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07/11/2019 | FRANCE | N°19BX01650

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 07 novembre 2019, 19BX01650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à compter de l'expiration du délai de départ volontaire.

Par un jugement n° 1804677 du 19 déc

embre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à compter de l'expiration du délai de départ volontaire.

Par un jugement n° 1804677 du 19 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 19 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- cette même décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière ; le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration était incompétent pour rendre un avis sur son état de santé, le préfet aurait dû saisir le médecin de l'agence régionale de santé, sa demande ayant été réceptionnée par la préfecture avant le 31 décembre 2016 ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; il n'existe pas de traitement approprié en Arménie ;

- la même décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il réside en France depuis plus de quatre ans et vit en concubinage avec une ressortissante arménienne ayant obtenue le statut de réfugié ; ses condamnations passées ne caractérisent pas une menace à l'ordre public du fait de leur ancienneté ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- il entre dans le champ d'application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne pouvait, pour ce motif, faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est insuffisamment motivée caractérisant un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; ses condamnations ne suffisent pas à justifier une telle mesure alors qu'il ne s'est jamais maintenu en situation irrégulière en France.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 août 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant arménien, est entré en France le 5 janvier 2014 selon ses déclarations, sous couvert d'un visa Schengen délivré par les autorités italiennes. Sa demande d'asile a définitivement été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 octobre 2016. Par une demande du 30 novembre 2016, l'intéressé a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 juillet 2018, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans à compter de l'expiration du délai de départ volontaire. M. C... relève appel du jugement du 19 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :

2. L'arrêté attaqué comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constitue le fondement. Il vise ainsi la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ceux du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à sa situation, en particulier les articles L. 511-1, L. 513-2 et L. 743-1 à L. 743-4. L'arrêté précise que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Par ailleurs, l'arrêté fait état de sa situation privée et familiale, notamment qu'il est célibataire et sans charge de famille en France et qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine avec lequel il ne justifie pas avoir rompu tout lien. En outre, l'arrêté précise qu'il a déposé une demande d'asile sous une fausse identité et qu'il est défavorablement connu des services de police et de gendarmerie. Enfin, l'arrêté attaqué relève que M. C... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements personnels, réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le préfet de la Gironde, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation de l'intéressé, a suffisamment motivé en droit et en fait son arrêté du 25 juillet 2018. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

3. M. C... n'établit ni même n'allègue avoir adressé au préfet de la Gironde, préalablement à l'arrêté litigieux, des documents lui permettant d'apprécier son état de santé. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde ne pouvait que se fonder sur l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors, la reprise des termes de l'avis dans l'arrêté en litige, ne permet pas à elle seule d'établir que le préfet se serait estimé lié par celui-ci et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence.

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue du 3° de l'article 13 de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, en vigueur depuis le 1er janvier 2017 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 67 de la même loi : " (...) V. - L'article 5, le 3° de l'article 13, l'article 14, le 2° du I et le VIII de l'article 20 et le troisième alinéa du 6° du II de l'article 61 entrent en vigueur le 1er janvier 2017. VI.- la présente loi s'applique aux demandes pour lesquelles aucune décision n'est intervenue à sa date d'entrée en vigueur. Le 3° de l'article 13, l'article 14, le 2° du I de l'article 20 et le troisième alinéa du 6° du II de l'article 61 s'appliquent aux demandes présentées après son entrée en vigueur. ".

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version antérieure : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale (...). ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement ".

6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

7. D'une part, M. C... soutient que la demande de titre de séjour ayant été déposée avant le 31 décembre 2016 auprès des services de la préfecture, sa situation devait être examinée au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction applicable avant la loi du 7 mars 2016 et que, par conséquent, son dossier médical devait être soumis à l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé et non à celle du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il n'est pas contesté que la demande de titre de séjour de l'intéressé a été déposée le 30 novembre 2016. Or il est constant que le préfet a recueilli l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, prévu par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile telles qu'issues de la loi du 7 mars 2016. Toutefois, contrairement à ce que soutient M. C..., la seule circonstance que le préfet de la Gironde ait fait application de ces nouvelles dispositions ne saurait, en l'espèce, l'avoir privé d'une garantie dès lors que, d'une part, l'examen de son dossier a été confié tant à un médecin instructeur qu'à un collège de trois médecins, au lieu du seul médecin de l'agence régionale de santé, que, d'autre part, le collège de médecins s'est prononcé sur la possibilité de bénéficier effectivement du traitement qui lui est nécessaire dans son pays d'origine, ce qui constitue une garantie supplémentaire par rapport à l'état du droit antérieur qui prévoyait que le médecin de l'agence régionale de santé était seulement tenu d'apprécier si ce traitement y était disponible, et, enfin, que si les nouvelles dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient plus la faculté, pour le directeur général de l'agence régionale de santé, d'émettre un avis complémentaire motivé s'il estimait qu'il y avait lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, l'appelant ne fait état d'aucune circonstance humanitaire exceptionnelle qui aurait pu conduire à l'émission d'un tel avis. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avis aurait été d'une teneur différente s'il avait émané du seul médecin de l'agence régionale de santé. Dans ces conditions, le vice affectant le déroulement de la procédure administrative n'a été susceptible, en l'espèce, ni d'exercer une influence sur le sens de la décision prise, ni d'avoir privé M. C... d'une garantie.

8. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et, en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

9. En l'occurrence, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. C... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Gironde a relevé que, par avis rendu le 24 octobre 2017, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine, l'Arménie. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre d'antécédents de tuberculose dont il présente des séquelles pulmonaires, d'une hernie abdominale et de troubles psychotiques. L'appelant verse au dossier deux certificats médicaux de médecins généralistes différents qui se bornent à décrire ses pathologies. En l'absence de tout document précisant les conséquences d'un défaut de prise en charge médicale, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté sans qu'il soit nécessaire d'apprécier l'existence du traitement dans le pays d'origine.

10. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. M. C... fait valoir qu'il réside en France depuis plus de quatre ans, qu'il vit en concubinage avec une ressortissante arménienne ayant obtenu le statut de réfugié et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré récemment en France et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache en Arménie où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans et où résident ses parents et sa fratrie. De plus, il ne prouve pas, par la seule production d'une quittance de loyer et d'une facture de gaz au nom de sa concubine ainsi que d'une attestation d'hébergement de cette dernière datée du 8 août 2018, la réalité et la stabilité de leur relation. Enfin, il n'est pas contesté que l'intéressé est défavorablement connu des services de police et de gendarmerie dès lors qu'il a été signalé à 16 reprises entre 2014 et 2018 pour des délits et qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux le 5 décembre 2014, le 20 mai 2015 et le 11 décembre 2015 à des peines d'emprisonnement avec sursis pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis, de recel de bien provenant d'un délit et pour vol en réunion. Dans ces circonstances, le refus litigieux ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

12. Par les mêmes motifs, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision de refus de titre de séjour et celle l'obligeant à quitter le territoire d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas au nombre des étrangers devant se voir attribuer un titre de séjour de plein droit en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que, pour ce motif, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

14. Aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

15. La décision attaquée vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique que M. C... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. La décision fixant le pays de renvoi est ainsi suffisamment motivée.

16. Il ressort de la motivation de cette décision que, contrairement à ce que soutient M. C..., le préfet de la Gironde a procédé à un examen complet de sa situation.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11 et compte tenu de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé sur le territoire français, le préfet a pu légalement prendre à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2019.

Le rapporteur,

D...Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01650
Date de la décision : 07/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DUTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-07;19bx01650 ?
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