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31/10/2019 | FRANCE | N°19BX00550

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 31 octobre 2019, 19BX00550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2017 par lequel le préfet de la Dordogne a prolongé la durée de l'interdiction de retour sur le territoire à cinq années.

Par un jugement n° 1704446 en date du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 février 2019, M. G..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'ann

uler le jugement n° 1704446 du tribunal administratif de Bordeaux du 19 juillet 2018 et l'arrêté de la p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2017 par lequel le préfet de la Dordogne a prolongé la durée de l'interdiction de retour sur le territoire à cinq années.

Par un jugement n° 1704446 en date du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 février 2019, M. G..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1704446 du tribunal administratif de Bordeaux du 19 juillet 2018 et l'arrêté de la préfète de la Dordogne en date du 12 septembre 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et a prolongé la durée d'interdiction de retour sur le territoire national à cinq années ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an dans le délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens en tant que de besoin.

Il soutient que :

- le jugement ne se prononce pas sur le moyen tiré de la présence en France de ses enfants et de sa participation à l'entretien et à l'éducation de ces derniers nonobstant le divorce ; les premiers juges ont également omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'incompétence de M. Simplicien, secrétaire général de la préfecture, pour signer les actes attaqués ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

Sur le refus de séjour :

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions des points 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale, tel que protégé par les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi :

- ces décisions sont dépourvues de base légale compte tenu de l'irrégularité de celle lui refusant un titre de séjour ;

- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la décision portant prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision prolongeant cette mesure de deux ans est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.

Par des pièces et un mémoire en défense, enregistrés les 20 août et 16 septembre 2019, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 13 décembre 2018.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... E...,

- et les observations de Me B... qui substitue Me C..., représentant de M. G....

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., né en 1989 à Mitrovica (ex-Yougoslavie), de nationalité kosovare, est entré irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il était encore mineur. Il s'est marié avec une ressortissante de même nationalité, dont il est désormais séparé, et a obtenu une carte de séjour temporaire d'un an mention " vie privée et familiale " dont la validité a expiré le 16 octobre 2016. Par un arrêté en date du 19 décembre 2016, alors qu'il était incarcéré à .... Par des décisions en date des 23 décembre 2016 et 9 mai 2017 devenues définitives, le tribunal administratif de Limoges et la cour administrative d'appel de Bordeaux ont rejeté les recours de M. G.... A la suite d'une nouvelle demande de titre de séjour déposée le 18 juillet 2017, le préfet de la Dordogne a, par un arrêté en date du 12 septembre 2017, confirmé le caractère exécutoire des mesures prononcées par l'arrêté du 19 décembre 2016 et a prolongé de deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français dont M. G... faisait l'objet. M. G... interjette appel du jugement en date du 14 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité des conclusions en appel :

2. Les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2017 en tant qu'il se borne à confirmer le caractère exécutoire de la décision de refus de titre de séjour et la mesure d'éloignement sont en tout état de cause nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

3. A l'appui de sa demande, M. G... soutient que le jugement en date du 14 février 2019 est irrégulier en tant que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 12 septembre 2017 et de la présence en France de ses enfants et de sa participation à l'éducation et à l'entretien de ces derniers.

4. D'une part, le jugement critiqué prend en compte la situation familiale du requérant et notamment la présence en France de ses enfants, la manière dont il contribue à leur entretien et à leur éducation et se prononce expressément sur le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale et sur celui de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

5. D'autre part, le requérant n'avait pas soulevé de moyen relatif à la compétence du signataire de l'arrêté. Le tribunal n'était pas tenu de se prononcer sur ce point en l'absence d'incompétence manifeste. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. L'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans prononcée à l'encontre de M. G... par l'arrêté du 19 décembre 2016 étant devenue définitive après l'intervention de l'arrêt précité de la présente cour administrative d'appel en date du 9 mai 2017, le requérant conteste la décision prise le 12 septembre 2017 de prolonger cette interdiction de retour de deux années supplémentaires. Seuls les moyens dirigés contre cette prolongation sont opérants.

7. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté en date du 23 janvier 2017 publié au recueil des actes administratifs le 24 janvier suivant, M. Simplicien, secrétaire général de la préfecture de la Dordogne était autorisé à signer l'arrêté en litige. Le moyen tiré de l'incompétence doit donc être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. ... / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. ... ".

9. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

10. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

11. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

12. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige examine les quatre critères énumérés par les dispositions précitées du point III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet arrêté retient notamment que le requérant s'est irrégulièrement maintenu sur le territoire national, a été condamné à de multiples reprises par la justice française pour des faits de violences notamment conjugales, constitue une menace pour l'ordre public et que, compte tenu de cette situation, son éloignement ne portera pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale normale ni une atteinte excessive aux intérêts supérieurs de ses enfants.

13. M. G..., âgé de 28 ans à la date de l'arrêté contesté, est arrivé mineur sur le territoire français en 2004 et se prévaut de la présence en France de ses parents, de sa soeur et de ses deux enfants. Il justifie de ce que ses parents et une de ses soeurs résident de manière régulière sur le territoire français. Divorcé de Mme D..., ressortissante kosovare titulaire d'un titre de séjour, en raison des violences conjugales dont elle a été victime, le requérant fait état d'un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Angoulême en date du 4 décembre 2018, postérieur à l'arrêté attaqué, qui l'autorise à un droit de visite médiatisé d'une heure et demi une fois par mois pour une durée de six mois. Toutefois, à la date de la décision en litige, M. G..., dont les enfants sont suivis en raison du traumatisme causé par les violences conjugales dont ils ont été témoins à de multiples occasions, n'avait vu ses enfants, nés en 2011 et 2012, que sporadiquement à compter de l'année 2013, les droits de visite qui lui avaient été accordés en 2015 lui ayant été retirés en raison des violences dont son ex-compagne était victime à ces occasions, et ne contribuait, de quelque manière que ce soit, ni à leur l'entretien ni à leur éducation.

14. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les motifs retenus par le préfet sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision de prolongation d'interdiction de retour. Cette décision ne méconnait ni les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2017 en litige.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'appelant et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. F... E..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 octobre 2019.

Le rapporteur,

Stéphane E... Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00550
Date de la décision : 31/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : AMBLARD FABRICE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-31;19bx00550 ?
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