Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le centre de ressources, d'expertise et de performances sportives (CREPS) de Poitiers a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner solidairement la société Weiss France et la société GDF-Suez Énergie à lui verser la somme de 226 446 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2014 et de leur capitalisation, en réparation des désordres affectant la chaudière biomasse.
Par un jugement n° 1401592 du 12 juillet 2017, le tribunal administratif a condamné la société GDF-Suez Énergie à verser au CREPS de Poitiers la somme de 203 596 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2014 et capitalisation des intérêts, ainsi que le paiement des dépens à concurrence de la somme de 9 917,84 euros, et rejeté le surplus des conclusions de la demande du CREPS.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2017, la société Engie Énergie services, venant aux droits de la société GDF-Suez Énergie et représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Weiss à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées par les premiers juges ;
4°) à titre très subsidiaire, de rejeter la demande du CREPS de Poitiers ;
5°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la cause des désordres réside exclusivement dans les mauvais réglages effectués par la société Weiss et les conditions d'entretien de la chaudière n'ont pas participé à la survenance des désordres ; il n'existe aucun lien de causalité entre les reproches formulés par l'expert judiciaire à son encontre et les désordres allégués par le CREPS qui sont survenus, indépendamment des conditions d'entretien de la chaudière ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu qu'elle avait refusé de procéder aux réparations nécessaires dès lors que, lorsque les désordres ont été décelés au mois de juin 2012, la chaudière bénéficiait de la garantie spécifique du constructeur et de la garantie générale sur les équipements défaillants et qu'il appartenait donc à la société Weiss d'effectuer elle-même les réparations ; dès lors que les équipements étaient encore sous garantie du constructeur, leur remplacement ne pouvait pas lui être demandé, en application de l'article 5.8 du CCAP, nonobstant la circonstance retenue par le tribunal administratif que ses prestations annuelles comprenaient " le contrôle de l'ensemble des barreaux de grilles en les enlevant pour les nettoyer, changer les barreaux défectueux et usés " ;
- parmi les prestations qui lui ont été confiées ne figure nullement l'obligation de procéder au paramétrage de l'installation ni de vérifier la vitesse de déplacement du bois ou la température du four ; or, les dysfonctionnements sont liés à une température du foyer trop importante sans que le système de sécurité ne se soit déclenché ;
- elle s'est retrouvée en charge de la maintenance d'une installation qui avait fait l'objet de préréglages par la société Weiss auxquels elle n'avait pas assisté et qu'elle ne devait et ne pouvait pas modifier ; elle n'avait aucune possibilité de constater l'usure prématurée de la chaudière avant son arrêt en fin de période de chauffe, sauf en cas d'alerte donnée par la sécurité ; or, la sécurité " température foyer haute " de la chaudière n'a pas fonctionné alors que l'installation avait atteint plus de 1 200 degrés ;
- l'arrêt de la chaudière relève d'un mauvais préréglage par la société Weiss ; si l'expert lui a reproché de ne pas avoir mis en oeuvre des mesures coercitives en 2011, de telles mesures n'auraient pu éviter l'arrêt de la chaudière en 2012, et il n'y a donc pas de lien de causalité entre les prestations qu'elle a effectuées en 2011 et les désordres survenus en 2012 ;
- l'acceptation de la société Weiss de remplacer les pièces défaillantes vaut reconnaissance de sa responsabilité ;
- s'agissant de l'appel en garantie, il ne relève ni du délai de prescription d'un an applicable aux désordres survenant pendant la garantie de parfait achèvement, ni de celui applicable en matière de garantie de bon fonctionnement, mais de celui de l'article 2224 du code civil ;
- le CREPS ne justifie pas que des frais aurait été engagés pour le coût du combustible de remplacement à concurrence de 173 196 euros, et le coût d'entretien supplémentaire pour les petites chaudières au fioul n'est assorti d'aucun justificatif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2018, le CREPS de Poitiers, représenté par la SELARL Jouteux, Carré-Guillot- Pillot, demande à la cour :
- à titre principal, de rejeter la requête de la société Engie Énergie services ;
- à titre subsidiaire, si la cour admettait de limiter le montant des préjudices, de condamner l'appelante à lui verser les sommes de 12 850 euros au titre du coût supplémentaire de remplacement des pièces d'usine et de 10 000 euros au titre de la désorganisation causée par les désordres ;
- en tout état de cause, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge la société Engie Énergie services au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il découle des termes du contrat que l'obligation d'intervention avec obligation de résultat afin de maintenir l'ensemble du système de chaufferie biomasse en fonctionnement a débuté conformément à l'acte d'engagement du 30 août 2010 à compter du 1er septembre 2010 et pour une période de huit années ;
- le préjudice est en lien direct avec l'exécution des prestations ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2018, la société Weiss représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Engie Énergie services au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'appel en garantie, fondé pour la première fois en appel sur la responsabilité délictuelle, est atteint de prescription en application de l'article 2224 du code civil.
