse Gondeau et autres sont fondées à demander l'annulation du jugement du 21 novembre 2017 et de l'arrêté du 4 avril 2016.
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 1600213 du
21 novembre 2017 et l'arrêté du directeur général de l'ARS de la Martinique du 4 avril 2016 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société MSR Basse Gondeau, qui en informera les autres requérantes, et à la ministre des solidarités et de la santé. Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme A... B..., présidente-assesseure,
M. Thierry Sorin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.
La rapporteure,
Anne B...
Le président,
Catherine GiraultLa greffière,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 17BX03925