Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision par laquelle le maire de Salies-de-Béarn a implicitement rejeté son recours gracieux contre la décision du 21 août 2014 par laquelle il avait refusé de dresser un procès-verbal d'infraction concernant les travaux réalisés par M. F....
Par un jugement n° 1502646 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau a annulé cette décision et enjoint au maire de Salies-de-Béarn de dresser un procès-verbal d'infraction.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 février 2018, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 26 décembre 2018 et le 24 janvier 2019, M. G... F... et Mme H... A..., représentés par le cabinet ABL associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 5 décembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Pau ;
3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'exécution du jugement de première instance ne prive pas d'objet l'appel ; et ils ont intérêt à voir juger que le maire était bien fondé à refuser de dresser un procès-verbal d'infraction ;
- la demande de M. D... était tardive dès lors que M. D... a formé un recours gracieux au-delà du délai raisonnable d'un an à compter de la décision de refus de dresser un procès-verbal ;
- les demandes de M. D... adressées au maire en juillet et août 2014 n'ayant porté que sur les travaux d'extension de la terrasse, la demande était irrecevable en ce qui concerne les travaux de construction du cabanon et de modification des ouvertures ; le tribunal n'en était d'ailleurs pas saisi ;
- les travaux d'extension de la terrasse étaient dispensés de déclaration préalable en application de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme et n'entraient dans le champ ni de l'article R. 421-17 ni de l'article R. 421-23 du même code ; enfin la circonstance que le terrain d'assiette est situé en zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) n'imposait pas davantage de déposer une déclaration préalable ;
- l'intégralité des menuiseries remplacées n'était pas en bois ; et l'infraction reprochée était prescrite, en application de l'article 8 du code de procédure pénale.
Par trois mémoires, enregistrés le 27 avril 2018, le 16 janvier 2019 et le 10 mai 2019, M. D..., représenté par la SCP DGD avocats, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au maire de Salies-de-Béarn de dresser un procès-verbal d'infraction et à ce que soit mise à la charge de M. F... et Mme A... une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- un procès-verbal d'infraction a été dressé ; dès lors, la procédure d'appel a perdu son objet ; la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par une intervention, enregistrée le 25 janvier 2019, la commune de Salies-de-Béarn, représentée par la SCP Personnaz-Huerta-Binet-Jambon, demande qu'il soit fait droit à la requête.
Elle se réfère aux moyens exposés dans la requête de M. F... et Mme A....
Par ordonnance du 28 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 février 2019 à 12h.
La procédure a été communiquée au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. F... et Mme A..., et de Me B..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a demandé au maire de Salies-de-Béarn de dresser un procès-verbal afin de constater les infractions aux règles d'urbanisme qu'auraient commises M. F... et Mme A.... Ces derniers relèvent appel du jugement du 5 décembre 20107 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé la décision de rejet du recours gracieux formé par M. D... contre le refus du maire de dresser un procès-verbal et a enjoint au maire de dresser un tel procès-verbal.
Sur les conclusions aux fins de non-lieu à statuer :
2. La circonstance que, en exécution du jugement attaqué, qui a assorti l'annulation du refus du maire d'une injonction de dresser un procès-verbal d'infraction, le maire de Salies-de-Béarn a dressé un tel procès-verbal, n'a pas privé d'objet le présent litige.
Au fond :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire (...) / Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. / Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public (...) ". Alors même que le procès-verbal d'infraction dressé en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme a le caractère d'un acte de procédure pénale dont la régularité ne peut être appréciée que par les juridictions judiciaires, il appartient à la juridiction administrative de connaître des litiges qui peuvent naître du refus du maire de faire usage des pouvoirs qui lui sont conférés en sa qualité d'autorité administrative par les dispositions de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme.
4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction en vigueur à la date de l'enregistrement de la demande de première instance : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000, alors en vigueur : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives (...) ". Aux termes de l'article 19 de la même loi : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) / Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa (...) ".
5. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs.
6. Il est constant que la décision expresse du 21 août 2014 par laquelle le maire de Salies-de-Béarn a rejeté la demande de M. D... tendant à ce que soit dressé un procès-verbal concernant les infractions d'urbanisme qu'auraient commises M. F... et Mme A... ne comportait pas mention des voies et délais de recours. M. D... a formé contre cette décision un recours gracieux, reçu en mairie le 1er septembre 2015. Le silence gardé par le maire sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet dont M. D... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Pau par requête enregistrée au greffe le 23 décembre 2015.
7. Il ressort des pièces du dossier, en particulier d'un constat d'huissier produit par M. D..., que celui-ci a eu connaissance de la décision du 21 août 2014 au plus tard le jour de ce constat, soit le 26 août 2014. Il ne se prévaut d'aucune circonstance particulière justifiant qu'il ait formé un recours gracieux contre cette décision plus d'un an après en avoir eu connaissance. Dans ces conditions, sa demande d'annulation présentée devant le tribunal administratif de Pau était tardive.
8. Il résulte de ce qui précède que M. F... et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision de rejet du recours gracieux formé par M. D... et a enjoint au maire de dresser un procès-verbal d'infraction en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D... en appel ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. F... et Mme A..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... une somme globale de 1 200 euros à verser à M. F... et Mme A... en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 5 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Pau et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : M. D... versera à M. F... et Mme A... une somme globale de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F... et Mme H... A..., au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à M. E... D.... Copie sera transmise au préfet des Pyrénées-Atlantiques et à la commune de Salies-de-Béarn.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
Romain RousselLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00471