Par ordonnance du 16 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. B...,
- les observations de Me D... pour le CREPS et de Me C... pour la société Weiss.
Considérant ce qui suit :
1. En 2009, le centre de ressources, d'expertise et de performances sportives de Poitiers (CREPS) a décidé de remplacer la chaudière biomasse chauffant son site de 25 bâtiments. Dans le cadre d'un marché portant sur la rénovation des installations thermiques, il a confié à la société Weiss, par acte d'engagement signé le 10 septembre 2009, le lot n° 4 " rénovation chaufferie bois " de ce marché. Le 30 janvier 2011, les travaux ont été réceptionnés. Par ailleurs, le 9 septembre 2010, le CREPS a conclu avec la société GDF Suez Énergie services un marché d'exploitation, de maintenance et de gros entretien des installations de chauffage et production d'eau chaude sanitaire. La chaudière a été mise en service le 2 février 2011 et, lors d'une opération d'entretien réalisée en juillet 2012 par les techniciens des sociétés Weiss et GDF Suez énergie services, il a été constaté que six rangées de barreaux étaient hors service, que huit montants latéraux étaient fondus et que le système d'évacuation d'essence n'était pas opérationnel. Le CREPS a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à ce que les sociétés Weiss France et GDF-Suez Énergie soient condamnées à lui verser la somme de 226 446 euros au principal en réparation des désordres affectant la chaudière. Par jugement du 12 juillet 2017, le tribunal administratif a condamné la société GDF-Suez Énergie à verser au CREPS la somme de 203 596 euros au principal, et rejeté le surplus des conclusions de la demande du CREPS. La société Engie Énergie services, venant aux droits de la société GDF-Suez Énergie services, relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article I.1.3 de la partie B du cahier des clauses techniques particulières du marché d'exploitation, de maintenance et de gros entretien des installations de chauffage et production d'eau chaude sanitaire, intitulé " Objet du marché : périmètre technique " : " Le marché porte sur l'exploitation des installations techniques et prestations suivantes : - Chaufferie bois complète (chaudière, silo, traitement des fumées par électrofiltre, (...) - Chaudières fioul et gaz (...) - Supervision (à mettre en place par le Titulaire) - Régulation - L'ensemble des matériels et équipements compris en chaufferies et sous-station, ou contribuant au fonctionnement de celles-ci (pompe déportée par exemple) - Les contrôle tels que stipulés dans le présent CCTP (combustible bois, eau, installations électriques, sécurité...) - Le devoir de conseil auprès du CREPS Poitou-Charentes (...) ". Le tableau en p. 33 et suivantes de ce cahier mentionne notamment, au titre des opérations d'entretien, " contrôle des réfractaires et ragréage si nécessaire " et " de l'ensemble des barreaux de grille en les enlevant pour les nettoyer, changer les barreaux défectueux ou usés ". L'article II.8 du même cahier stipule : " L'exploitant titulaire s'engage à assurer les travaux d'entretien de remplacement ou de renouvellement nécessaires au maintien des ouvrages en bon état de fonctionnement pendant la durée d'exécution du marché, en cas d'usure normale ou anormale, qu'elle qu'en soit la cause. / Les prestations de garantie totales comprennent deux types d'intervention : / - les interventions urgentes, constituées principalement par les réparations ou remplacements, suite à un incident, / - les interventions non urgentes, préventives ou curatives, nécessaires au maintien dans le temps, du bon fonctionnement de l'installation. Les interventions au titre du P3 comprennent la garantie totale de tous les matériels techniques qui concourent directement ou indirectement aux différents services attendus. L'ensemble des équipements du contrat font partie du Gros Entretien et Renouvellement. ". Aux termes de l'article 1.1.4 de la partie A du même cahier, intitulé " Caractéristiques du marché retenu " : " Ce marché est à obligation de résultat concernant : - la continuité du service dans le cadre des conditions particulières définies pour chaque site - le maintien des consignes définies par usage et par site ; le maintien en permanence des installations dans le meilleur état de fonctionnement compte tenu de leur vétusté ; (...) L'obligation de résultats sera associée à une mise en oeuvre de moyens permettant à l'exploitant titulaire d'assurer : - la surveillance périodique des installation, les contrôles et les réglages ; - la maintenance préventive et curative permettant de conserver les installations en état optimal de fonctionnement ; - l'entretien approfondi des installations en dehors de leurs périodes de fonctionnement (l'été pour les installations de chauffage) - les dépannages et interventions d'urgence, 24h/24 tous les jours calendaires, un système d'astreinte devant être mis en place. / Le présent marché est donc à obligation de résultats associée à une mise en oeuvre de moyens ".
