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28/11/2019 | FRANCE | N°19BX01914

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 28 novembre 2019, 19BX01914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a ordonné son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900648 du 28 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la

cour :

1°) de prononcer son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a ordonné son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900648 du 28 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de prononcer son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 28 février 2019 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 5 février 2019 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 72 heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière : le préfet ne justifie pas de la nécessité de recourir aux services d'un interprète par téléphone ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation : le préfet aurait dû mettre en oeuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors que sa demande d'asile a été rejetée par les autorités allemandes qui ont pris une mesure d'éloignement à son encontre et qu'il sera ainsi renvoyé en Afghanistan en cas de transfert en Allemagne ;

Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- M. B... est en fuite ;

- les autres moyens soulevés par l'intéressé sont infondés ;

Par ordonnance du 28 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 19 septembre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... E..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né le 28 août 1993, est entré en France le 24 novembre 2018 selon ses déclarations. Il a sollicité, le 4 janvier 2019, le bénéfice de l'asile. Le relevé de ses empreintes décadactylaires ayant permis d'établir qu'il avait introduit une première demande d'asile en Allemagne le 29 octobre 2010, le préfet de la Gironde a saisi, le 17 janvier 2019, les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013. Les autorités allemandes ont explicitement accepté cette demande le 25 janvier 2019 sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 de ce règlement. Par un arrêté du 5 février 2019, le préfet de la Gironde a ordonné le transfert de l'intéressé aux autorités allemandes. M. B... relève appel du jugement du 28 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. (...). ".

3. Le 18 mars 2019, M. B... a présenté, pour cette procédure, une demande d'aide juridictionnelle, sur laquelle le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Bordeaux n'a pas encore statué. Par conséquent, il y a lieu de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. (...) / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...). ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a déclaré comprendre l'anglais, a été reçu en entretien individuel conformément à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 précité, le 4 janvier 2019, avant l'édiction de l'arrêté attaqué, au cours duquel il a pu présenter tous les éléments utiles à l'appui de sa demande d'asile et qu'il a bénéficié tout au long de la procédure de l'assistance d'un interprète en langue anglaise mandaté par l'association ISM interprétariat, laquelle bénéficiait d'un agrément ministériel aux fins d'interprétariat et de traduction par décision du 5 avril 2018 régulièrement publié au Journal officiel de la République française. La circonstance que cette assistance a été assurée par téléphone, ainsi que le permettent les dispositions précitées de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas de nature à méconnaître le respect de la confidentialité, ni à porter atteinte aux garanties prévues par les dispositions précitées du règlement européen. Ainsi, et alors que l'intéressée ne fait état d'aucun élément, ni d'aucune circonstance particulière tenant au déroulement de cet entretien, de nature à démontrer que celui-ci aurait été mené en méconnaissance des garanties prévues par les dispositions précitées, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...). ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

7. Il est constant que les autorités allemandes ont accepté de reprendre en charge M. B... sur leur territoire sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit la reprise en charge du demandeur après le rejet d'une première demande d'asile. Ainsi et dès lors que l'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de l'éloigner à destination de son pays d'origine mais se borne à ordonner son transfert vers l'Allemagne, l'intéressé ne peut utilement soutenir qu'il serait exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants dans l'hypothèse où les autorités allemandes procéderaient ultérieurement à son éloignement vers l'Afghanistan.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a ordonné son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : M. B... est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 31 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. D... E..., président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.

Le président-assesseur,

Dominique Ferrari

Le président,

Philippe E...

Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01914
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Philippe POUZOULET
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : DUTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-28;19bx01914 ?
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