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19/11/2019 | FRANCE | N°19BX01770

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 19 novembre 2019, 19BX01770


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2018 du préfet de la Haute-Vienne lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n°1802002 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2019, M. C..., rep

résenté par Me Ralitera, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2018 du préfet de la Haute-Vienne lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n°1802002 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2019, M. C..., représenté par Me Ralitera, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 15 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, et de le munir d'un récépissé autorisant le séjour et le travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de séjour a été édicté à l'issue d'une procédure irrégulière, faute de respect du droit d'être entendu, qui constitue un principe général du droit de l'Union européenne ;

- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;

- le refus de séjour ne procède pas d'un examen sérieux de sa situation ; le préfet ne s'est pas prononcé sur son droit à obtenir le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade et n'a pas pris en compte son état de santé ;

- le refus de séjour méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il souffre d'un stress post-traumatique, l'absence de soins pourrait le conduire à un geste suicidaire et les maladies mentales ne sont pas soignées à Madagascar ;

- le refus de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; il est entré en France en janvier 2014 avec son épouse et ses trois enfants et justifie d'une intégration réussie dans la société française ; ses parents sont décédés et il n'a plus d'attaches à Madagascar ;

- compte tenu de sa situation personnelle et familiale, le refus de séjour repose sur une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé et de son impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant car elle a pour effet de priver ses enfants mineurs de la présence de l'un de leurs parents ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a subi des persécutions dans son pays d'origine, d'une part de la part d'un groupe ethnique avec lequel il avait un litige foncier, d'autre part du gouvernement qui lui a réclamé des impositions exorbitantes pour faire pression en vue d'une contribution au parti au pouvoir, et enfin de la part d'un ancien salarié lui réclamant un prétendu non paiement de salaires, avec interpellation par la police lui soutirant une somme d'argent pour le libérer, et menaces de mort ; il a également été racketté dans le cadre d'un prétendu trafic de documents, et agressé physiquement dans son magasin.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens du requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 3 septembre 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York

le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité malgache, est entré en France le 3 janvier 2014 avec son épouse et leurs trois enfants. Il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des refugies et apatrides (OFPRA) du 25 août 2015, confirmée par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 6 avril 2016. Il a ensuite été admis au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a sollicité le 3 décembre 2017 le renouvellement de son titre de séjour. Il relève appel du jugement du 28 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2018 du préfet de la Haute-Vienne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

Sur la légalité du refus de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et notamment ses

articles 3 et 8, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment celles du 11° de l'article L. 313-11, rappelle les conditions d'entrée et de séjour en France du requérant, indique la teneur de l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 30 juin 2018, précise qu'aucune pièce du dossier du requérant ne vient contredire sérieusement cet avis et décrit sa situation personnelle et familiale en France. Il est, par suite, suffisamment motivé en droit comme en fait.

3. En deuxième lieu, les dispositions de la Charte de l'Union européenne et les principes généraux du droit de l'Union européenne ne trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne. Le moyen tiré de ce que le refus de séjour a été pris en méconnaissance du droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, ne peut donc qu'être écarté, dès lors que le droit au séjour pour raison de santé d'un étranger sur le territoire français n'est pas régi par le droit de l'Union.

4. En troisième lieu, il ressort de la rédaction de l'arrêté que, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet s'est bien prononcé sur la demande de renouvellement de titre de séjour en qualité d'étranger malade dont il était saisi, et s'est livré à un examen particulier de la situation du requérant.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. C... sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 30 juin 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui indique que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour contester le sens de cet avis, M. C... produit deux certificats médicaux établis les 26 octobre 2015 et 1er mars 2016 dont il ressort qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique. Toutefois, ces seuls éléments médicaux, au demeurant anciens, ne se prononcent pas sur les conséquences d'une absence de traitement et ne sont ainsi pas de nature à remettre en cause l'avis de l'OFII sur ce point. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant de renouveler le titre de séjour dont le requérant était titulaire en qualité d'étranger malade.

7. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. C... fait valoir qu'il vit en France avec son épouse et leurs trois enfants mineurs depuis janvier 2014, qu'il justifie de son intégration sociale et professionnelle sur le territoire français, que ses enfants sont scolarisés et parfaitement intégrés. Cependant, il ressort des pièces du dossier que le requérant a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge

de 39 ans, que son épouse, également de nationalité malgache, a elle aussi fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, et il n'est fait état d'aucun obstacle avéré à une reconstitution de la cellule familiale hors de France, ni même à une poursuite de la scolarité de ses enfants dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, et en dépit des efforts d'insertion déployés par M. C... et les membres de sa famille, le refus de titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Pour les mêmes raisons, cette décision ne repose pas sur une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

10. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une absence de traitement pourrait entraîner, pour M. C..., des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut dès lors qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

12. Ainsi qu'il a été dit, aucune circonstance ne s'oppose à une reconstitution de la cellule familiale hors de France. Dès lors, et contrairement à ce qui est soutenu, l'exécution de la mesure d'éloignement attaquée n'aurait pas pour effet de priver les enfants

de M. C... de la présence de l'un de leurs parents. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

13. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

14. M. C... soutient qu'il a été confronté, dans son pays d'origine, à un litige foncier qui s'inscrivait dans un contexte de persécutions ethniques, à un redressement fiscal qu'il impute à son refus de soutenir financièrement un parti politique, enfin à des menaces émanant d'un de ses anciens employés, et à des menaces et demandes de paiement d'argent par les autorités policières ou judiciaires. Toutefois, alors que sa demande d'asile a été rejetée, il n'apporte pas d'élément probant à l'appui de ses allégations et n'établit pas être exposé, dans son pays d'origine, à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance desdites stipulations doit ainsi être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, président-assesseur

Mme Beuve Dupuy, premier-conseiller,

Lu en audience publique, le 19 novembre 2019.

Le rapporteur,

Marie Pierre B...Le président

Catherine GiraultLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 19BX01770


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01770
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : RALITERA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-19;19bx01770 ?
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