3. Il ressort de ces stipulations qu'elles mettent à la charge du titulaire du marché une obligation de résultat s'agissant du maintien des installations en état de fonctionnement, et lui imposent d'assurer les travaux d'entretien, de remplacement ou de renouvellement nécessaires au maintien des ouvrages en bon état de fonctionnement pendant la durée d'exécution du marché, en cas d'usure normale ou anormale, et qu'elle qu'en soit la cause.
4. Ainsi qu'exposé au point 1, lors d'une opération d'entretien de la chaudière réalisée en juillet 2012, il a été constaté que six rangées de barreaux étaient hors service, que huit montants latéraux étaient fondus et que le système d'évacuation d'essence n'était pas opérationnel. Les sociétés Weiss et Engie Énergie services n'ayant pas procédé aux réparations qui s'imposaient, le fonctionnement de la chaudière a été interrompu et le CREPS a chauffé les bâtiments par l'intermédiaire de deux sous-stations fonctionnant au fioul. Dans le jugement attaqué, les premiers juges ont engagé la responsabilité contractuelle de la société Engie Énergie services, au motif qu'elle était tenue, en application des stipulations rappelées au point 3, de prendre à sa charge les travaux d'entretien résultant d'une usure, même anormale, et qu'en refusant d'y procéder, elle avait méconnu ses obligations contractuelles.
5. Toutefois, en vertu de l'article 5.8 du cahier des clauses administratives particulières du marché en cause, le remplacement de pièces sous garantie du constructeur n'incombait pas à la société Engie Énergie Services. Or, à la date de constatation des désordres, la société Weiss était encore tenue tant par la garantie de bon fonctionnement de deux ans que par la " garantie spécifique " de trois ans " sur le réfractaire et les grilles du foyer " prévue par le contrat la liant au CREPS. Dès lors, la société Engie Énergie services est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur la circonstance que ces travaux lui incombaient pour engager sa responsabilité contractuelle.
6. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le CREPS de Poitiers devant le tribunal administratif de Poitiers et la cour.
7. Si le CREPS fait valoir que l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers affirme que les dommages " relèvent essentiellement des réglages effectués initialement, des paramètres de préréglage et des conditions de fonctionnement et d'entretien ", mettant ainsi en cause la société Engie Énergie services chargée de cet entretien, son rapport ne précise pas les carences dans l'entretien des installations qui seraient imputables à cette société.
8. De même, si le CREPS soutient que la société Engie énergie services n'est pas intervenue auprès de la société Weiss pour permettre la réparation rapide de la chaudière biomasse, il résulte au contraire de l'instruction que la société Engie énergie services a échangé de nombreux courriers et courriels avec la société Weiss, exigeant d'elle le remplacement des pièces défectueuses. Dès lors, en l'absence de manquement à ses obligations contractuelles, la responsabilité de la société Engie énergie services ne peut être engagée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que société Engie énergie services est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers l'a condamnée à indemniser le CREPS. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CREPS la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le CREPS et la société Weiss.
DÉCIDE :
Article 1er er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il emporte condamnation de la société Engie énergie Service à indemniser le préjudice du CREPS de Poitiers.
Article 2 : La demande présentée par le CREPS de Poitiers est rejetée en tant qu'elle est présentée contre la société Engie énergie services.
Article 3 : Le CREPS de Poitiers versera à la société Engie énergie services la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le CREPS de Poitiers et la société Weiss au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Engie énergie services, à la société Weiss et au CREPS de Poitiers.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.
La rapporteure,
G...Le président
Éric Rey-Bèthbéder
Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 17BX03086 2