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14/11/2019 | FRANCE | N°19BX01959

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 14 novembre 2019, 19BX01959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Potiers d'annuler une décision implicite de refus de titre de séjour ainsi que l'arrêté du 7 septembre 2018 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire.

Par un jugement n° 1802477 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2019, M. A..., représenté pa

r Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Potiers d'annuler une décision implicite de refus de titre de séjour ainsi que l'arrêté du 7 septembre 2018 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire.

Par un jugement n° 1802477 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 janvier 2019 ;

2°) d'annuler une décision implicite de refus de titre de séjour ainsi que l'arrêté du 7 septembre 2018 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour avec la mention " commerçant ", au besoin sous astreinte, ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le tribunal administratif n'a pas statué sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour ; il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français en date du 3 juillet 2015 a été abrogée par le récépissé de demande de titre de séjour, l'autorisant à travailler, qui lui a été remis en 2015 ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice d'incompétence de son auteur ; elle est insuffisamment et révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été convoqué pour un examen individualisé et contradictoire de sa situation et qu'il a ainsi été privé d'une garantie ; elle est entache d'erreur manifeste d'appréciation au regard sa situation personnelle ; elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2019, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Par ordonnance du 2 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 septembre 2019 à 12h00.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2019.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... E..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, né le 4 septembre 1987 à Relizane (Algérie), est entré régulièrement en France le 8 janvier 2015, sous couvert d'un visa de court séjour, valable du 21 juillet 2014 au 16 janvier 2015. A l'expiration de celui-ci, il s'est maintenu sur le territoire et a sollicité, le 14 avril 2015, un certificat de résidence algérien en qualité d'étudiant. Par un arrêté du 3 juillet 2015, le préfet de la Vienne a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français. L'intéressé a déposé une nouvelle demande de titre de séjour, en qualité de commerçant, le 8 décembre 2016. Après une première décision implicite de rejet, le préfet de la Vienne a, par un arrêté du 7 septembre 2018, rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement du 29 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le silence gardé par le préfet sur une demande de titre de séjour fait naître, après l'écoulement d'un délai de quatre mois, une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent. Dans ces conditions, et dès lors que le tribunal administratif a examiné la légalité de l'arrêté du 7 septembre 2018 au regard des autres moyens invoqués par M. A..., celui-ci n'est pas fondé à exciper de ce que les premiers juges auraient omis de statuer sur ses conclusions dirigées contre la décision implicite par laquelle le préfet de la Vienne a rejeté sa demande.

3. Par ailleurs, le juge administratif n'est pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments avancés par un requérant à l'appui de ses conclusions. Par suite, le tribunal administratif de Poitiers, en ne répondant pas expressément à l'argument selon lequel une autorisation provisoire de séjour accordée en 2016 aurait abrogé l'obligation de quitter le territoire français édictée le 3 juillet 2015, argument qui était d'ailleurs sans portée utile s'agissant de la légalité de l'arrêté en litige, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ou d'une quelconque omission à statuer.

Sur la légalité de la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour de M. A... :

4. Comme il a été dit, la décision de refus de titre de séjour en date du 7 septembre 2018 s'est substituée à la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant par quatre mois par le préfet de la Vienne sur de la demande de titre de séjour en date du 8 décembre 2016.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 septembre 2018 :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

5. M. A... fait valoir que la délégation de signature produite par le préfet de la Vienne est générale et imprécise et ne fait pas expressément référence aux décisions de refus de titre de séjour et aux obligations de quitter le territoire français. Il ressort toutefois des pièces du dossier que par un arrêté du 8 juin 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n°86-2018-060 du 11 juin 2018 de la préfecture, le préfet de la Vienne a régulièrement donné délégation à M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture, aux fins de signer notamment l'ensemble des actes pris en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces dispositions, suffisamment précises, donnaient légalement compétence à ce dernier pour signer l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus de séjour du 7 septembre 2018 doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 3 du jugement attaqué.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vienne n'aurait pas pris en compte l'ensemble des éléments transmis par M. A... à l'appui de sa demande, s'agissant notamment du chiffre d'affaires qu'il a réalisé au cours de l'année 2017. Si l'intéressé fait valoir qu'il n'a pas été convoqué en préfecture afin qu'il soit procédé à un examen individualisé et contradictoire de la situation, il ressort des termes mêmes du courriel qu'il a adressé à la préfecture de la Vienne, le 12 mars 2018, qu'un " rendez-vous de renouvellement [lui] a été donné à la date du 20 mai [2018] ", un premier rendez-vous ayant par ailleurs été fixé à la date du 8 décembre 2016, par courrier de la préfecture du 12 septembre 2016. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle ne peut être accueilli.

8. En troisième lieu, en ce qui concerne les ressortissants algériens, l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 stipule que : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". L'article 7 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord : (...) c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ; (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant " aux ressortissants algériens est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne remplissait pas les critères prévus par les dispositions précitées de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors, notamment, qu'il n'était pas en possession d'un visa de long séjour mais était au contraire en situation irrégulière au moment de sa demande. Toutefois, alors même qu'un étranger ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour, le préfet peut apprécier, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, l'opportunité d'une mesure de régularisation, ce qu'il a d'ailleurs faite en l'espèce. Le préfet de la Vienne a refusé de régulariser la situation de M. A... à titre discrétionnaire aux motifs que celui-ci n'établissait pas son insertion dans la société française, ne justifiait pas de ressources suffisantes malgré sa déclaration de commerçant et n'établissait pas le sérieux et la viabilité économique de son projet.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est inscrit au régime social des indépendants du Poitou Charente depuis le 11 août 2015. Interrogé par la préfecture de la Vienne sur la situation de l'intéressé aux cours des mois de juin et octobre 2017, cet organisme a indiqué que celui-ci avait déclaré un déficit de 3 338 euros pour l'année 2015 et un bénéfice nul pour l'année 2016. Si M. A... fait valoir que sa société, la SARL Chatel Multiservices, a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 100 000 euros au cours de l'année suivante, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte d'exploitation de l'année 2017 qu'il a lui-même produit, que le résultat d'exploitation de la société a été de zéro pour cette année. Par suite, en considérant que M. A... n'établissait pas son insertion dans la société française, ne justifiait pas de ressources suffisantes et n'établissait pas la viabilité économique de son projet, le préfet de la Vienne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressé.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

12. Comme l'a relevé le tribunal administratif, l'épouse du requérant, de même nationalité que celui-ci, séjourne en France situation irrégulière et rien ne s'oppose à ce que les époux, arrivés en France au cours de l'année 2015, et leurs deux enfants, âgés de cinq et deux ans à la date de la décision en litige, retournent vivre en Algérie, où résident notamment les parents et les frères et soeurs de M. A.... Par suite, le préfet de la Vienne n'a pas, en prenant la décision en litige, porté une atteinte excessive au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et n'a, ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

13. Pour les motifs indiqués au point 12, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

Mme D... E..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.

Le rapporteur,

Sylvie E...Le président,

Philippe Pouzoulet La greffière,

Sylvie Hayet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 19BX01959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01959
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : ATTALI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-14;19bx01959 ?
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