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19/11/2019 | FRANCE | N°19BX01976

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 19 novembre 2019, 19BX01976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, et l'a astreinte à se présenter le mardi et le jeudi au commissariat de police de Rodez pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ.

Par un jugement n° 1806127 du 19 avril 2019, le tr

ibunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, et l'a astreinte à se présenter le mardi et le jeudi au commissariat de police de Rodez pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ.

Par un jugement n° 1806127 du 19 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mai 2019, Mme E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aveyron du 5 décembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a répondu ni au moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu en tant qu'il porte sur la décision de refus d'admission au séjour, ni à celui tiré de ce que le préfet n'a recueilli aucun élément d'actualisation de sa situation avant de statuer sur son droit au séjour, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à celui tiré du défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la décision de refus d'admission au séjour est insuffisamment motivée en droit et en fait, ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée en droit ;

- l'obligation de se présenter deux fois par semaine au commissariat de police est insuffisamment motivée en fait ;

- le refus d'admission au séjour et l'obligation de quitter le territoire français ont été pris en méconnaissance du droit d'être entendu ;

- le préfet n'a recueilli aucun élément d'actualisation de sa situation avant de statuer sur son droit au séjour, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus d'admission au séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaissant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son époux, dont le retrait de la carte de résident a été annulé, n'est pas en situation irrégulière, qu'elle présente un état anxio-dépressif nécessitant une prise en charge sur une longue période, et que ses trois enfants sont nés en France ;

- le refus d'admission au séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, eu égard notamment à l'état de santé de sa fille née le 18 février 2018 ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne prévoit pas son éloignement à destination d'un pays lui ayant délivré un document de voyage en cours de validité ;

- l'astreinte à se présenter commissariat de police est entachée d'erreur d'appréciation au regard de sa situation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me F..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante marocaine née en 1993, a épousé en 2012 au Maroc M. E..., de même nationalité. Elle est entrée en France le 29 décembre 2013 sous couvert d'un visa touristique d'un mois et s'y est maintenue irrégulièrement. Par un arrêté

du 23 novembre 2017, le préfet de l'Aveyron lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Cette mesure d'éloignement a été annulée par un jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse n° 1705649 du

12 janvier 2018 pour erreur manifeste d'appréciation au regard de la vie familiale

de Mme E..., qui était alors enceinte d'un troisième enfant. Par un arrêté du 23 février 2018, le préfet de l'Aveyron, après réexamen de la situation de l'intéressée, a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Cette seconde mesure d'éloignement a été annulée par un jugement n° 1801066 du

8 octobre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse au motif que le droit d'être entendu n'avait pas été respecté, et les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour ont été rejetées, en dernier lieu, par un arrêt de la cour n° 18BX04200 du 8 octobre 2019. En exécution du jugement du magistrat désigné du 8 octobre 2018, le préfet de l'Aveyron a réexaminé la situation de Mme E..., et, par un arrêté

du 5 décembre 2018, a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le Maroc comme pays de renvoi et l'a astreinte à se présenter le mardi et le jeudi au commissariat de police de Rodez pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Mme E... relève appel du jugement n° 1806127

du 19 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement décrit de manière circonstanciée les mesures prises pour recueillir les observations de Mme E... dans le cadre du réexamen de sa situation. Il répond ainsi aux deux branches du moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, ainsi qu'au moyen tiré de l'absence de recueil d'éléments actualisés sur la situation de l'intéressée. Par suite, la requérante n'est pas fondée à en invoquer l'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 décembre 2018 :

En ce qui concerne la motivation et le défaut d'examen particulier :

3. Mme E... reprend en appel, sans critiquer utilement les réponses apportées par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation en droit et en fait de la décision de refus de titre de séjour, en droit de la décision fixant le pays de renvoi, et en fait de l'astreinte à se présenter deux fois par semaine au commissariat de police, ainsi que le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents et circonstanciés retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne le droit d'être entendu et l'absence de recueil d'éléments personnalisés :

4. Mme E... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance, et sans critiquer utilement les réponses apportées par le tribunal administratif, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, qui relèvent notamment que Mme E... a été reçue en entretien à la préfecture en présence de son conseil dans le cadre du réexamen de sa situation, et qu'elle a communiqué des éléments nouveaux relatifs à sa situation. Par voie de conséquence, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas recueilli de tels éléments ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la vie privée et familiale :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme E... se maintient irrégulièrement en France depuis l'expiration de son visa en janvier 2014 et ne démontre pas y avoir constitué des liens personnels. Ses allégations imprécises relatives à son état de santé ne sont assorties d'aucune pièce. En l'absence de justification de toute circonstance particulière, ni le fait que ses trois enfants sont nés en France en février 2014, février 2016 et février 2018, ni le droit au séjour dont dispose à nouveau son époux depuis l'annulation du retrait de sa carte de résident par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 novembre 2018, ne font obstacle à ce que son époux et ses enfants l'accompagnent au Maroc, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans. Compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de la requérante, le refus d'admission au séjour et l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

En ce qui concerne l'intérêt supérieur des enfants :

7. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

8. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus d'admission au séjour et l'obligation de quitter le territoire français opposés à Mme E... auraient pour effet de séparer ses enfants d'un de leurs parents, et l'allégation très imprécise relative à l'état de santé de sa plus jeune fille, née le 18 février 2018, n'est assortie d'aucune pièce. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut être accueilli.

En ce qui concerne les autres moyens :

9. Mme E... reprend en appel, sans critiquer utilement les réponses apportées par le tribunal administratif, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de renvoi ne désigne pas un pays, autre que le Maroc, qui lui aurait délivré un document de voyage en cours de validité, et de ce que l'astreinte à se présenter deux fois par semaine au commissariat de police serait entachée d'erreur d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions présentées au titre des frais exposés à l'occasion du présent litige ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... B..., présidente-assesseure,

M. Thierry Sorin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2019.

La rapporteure,

Anne B...

Le président,

Catherine GiraultLa greffière,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 19BX01976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01976
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-19;19bx01976 ?
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